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Editorial : Cantine ou cantoche ?  

La cantine vaut mieux que le grignotage, il faut choisir Photo CP
En programmant "Vive la cantine !", M6 attire l'attention médiatique sur l'état des cantines scolaires françaises. Du coup, la presse traite le sujet parfois avec des conclusions opposées. Ainsi, Ouest France titre "la cantine, c'est franchement pas toujours bon" et évoque "des croquettes pour chiens", du personnel démotivé et mal formé et des plats horribles.

Autre son de cloche dans Le Monde. "D'un point de vue nutritionnel, le repas pris dans les cantines scolaires est souvent le mieux équilibré de la journée" affirme la responsable d'un groupe de restauration collective. L'article oppose les cantines gérées par ces groupes, félicités pour leurs efforts de qualité, aux restaurants à gestion locale, accusés, par un responsable de l'émission de M6, de tous les maux. Preuve, s'il en est besoin, que les groupes de restauration collective ne manquent pas d'appétit...

Tout cela pourrait prêter au sourire et aux souvenirs nostalgiques. Mais nous allons essayer ici de montrer que si le sujet mérite l'attention des enseignants c'est qu'il associe directement l'éducatif, le sanitaire, le social et le politique, la souffrance des corps et les inégalités sociales.

L'enjeu sanitaire est le plus évident. Estimé à 3% en 1965, le nombre des élèves obèses a fortement progressé au point de concerner 10% des enfants et 13% des adolescents. Cela concerne particulièrement les jeunes des quartiers défavorisés. Un lieu où l'école connaît également la situation inverse. Ainsi en Zus, il n'est pas rare, au début du XXIème siècle, de rencontrer des enfants dénutris : c'est le cas de 2% des écoliers de Clichy !

Car le premier problème de la cantine ce n'est pas le goût de la soupe mais la possibilité d'y accéder. C'est souvent parce que la cantine est devenue inaccessible que l'enfant mange mal ou pas du tout.

Ainsi, de nombreuses communes ont décidé de réserver l'accès à la cantine aux enfants de parents ayant un emploi. Elles allèguent le manque de place et la possibilité pour ces enfants d'être accueillis par leur famille. Mais on peut craindre que l'insolvabilité de certains parents explique davantage cette pratique. Finalement ce sont les enfants des chômeurs qui font les frais de ces mesures.

Dans le secondaire, c'est le prix du service (les groupes de restauration n'y sont pas pour rien) qui écarte une partie des élèves. Résultat : la cantine est devenue un indicateur infaillible de la composition socio - professionnelle d'un établissement. Plus le taux de remplissage est bas, plus celui-ci est populaire et inversement.

Face à cette situation des initiatives apparaissent et mériteraient d'être relayées par les médias. On peut citer les efforts de certains conseils généraux pour aider les familles. Par exemple, le C.G. de Seine-Saint-Denis a décidé de les aider financièrement pour amener le taux de fréquentation des cantines des collèges à 45%.

Il faut mentionner également les efforts d'Unicef France. En novembre 2005, l'organisation a lancé une campagne pour qu'une loi garantisse l'accès de tous les enfants à la cantine au moins jusqu'à la fin du primaire. " Ne pas déjeuner le midi est un problème pour un certain nombre d'enfants, payer la cantine est un problème pour un certain nombre de familles, et assumer financièrement le service de restauration scolaire est un poids pour les communes. Mais c'est un problème finalement assez simple à résoudre en comparaison des autres enjeux concernant les enfants et les jeunes dans notre pays : il s'agit de faire évoluer le droit, le dispositif, afin qu'il corresponde aux nécessités d'aujourd'hui. C'est pourquoi nous proposons de créer et d'héberger une commission qui examine une réforme, et pourquoi pas une proposition de loi, en faveur d'un accès égal au restaurant scolaire pour tous les enfants". Le coût de cette mesure serait tout à fait tolérable pour les finances publiques.

Son impact social serait important. L'effet scolaire aussi. Une alimentation équilibrée est nécessaire au travail scolaire. Et cela permettrait de mieux mettre en pratique la circulaire de 2003 qui rappelle que " l'école a la responsabilité particulière, en liaison étroite avec la famille, de veiller à la santé des jeunes qui lui sont confiés et de favoriser le développement harmonieux de leur personnalité. Elle participe également à la prévention et à la promotion de la santé en assurant aux élèves, tout au long de leur scolarité, une éducation à la santé, en articulation avec les enseignements, adaptée à la fois à leurs attentes et à leurs besoins ainsi qu'aux enjeux actuels de santé publique" . Une promesse encore largement à mettre en oeuvre.
Les textes officiels
Rappel : le projet Unicef
Rappel : Les parents et la cantine


Par  François Jarraud , le mercredi 27 septembre 2006.

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