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Editorial : Beaumarchais n'a jamais existé 

Lors de la manifestation du 28-9-06... Photo CP
"Pourvu que je ne parle ni de l'autorité, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs". Vous croyez que ce passage célèbre a été écrit par Beaumarchais pour Le mariage de Figaro ? Vous avez tort. Vous pensez avoir lu, à la une d'un quotidien français, "Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur". Vous avez tort. Beaumarchais n'a jamais existé.

C'est ce que donne à penser une information apportée par Libération du 9 octobre. En mai dernier, deux artistes de cirque de Mulhouse ont voulu souhaiter à leur façon la bienvenue au président de la République. Ils ont rien cassé, rien dit, même pas crié. Ils ont juste écrit sur un drap "Chirac au zoo !". Ils ont été arrêtés, mis en garde à vue et sont poursuivis devant le tribunal correctionnel de Mulhouse pour outrage à magistrat.

Ils risquent 1 an de prison et 15 000 euros d'amende. A la connaissance du Café, aucun président n'a usé de cette loi depuis le général de Gaulle.

Vous comprenez pourquoi Beaumarchais n'a sans doute jamais existé. Ni Voltaire. Ni Molière. La France n'a jamais connu que des Jean-Sifrein Maury.

Certes, ces jeunes gens n'ont pas le talent de Beaumarchais. Mais ils ont bel et bien les mêmes adversaires. Ceux-là même qui instillent dans le pays un climat de caporalisme. Ceux, par exemple, qui voudraient que les fonctionnaires soient astreints à un total devoir de réserve (suivez mon regard). Ceux qui menacent de mettre en fiche les bambins de maternelle (suivez-le toujours). Ceux qui ont, disons-le, une conception autoritaire du pouvoir et qui croient qu'en cultivant les peurs leur heure pourrait venir. Ceux qui d'ailleurs n'hésitent pas à s'en prendre à l'indépendance des magistrats.

Revenons à nos deux jeunes gens. On peut espérer qu'ils s'en tirent avec une simple admonestation. Car toute peine, même minime, serait plus qu'une bavure judiciaire.

Dans le climat actuel du pays, face à la montée des conservatismes et de l'autoritarisme, nous avons besoin que les citoyens puissent écrire, dire et chanter (en choeur) "Chirac au zoo !" .
Article de Libération


Par  François Jarraud , le mardi 10 octobre 2006.

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