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Pédagogie : Lecture : De Robien veut modifier les programmes 

Photo Café pédagogique
Le ministre de l'Education persiste et signe en demandant aujourd'hui, lundi 6 mars, au Conseil Supérieur de l'Education (CSE) de modifier plusieurs passages des programmes de 2002, dans la partie consacrée à l'apprentissage de la lecture au cycle II.

Pour le non-spécialiste, certaines modifications pourront paraître mineures : on supprime la phrase qui précisait que "la plupart des "méthodes" de lecture proposent aujourd'hui des programmes de travail équilibrés" entre l'identification des mots et la recherche de la compréhension. Pour autant, la définition de la lecture comme une double activité sur ces deux niveaux n'est pas remise en cause (comment pourrait-elle l'être ?). Dans la même veine, on supprime la phrase qui précise que "la plupart des méthodes proposent deux types d'abord complémentaires ; analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises ; synthèse, à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés". Pour autant, le paragraphe suivant précise toujours la place des activités d'analyse (dans "manteau", je vois le "man" de "maman", le "t" de "table", le "eau" de "beau").

Mais la troisième modification tente de raboter toute référence à d'autres possibilités que la pure méthode syllabique. Là où l'ancienne formulation acceptait d'entendre que toute méthode pouvait avoir des points forts et des points faibles, De Robien ne veut voir qu'une tête. Prépare-t-il ainsi la préconisation unique de sa très chère « Léo et Léa » ?

En limitant le « toilettage » des programmes à trois articles, le ministre souhaite peut-être laisser croire qu'il prend une position "raisonnable", répondant ainsi au texte des "18 scientifiques" qui, en même temps qu'ils prenaient leurs distances avec l'instrumentation ministérielle, lui proposaient les modifications présentées aujourd'hui.

C'est bien ce qui heurte tous ceux qui, dans leur classe ou dans les laboratoires universitaires, tentent d'imaginer des pédagogies plus efficaces pour les élèves en difficultés : tous savent que ce qui pose souci dans l'apprentissage est complexe. C'est notamment ce que Rémi Brissiaud, défendant d'autres méthodes d'apprentissage de la lecture, affirme dans une contribution au Café. "Les scientifiques doivent se garder de trancher entre des pratiques pédagogiques qui n'ont pas encore fait l'objet d'une telle étude scientifique. Le rôle du scientifique n'est pas de conformer les pratiques humaines à celles qu'il a déjà étudiées et qui lui paraissent les plus recommandables. Il doit accepter que l'objet qu'il étudie soit plus complexe que le modèle provisoire que sa communauté scientifique en a élaboré et accepter que l'impression de certitude que fournit un tel modèle, soit relativisée par l'expérience des praticiens. Il doit même accepter que l'expérience des praticiens prime quand lui-même manque d'informations !"

Après tout, ces 18 scientifiques écrivent eux-mêmes que "les études scientifiques dont (ils font) état n'explorent qu'une infime partie des paramètres sur lesquels on pourrait jouer pour améliorer encore l'enseignement de la lecture. La recherche scientifique appliquée à l'éducation doit donc encore être développée et soutenue. Toutes les pratiques pédagogiques en vigueur à l'école sont largement perfectibles, encore faut-il disposer d'études fiables pour fonder les évolutions".

En tout cas, le collectif organisé autour du texte "Apprentissage de la lecture : assez de polémiques, des réponses sérieuses" (AGIEM, CRAP, ICEM, FCPE, GFEN, Ligue de l'enseignement, SNUipp-FSU, SE-UNSA, SGEN-CFDT) manifestera sans doute son opposition à la méthode proposée au CSE. Il organise une conférence de Presse le 9 mars, le même jour que l'intervention que fait le ministre sur la lecture devant tous les inspecteurs d'académie.

La difficulté sera sans doute, dans les semaines à venir, de trouver des moyens d'information de l'opinion qui permettent aux parents et aux enseignants de pouvoir débattre. "La syllabique, c'est pas automatique, parlez-en à votre instit !" écrivait R. Goigoux dans une récente contribution. Assurément, une voie à suivre, aussi complexe que l'apprentissage de la lecture elle-même... (P. Picard)
Le dossier lecture du Café

Par  François Jarraud , le lundi 06 mars 2006.

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