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Actualité : Le débat sur l'école bute sur la censure 

Drôle de débat ! Après la censure de l'émission TV "Liberté, égalité, scolarité" par un groupe de manifestants le 8 septembre, Le Monde du 13 septembre annonce l'interdiction d'un ouvrage sur l'école rédigé conjointement, sous forme d'un débat, par P. Meirieu et X. Darcos. Selon Le Monde, le premier ministre aurait demandé à X. Darcos de reporter la publication de l'ouvrage. Philippe Meirieu "ne comprend pas l'attitude d'un gouvernement qui promeut un débat et censure un livre". Du coup, Le Monde publie de larges extraits de l'ouvrage où P. Meirieu évoque la réforme de l'éducation et le malaise enseignant. D'autres extraits paraîtront dans La Vie jeudi.
Ainsi, sur la réforme du collège, P. Meirieu estime nécessaire d'instaurer la bivalence des maîtres : "Pour réussir le collège, je suis partisan d'y réintroduire la polyvalence des enseignants, afin de diminuer progressivement le nombre de professeurs par élève, au moins en 6e et en 5e. La majorité d'entre eux y est aujourd'hui opposée, mais on pourrait proposer systématiquement aux volontaires de se former à une deuxième discipline. Et, progressivement, par un phénomène de tache d'huile, des professeurs enseigneraient, à un bon niveau d'exigence universitaire, plusieurs disciplines". Celle-ci existe dans les pays qui ont fait le choix d'une école primaire prolongée. P. Meirieu critique également l'orientation précoce souhaitée par L. Ferry : "L'hétérogénéité des niveaux des élèves ne pose jamais vraiment problème aux enseignants. Il n'est pas très difficile de s'occuper de quelques élèves plus lents ou plus en difficulté, s'ils ne perturbent pas le fonctionnement de la classe. Les maîtres de classe unique rurale y font face aisément dans le primaire. Les problèmes les plus graves sont liés à l'hétérogénéité des comportements, quand deux ou trois élèves absorbent 80 % de l'énergie psychique et pédagogique de l'enseignant. Je comprends les difficultés de mes collègues face à ces situations, mais je me refuse à ce que les empêcheurs de tourner en rond soient progressivement écartés, par un système de déversoirs successifs, vers des classes qui les prennent en charge d'une manière définitive... sans aucune possibilité de rémission, sans droit au retour.... Ne soyons pas dupes : quand on enlève le dernier wagon, il y a toujours un dernier wagon..." Une autre critique concerne le retour à l'autorité souhaité par Luc Ferry : " La crise de l'autorité dans notre société n'est pas simplement le fruit de la démission des adultes en général et des enseignants en particulier… Elle est un phénomène plus général. C'est le corollaire de la fin de toute théocratie : il n'y a plus d'idéologie qui s'impose à tous, ni dans le Ciel ni dans le Parti... Trop d'enseignants, légitimement sensibles à l'amour de leur discipline, vivent son refus ou son rejet par leurs élèves comme une blessure personnelle. Ils ont alors tendance à se durcir, voire à croire que l'autoritarisme et les sanctions sont les seuls remèdes. En les y encourageant, le gouvernement actuel les mène à l'échec. Il faudrait, au contraire, leur faire entendre quelles sont les exigences spécifiques de l'école." Sur la décentralisation, P. Meirieu plaide plutôt pour un centralisme des objectifs et une autonomie des établissements : " Pour moi, il y a dans la décentralisation telle qu’elle a été présentée une forme de régression par rapport à une autonomie régulée des établissements. Le risque est très grand qu’au lieu de rapprocher le service du public, elle rende plus confus et encore moins lisibles les services, multiplie les interlocuteurs et pénalise ceux et celles qui ne savent pas se débrouiller dans la jungle des administrations.… Aujourd'hui, nous sommes centralisateurs et autoritaires sur les procédures et totalement libéraux sur les objectifs. C'est évidemment l'inverse qu'il faut faire : être très ferme sur les objectifs et décentralisateur sur les méthodes."
Dans l'optique d'un réel débat d'opinion sur l'école, il est regrettable de ne pas disposer des réponses de X. Darcos à ces critiques. La commission sensée diriger le grand débat est nommée ce lundi. Elle mesure déjà l'étroitesse de sa mission.

Article du Monde
De larges extraits de P. Meirieu

Par François Jarraud , le lundi 15 septembre 2003.

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