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Tribune : Troisième : Une contre-réforme fruit du repli corporatiste  

Deux mauvaises nouvelles nous parviennent le même jour. Une enquête des Renseignements Généraux confirme la formation de ghettos urbains en France dans lesquels se développent conjointement les sentiments d'exclusion et l'enfermement communautaire. La nouvelle classe de troisième professionnelle est crée et sera installée dans les lycées professionnels. A priori, il n'y a aucun lien entre ces deux informations. Sauf que l'on peut imaginer que les élèves des enclaves urbaines seront destinés à la nouvelle troisième !

Ainsi, tous les discours bien passant sur l'impossibilité de garder les élèves trop faibles dans un collège unique prennent leur véritable signification. Il faut les mettre ailleurs, là où ils cesseront, pense-t-on, de poser des problèmes pédagogiques, là où d'autres s'en chargeront. En fait, il y a bien longtemps que l'opinion publique conservatrice et la majorité des enseignants, si l'on en croit les sondages commandés par les syndicats de professeurs eux-mêmes, ont renoncé au projet du collège unique.

Sans doute ne faut-il pas défendre le collège unique tel qu'il est, puisqu'il s'agit du piège tendu entre la vocation d'accueillir tous les élèves d'une part, et celui de leur donner la culture et l'enseignement traditionnellement réservés aux élèves des lycées généraux. Mais plutôt que d'assumer le coût d'une réforme du collège afin qu'il soit ouvert à tous les élèves et qu'il leur offre la culture commune à laquelle ils ont droit, nous avons préféré chasser les élèves indignes d'un projet pédagogique qui dévoile ainsi sa vocation sélective.

Dans cette affaire, le gouvernement n'est pas le seul à porter la responsabilité de la décision. Depuis longtemps trop d'intellectuels, de syndicats et de professionnels de l'éducation ont refusé de payer le prix d'une réforme qui s'imposait afin que l'école obligatoire soit aussi une école commune comme c'est le cas dans la plupart des pays qui ont un système scolaire plus efficace et plus juste que le nôtre. Nous venons d'assister à une contre-réforme que n'impose ni la logique des marchés financiers, ni la globalisation économique, ni l'utilité économique et sociale. Elle ne résulte que du repli des classes moyennes et des corporations devant les « barbares » que nous avons créés ; dans la ville, comme dans l'école, il faut s'en débarrasser.

François Dubet

Professeur à l'Université de Bordeaux II, Président du Comité de pilotage de l'opération "Quel collège pour l'an 2000 ?", Co-auteur, avec Marie Duru-Bellat de : L'hypocrisie scolaire. Pour un collège enfin démocratique, L'épreuve des faits, Seuil, 2000; Auteur de Le Déclin de l'institution, Paris, Seuil, 2002.




Par François Jarraud , le mercredi 07 juillet 2004.

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