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Actualité : Loi Fillon : Coup de force conservateur sur l'Ecole 

Le ministre de l'éducation nationale a longuement présenté son projet de loi d'orientation de l'éducation sur France 2 le 18 novembre. Fixant des objectifs ambitieux (100% de jeunes "qualifiés" mais aussi 80% d'une tranche bac au niveau bac et 50% de diplômés du supérieur soit 15% de plus que le taux actuel), le ministre a exposé les recettes, nettement conservatrices, qui selon lui permettront de les atteindre.
Le socle commun obligatoire. Le ministre intègre la grande section de maternelle dans la scolarité obligatoire et annonce la mise en place d'un "socle commun de connaissances" que chaque élève devra maîtriser sous peine de redoublement dès le début du primaire. Il comportera le français, les maths, la LV1, "l'outil informatique" et une culture de base comportant l'histoire-géographie, l'éducation civique, les sciences et la technologie. Les élèves en difficulté bénéficieront, au collège, de 3 heures de soutien hebdomadaires.
Le brevet redeviendra un examen complet. A coté d'épreuves obligatoires (français, maths, histoire-géo ou SVT) comptées pour 8 points, il comportera des matières évaluées en contrôle continu (LV1, histoire-géo ou SVT et 2 matières au choix de l'élève). Le brevet ne sera pas un examen d'entrée en seconde mais... sera passé avant le dernier conseil de classe de troisième...
L'apprentissage des langues sera renforcé : dédoublement des cours en terminale, enseignement de la LV1 dès le CE et de la LV2 dès la 5ème.
Le bac comportera moitié d'épreuves passées en contrôle continu.
Dans l'enseignement professionnel" le bac professionnel sera préparé en 3 ans au lieu de 4 actuellement.
Du côté des enseignants, F. Fillon souhaite les astreindre à remplacer les enseignants absents.

Un coup de force contre les innovations pédagogiques.

"Les TPE c'est très bien" affirme F. Fillon. Mais il décide leur suppression apportant comme seul argument sa volonté d'alléger l'année de terminale, avant de reconnaître que sa décision dégagera des moyens. "Mais je les conserve en seconde et en première", répète trois fois le ministre. Cela risque d'être difficile : les TPE n'ont jamais existé en seconde... ce qui pourrait faire croire que cette décision, lourde de conséquences, n'a pas vraiment été réfléchie. Seule innovation pédagogique ayant réussi à percer en lycée, les TPE ont été au bout du compte acceptés par les enseignants et sont plébiscités par les lycéens (90% des candidats les ont présenté au bac 2004). Ils sont sacrifiés sans aucun argument sérieux sur l'autel du conservatisme pédagogique au mépris de l'investissement des équipes éducatives et des souhaits des lycéens. La suppression des TPE en terminale et au bac aboutira à ne plus les proposer en première. C'est un signal clair et négatif envoyé aux enseignants qui ont essayé de faire évoluer l'école. Ce n'est pas le seul. F. Fillon rétablit la note de conduite : elle entrera dans le brevet des collèges à coté du B2i transformé à son tour en examen traditionnel. Pour les élèves faibles, il préconise le redoublement, conseillé dès le début du primaire au mépris d'études convergentes qui établissent qu'il est nocif au primaire. Il crée "le collège unique à filières différentes" qui pré-oriente dès la 4ème les élèves vers le professionnel. Enfin, pour les cas difficiles, les classes relais seront quintuplées : une étude récente du ministère montrait qu'elles fonctionnaient davantage comme des soupapes de sécurité des collèges absorbant des élèves difficiles plutôt que comme un dispositif de rescolarisation. Par ces décisions F. Fillon détruit les rares innovations pédagogiques qui ont su s'imposer dans les établissements et encourage au mépris des sciences de l'éducation. La loi Fillon marque bien une régression pédagogique.

Des commentaires négatifs. L'Unsa se déclare "déçue". Pour la Fcpe " quand il s'agit de parler d'avenir et qu'on parle de redoublement et d'autorité, on n'est pas dans un système de rénovation mais de retour en arrière". Pour la FSU, "certes lire, écrire, compter, communiquer en anglais, se débrouiller avec un ordinateur sont nécessaires pour s'insérer dans la société mais qui peut dire que c'est suffisant ?.. Peut-on sérieusement prétendre qu'on réglera les difficultés d'un élève en mathématiques ou en français en le privant d'histoire-géographie, d'enseignement artistique ou d'EPS ?". Emmanuel Davidenkoff, dans Libération, dénonce la méritocratie : " La droite a agi avec l'éducation comme avec l'insécurité. Martelant que le système partait à la dérive, que l'illettrisme gagnait du terrain, que la violence explosait, elle a convaincu une partie importante de l'opinion que ce qui est tragiquement vrai pour une minorité (d'établissements et d'élèves) vaut pour l'ensemble. Les bénéfices politiques de cette construction sont évidents : elles font croire à l'urgence de réponses pour répondre à l'urgence ainsi créée. Ses bénéfices pour le système éducatif sont beaucoup plus aléatoires. Fillon prend le risque d'ossifier la capacité mécanique du système à exclure les plus démunis et à surprotéger les mieux dotés. Et de perpétuer un consumérisme scolaire qui s'accommode fort bien des références républicaines à la méritocratie et du profond conservatisme qui se niche derrière le pragmatisme «apolitique»..

Article de Libération
Article de Libération

Par  François Jarraud , le vendredi 19 novembre 2004.

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