"L'école a peur de la société qui l'entoure. Convaincu d'être
victime d'une multitude d'agressions - voile islamique, mais aussi violence
scolaire, invasion des marques commerciales, intrusion des entreprises,
concurrence de la télévision -, le monde éducatif est tenté par le modèle
d'une "école sanctuaire" protégée du monde extérieur". Dans une
tribune du Monde, Luc Bronner pointe les difficultés liées à cette
sanctuarisation de l'école.
"L'espoir placé dans cette exigence de
"sanctuarisation" paraît pourtant bien illusoire. Deux facteurs limitent
considérablement les effets attendus d'une telle politique. Le premier tient
à l'évolution du public scolaire : la notion d'"école sanctuaire" n'a tenu,
dans le passé, que parce que l'éducation nationale se gardait bien
d'accueillir tous les élèves ensemble - et notamment ceux des "classes
dangereuses", relégués à l'école primaire et empêchés, de fait, de
poursuivre leurs études au lycée. Il en va ainsi de l'émergence du
"communautarisme" dans les écoles : constitue-t-elle une véritable surprise
quand on connaît l'ampleur de la ségrégation sociale, voire ethnique, dans
les quartiers ? Qui en est le plus responsable, des individus ou de la
République, qui permet de telles inégalités ? En quoi, enfin, la fermeture
de l'école résoudra-t-elle ces tensions ? La tentation du repli se heurte à
une seconde limite : la focalisation sur les maux extérieurs de l'école tend
à réduire au strict minimum la réflexion sur les facteurs internes de
dysfonctionnement... Dans ce contexte, l'idée de "sanctuarisation" peut
paraître séduisante, mais elle risque de ne constituer qu'un leurre.Article du Monde