Les archives de l’expresso // Imprimer  |  Télécharger nous suivre sur Twitter nous suivre sur Facebook

Tribune : Français au collège : une circulaire démagogique  

La circulaire sur les programmes de français au collège souligne bien la différence entre un effet d'annonce et une tentative de programmation. Quand le ministre Fillon se fait prendre en photo devant un musée de la pédagogie*, quand il décrète le retour de la dictée, etc., il fait un calcul politique, donne des gages à la réaction et aux nostalgiques qui se retrouvent dans l'ouvrage de M. Le Bris**. En revanche, quand il faut entrer dans le détail d'une circulaire détaillée, il devient très difficile d'innover tant, en la matière, tout a déjà été dit à un moment ou à un autre.
Mais dans cette impression de redite, il y a aussi les limites de la communication. Car le retour aux bonnes vieilles méthodes, avec le but avoué de prendre le contre-pied de ces "démarches laxistes" qui veulent mettre l'enfant "au centre du dispositif", est typiquement un faux débat. Les propositions de la recherche n'ont en effet jamais suggéré une telle dérive. Leur message, autrement plus complexe, essayait de montrer comment on peut mieux aider les enfants en tenant compte de ce qu'ils sont, ce que l'on connaît mieux grâce notamment à la psycholinguistique. Loin de tout laxisme, il s'agissait au contraire de promouvoir un comportement exigeant qui rompe avec toute démarche adultocentriste. Et d'ailleurs quel est le plus laxiste de celui qui prétend que l'adulte seul sait ce qui est bon pour l'enfant ou de celui qui cherche à mieux comprendre l'enfant pour améliorer ses performances ?
En fait, cette agitation médiatique est révélatrice de l'impuissance des pouvoirs publics mais aussi des limites de certaines méthodes pédagogiques qui, pour ne pas se remettre en question, pour ne pas affronter la nouveauté, nous expliquent que c'était mieux avant, en créant un passé mythique qui n'a jamais existé***. Autrement dit, on défend ce que l'on connaît, ce que l'on est, par crainte du nouveau, de l'inconnu. C'est tout à fait ce qui se passe en matière d'orthographe où les victimes adorent souvent leur bourreau. Cela s'appelle tout simplement le conservatisme. Mais cette posture est en outre révélatrice d'une fuite en avant. Ce qui est bon, c'est toujours ce que l'on ne fait pas, et qu'il faudrait faire mieux, autrement. C'est ainsi que se comporte un pouvoir politique qui surfe sur la vague du mécontentement. Et, au-delà du calcul politique, cela s'appelle tout simplement la démagogie.

Jean-Pierre Jaffré
J.-P. Jaffré est chercheur au CNRS dans le Laboratoire d'études sur l'acquisition et la pathologie du langage chez l'enfant. Le Café a rendu compte récemment d'un entretien publié sur le site ministériel de lutte contre l'illettrisme Bien Lire.

* Le Musée de l'école du Grand Meaulnes, à Epineuil (Cher), paru dans le Figaro Magazinedu 11 septembre.
** Et vos enfants ne sauront pas lire... ni compter !, Marc Le Bris, Stock.
*** Comme le dit si justement H. Hammon dans Le Monde daté du 15/09/2004, rubrique Société / Éducation, pp. 10-11.

Article de JP Jaffré site Bien Lire

Par François Jarraud , le lundi 27 septembre 2004.

Partenaires

Nos annonces