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Editorial : Retour sur la question de la productivité en éducation 

Ecole au Ghana - Photo Irin
La France est-elle le Ghana ? La question peut surprendre mais j'essaierai de montrer que les deux derniers audits gouvernementaux approchent la question de la productivité en éducation comme peut le faire le gouvernement ghanéen.

En effet, les récents audits gouvernementaux ne saisissent la question de la productivité de l'Ecole que dans sa dimension comptable. Ce qui compte pour eux c'est de maintenir le taux de scolarisation pour un moindre coût. Et pour cela ils utilisent les 3 voies classiques : augmenter la durée du travail des professeurs (par exemple en rallongeant de deux semaines gratuitement l'année scolaire), diminuer leurs salaires (par exemple en supprimant les décharges), augmenter le volume d'enseignés en réduisant le nombre d'heures d'enseignement. C'est exactement ce que pratique le Ghana (voir l'article un peu plus bas) qui doit faire face à un brutal afflux d'élèves. Et ça provoque d'ailleurs une grève des enseignants dans ce pays.

Il me semble que la situation scolaire française est différente de celle du Ghana. Et je voudrai montrer ici des approches de la productivité scolaire que nos inspecteurs des finances n'ont peut-être pas aperçues.

Et si on augmentait la productivité culturelle de l'Ecole ? Une expérience mérite ici de trouver place : celle du "lycée du matin" mis en place au lycée du Mirail. Dans cet établissement les cours s'arrêtent à 14 heures. Les élèves s'inscrivent l'après-midi à des activités diverses (danse, sport, théâtre, auto-école, théâtre, photo etc.) selon un "contrat d'activités personnalisées" signé par les parents. Les élèves ont aussi accès à leurs professeurs en "libre-service" pour répondre à leurs questions. Il s'agit à la fois de responsabiliser le jeune par rapport à sa formation et de faciliter son épanouissement.

Nous avons demandé à Philippe Misandeau, professeur de français dans ce lycée, de faire un rapide bilan du dispositif. "La convivialité est certaine et appréciée (les élèves ont bâti ici une "vie de quartier" qu'ils ne peuvent bâtir chez eux). Les élèves marquent leur intérêt pour des ouvertures culturelles diverses (cinéma, théâtre, photo, danses.), caritatives et humanitaires (collectes alimentaires, visites dans les hôpitaux.). Ils participent de plus en plus nombreux aux ateliers. L'utilisation des espaces pédagogiques (CDI, classes, salles vidéo, salle multimédia.) est beaucoup mieux rentabilisée. L'établissement a vu le nombre d'élèves augmenter sensiblement. Les résultats scolaires (bac) n'ont jamais été en baisse. Mais la hausse n'est pas celle que l'on pouvait espérer". L'ensemble de ce dispositif s'est fait à moyen constant en s'appuyant sur le tissu associatif local.

Et si on cherchait la productivité scolaire ? Le récent rapport sur l'académie de Lille soulignait le fait que certains collèges obtenaient des résultats très supérieurs à d'autres. Cet effet établissement a été étudié dans l'académie de Nantes. "L'analyse comparée des résultats aux évaluations à l'entrée en sixième pour tous les collèges de l'académie (de Nantes) a montré qu'il existait une disparité importante entre établissements sur le territoire académique mais aussi... qu'il n'y avait pas de corrélation systématique entre les scores obtenus par les élèves et leur origine sociale... Ainsi, des collèges présentant des taux de PCS défavorisées supérieurs à la moyenne académique figuraient parfois dans le peloton des établissements où les élèves réussissaient bien, voire très bien les tests d'évaluation... Là où une forme de fatalité sociale aurait laissé attendre des résultats faibles, on se trouvait au contraire face à de véritables réussites scolaires, en français comme en mathématiques". C'est le cas par exemple d'élèves venus d'écoles comptant 69% de PCS défavorisées et 35% d'élèves étrangers.

L'étude réalisée par le rectorat de Nantes a pu mettre en avant quelques facteurs expliquant la réussite de ces établissements. La qualité de la relation avec les parents, les efforts menés pour les intégrer dans la vie de l'école apparaissent comme des conditions de réussite. D'autres facteurs relationnels sont également importants : les établissements ont des équipes enseignantes stables, qui collaborent facilement et qui ont de bonnes relations avec des municipalités bienveillantes. Reste la partie strictement pédagogique. " La place et la spécificité de chaque discipline sont nettement prises en compte, mais on insiste beaucoup à chaque fois sur l'activité langagière : comme il a été dit par une équipe « tout se tient dans le langage »". Les enseignants s'attachent également à donner du sens aux apprentissages, à développer des liens contractuels avec les élèves, qu'il s'agisse des codes de vie ou même du travail scolaire. Des stratégies qui n'ont là aussi aucun impact financier.

Quel rapport avec le Ghana ? Le problème du Ghana est celui de la première scolarisation. C'est prioritairement une question de locaux, de personnel, d'aides versées aux familles. La scolarisation dépend proportionnellement de l'investissement. La situation de l'école française est tout autre. Des financements identiques aboutissent à des résultats scolaires différents. La productivité de l'Ecole est aussi à mesurer en termes culturels et d'épanouissement individuel. Et là on s'éloigne encore davantage de l'approche comptable. La réponse ordonnée par les deux audits gouvernementaux pourrait être compréhensible dans le cas du Ghana. Mais la France n'est pas le Ghana.
Le lycée du matin
Les collèges nantais


Par  François Jarraud , le jeudi 19 octobre 2006.

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