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Actualité : Le rapport Kriegel sous le feu des critiques 

Libération du 15 novembre publie un remarquable article de la sociologue Monique Dagnaud (CNRS). Elle souligne que "certes, la télévision valorise des modèles de comportement, véhicule des modes, instille des messages et une façon de se représenter le monde, elle peut donc fournir une légitimité, une source d'inspiration. Personne ne plaidera son innocuité. En revanche, un pas est franchi lorsque l'on impute mécaniquement l'augmentation des incivilités et des délits à ce développement de la violence à l'écran. En effet, il existe une différence entre imiter Jean-Claude Van Damme dans une cour de récréation, et pratiquer le racket. Entre singer le déhanchement de John Travolta et commettre un viol. Transgresser la loi suppose un substrat social et/ou un antécédent psychologique qui en ouvrent la voie". Rappelons que le rapport Kriegel établit un lien automatique entre regarder un film à 8 ans et avoir un casier judiciaire chargé à 30. M. Daignaud montre à quel point la télévision nourrit ces fantasmes et se situe dans une logique en opposition avec celle de l'école : " Par son statut, la télévision généraliste est presque schizophrène : elle doit garder l'équilibre entre son caractère d'institution ­ liée à l'Etat, elle est tenue de remplir certaines missions (cohésion sociale, information du citoyen, défense de la culture et du patrimoine, etc.) ­ et sa nature d'entreprise commerciale de spectacle. En délivrant d'un même élan l'utile (l'information, les débats) et le futile (le divertissement), la tranquillité du consensus et le piment de la transgression, en s'affichant gardien du temple et bouffon du roi, en mélangeant d'ailleurs ces ingrédients dans certaines émissions (l'infotainement), elle nivelle l'ensemble des valeurs et des opinions et donne l'impression du tout-acceptable et du tout-équivalent. Elle offre un champ de vision exactement inverse de celui de l'école, hiérarchisé selon les idéaux républicains".
Le Monde publie une réaction de David Cage, créateur de jeux vidéo, eux aussi dans le collimateur de la majorité. Pour D. Cage "il est extrêmement facile d'agiter des épouvantails, de faire croire que les jeux vidéo sont les sorcières du 20e siècle et qu'il convient de les brûler en place publique... J'ai été par exemple très frappé lors du massacre de Columbine aux Etats-Unis, où deux adolescents ont tué plusieurs personnes, de voir notamment mis en accusation les jeux vidéo. On en aurait retrouvé dans leur chambre, ce qui serait une preuve indiscutable de leur responsabilité. Outre le fait qu'on trouve des jeux vidéo dans les chambres de 90% des adolescents américains, on a peu noté que le vrai problème était peut-être plus la présence d'armes dans les mains de ces adolescents plutôt que de jeux vidéo. Ce sont les armes qui tuent, pas les jeux, il s'agit de ne pas confondre. Mais il était certainement plus simple dans la recherche d'un bouc émissaire à cette terrible tragédie de pointer un doigt accusateur sur les sociétés de jeux vidéo plutôt que de se demander comment notre société peut ainsi fabriquer des adolescents tueurs. La réponse à apporter est probablement plus complexe et plus difficile, et il est plus simple d'accuser les jeux vidéo... Ceux qui veulent récupérer ce sujet savent qu'ils touchent un point sensible dans notre société. En effet, les parents qui ne jouent pas aux jeux vidéo et ne les connaissent pas en entendent parler par des gens qui n'y jouent pas et ne les connaissent pas plus, mais leur disent que les jeux sont potentiellement dangereux pour leurs enfants".

Article de Libération
Article du Monde

Par François Jarraud , le lundi 18 novembre 2002.

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