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Pédagogie : Dubet plaide pour le rapport Thélot 

Imaginons que demain, par une sorte de miracle, les élèves des grandes écoles soient exactement à l'image de la société française, que les filles, les enfants d'ouvriers, d'employés, d'immigrés y soient proportionnellement aussi présents qu'ils le sont dans l'ensemble de la société. Cette école serait sans doute beaucoup plus juste qu'elle ne l'est aujourd'hui, le pur mérite des individus serait reconnu, les inégalités sociales neutralisées et l'arbitrage scolaire, parfaitement impartial. Rien ne nous invite à abandonner cet idéal. Mais cette école de rêve serait-elle parfaitement juste ? Elle ne serait meilleure que dans la mesure où les vaincus de cette sélection parfaitement équitable ne seraient pas abandonnés, relégués, humiliés et dépourvus de toutes ressources". Dans Libération, le sociologue François Dubet soutient la réflexion menée par la commission Thélot. "Il ne faut pas se poser le problème de la justice scolaire uniquement du point de vue des «vainqueurs» , mais aussi de celui des «vaincus», des plus faibles, des plus fragiles et peut-être des moins bons. C'est là le véritable sens d'une culture commune, celui d'une exigence de justice consistant à garantir aux plus faibles des élèves ce à quoi ils ont droit pour mener une vie personnelle, civique, sociale, acceptable, pour faire que leur scolarité ne ferme pas bien plus de portes qu'elle ne leur en ouvre". D'où la définition du "socle commun de connaissances" demandé par la commission. Pour F. Dubet, "les résistances qui se manifestent aujourd'hui sont aussi d'une tout autre nature car elles rejettent le principe même d'une culture commune au nom de l'excellence, de la grande culture et du droit de chaque élève de se préparer à l'Ecole polytechnique dès la classe de CP... Au fond, il y a là l'acceptation d'une sorte de darwinisme scolaire dans lequel l'immense majorité des élèves, confrontés aux ambitions les plus hautes, ne seront définis que par leurs lacunes, leurs faiblesses... Le débat sur la culture commune n'oppose pas les «républicains» aux «pédagogues»... Il oppose l'incantation méritocratique considérant que l'école juste est un vaste mécanisme de distillation fractionnée dans lequel l'excellence exigée de tous conduit pratiquement à la relégation du plus grand nombre (surtout des plus pauvres et des plus démunis) à ceux qui considèrent que si l'école doit, bien sûr, hiérarchiser les compétences et le mérite, cela ne peut se faire au prix du «massacre» des plus faibles. Ce sont là les véritables termes de l'alternative et celle-ci est lourde de conséquences car elle conduit, soit à accepter que l'école ne soit en fait que le lieu d'une concurrence brutale dans laquelle chacun vient chercher les diplômes qui garantissent une position sociale honorable, soit à considérer que ce jeu inévitable et peut-être nécessaire doit être neutralisé durant la scolarité obligatoire".
Article de Libération

Par  François Jarraud , le mercredi 20 octobre 2004.

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