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Démarré : 09/02/2010 22:43 par fgiroud
Le secrétaire général du SNPI-FSU D. Momiron répond à P. Frackowiak
(sans texte)
Le secrétaire général du SNPI-FSU D. Momiron répond à P. Frackowiak
Modifié : 13/02/2010 22:34 par fjarraud

  Un faux procès - Jean-Paul Rocquet

J'ai lu avec intérêt la tribune de Pierre Frackowiak (PF) et la réponse du SG du SNPI-FSU, Dominique Morimon. Je crois que ce dernier instruit un faux procès de façon à éviter de poser le problème de l'inspection : PF n'a pas généralisé ; c'est la langue qui généralise et semble asséner des vérités. Comment peut-on douter que PF fait allusion à tous les inspecteurs quand il dénonce certaines pratiques ? Plus intéressante est l'allusion à « l'atteinte de l'image d'ensemble ». Cette image est bien dégradée.

S'il ne faut pas généraliser, je pense, à entendre quelques-uns des collègues en activité, enseignants et inspecteurs, que PF est au plus proche d'une réalité ressentie et vécue. L'encadrement est de plus en plus éloigné du terrain. Il ne se dit et ne se veut plus de proximité. Il travaille beaucoup trop dans les inspections académiques et les rectorats. Quand il se rend dans les écoles et les établissements, quand ce n'est pas pour menacer, c'est qu'il est envoyé en mission. Il « évalue » pour le compte de la hiérarchie et de son administration.

Pour éviter les généralisations abusives, je sais que les inspecteurs qui se tiennent auprès des enseignants sont ceux qui se sont repliés sur la circonscription. Certains d'entre eux attendent que le vent change. Des IEN résistent à la tempête. Mais le peuvent-ils vraiment ? Le disent-ils ? Il n'est que de constater le silence des inspecteurs, du syndicat majoritaire pour se poser des questions. J'y vois un certain désarroi qui tient à la confusion entre les deux pôles du métier : le contrôle et l'évaluation. On ne parle plus du contrôle, et tout est évaluation. Or, cette dernière n'est que du contrôle travesti. Il semble qu'il soit admis que l'évaluation se réduit aux pseudo-évaluations standardisées, aux questionnaires totalisants, qui ne sont que les formes travesties du contrôle. On « évalue » tout : les systèmes, les classes, les établissements, des structures. Pire, on évalue des personnes. On évalue pour « piloter ».

Or, on contrôle des structures, des systèmes et des établissements. Mais on évalue avec des personnes. Le contrôle est nécessaire et mortifère. Mais on connaît ses effets, et on peut se défendre contre l'angoisse en s'opposant, en intégrant le conflit que génère l'opération.

En déplaçant la procédure de contrôle dans l'évaluation, on crée la confusion. Et surtout, on accable les enseignants. D'abord en les faisant passer pour de simples « agents ». On les « prolétarise » plus qu'on les professionnalise. Ensuite, on s'affranchit de la légalité. Le contrôle peut se faire à partir d'un texte légal ou d'un référentiel partagé, mais l'évaluation est subjective. Dans le cas des enseignants « désobéisseurs », on constate que les tribunaux administratifs qui sont saisis cassent des mesures qui sont prises à leur encontre pour défaut de légalité. Les inspecteurs qu'ils soient d'académie, adjoints ou de circonscription ont fait de leur désir force de loi.

On abandonne la voie de l'accompagnement pour celle du pilotage. Quelle illusion et quelle désillusion ! Personne pour écouter ! C'est le cas de cet enseignant qui a été « mis en réserve » parce qu'il faisait passer les évaluations CM2 en trois semaines au lieu des trois jours prescrits. Or, cet enseignant souhaitait qu'on l'écoute. Au lieu de cela, on l'écarte. Témoignage de méfiance, de défiance, exercice d'un pouvoir abusif, autoritarisme du petit chef qui prend son désir pour la légalité.

« Comme ils ne savent pas écouter, ils ne savent pas parler ! » J'emprunte à Héraclite cette expression qui vaut aujourd'hui pour certains inspecteurs qui se veulent « aux manettes », qui « pilotent ». Le pilotage par évaluation est une illusion, c'est-à-dire une erreur traversée par un désir, un désir de diriger et de maîtriser, d'avoir le rôle essentiel jusque dans la classe. On est dans l'ubris, la démesure.

Avec cette pseudo-évaluation, certains inspecteurs entretiennent l'illusion qu'ils peuvent encore maîtriser la classe à distance. Comme ils ne peuvent plus peser sur les décisions qui se prennent au quotidien dans une classe et dans une école - souvent contre le travail prescrit, pour que « ça » marche - ils tentent de légitimer des mesures qu'ils prendront par ce qu'il nomme une « évaluation » qui les arrange. Comment est advenu le retour aux bonnes vieilles méthodes ? Avec la condamnation de la pédagogie ? C'eût été idéologique. Mais on a « évalué ». Par des épreuves dont le standard a été élaboré sans les enseignants. Et on a pu ainsi montrer que les élèves ne savaient plus lire, ni orthographier, ni écrire, à peine compter. C'est ainsi qu'on a pu « objectivement » proposer les vieux nouveaux programmes. Est-ce que, dorénavant, les élèves savent ce qu'ils ne savaient pas ? Je gage que non. Les « bonnes vieilles méthodes » ne vaudront pas plus que le « pédagogisme ». Que des inspecteurs croient aux sirènes de cette pseudo-évaluation, au pilotage peut sidérer !

L'image du corps est bien trouble en tous les cas. C'est celle d'un corps « d'obéisseurs », d'un corps dévoué et loyal. Sans doute certains inspecteurs attendent de la solidarité hiérarchique un retour sur investissement. On sait pourtant qu'à ce jeu, ils ne s'attireront que le mépris. Mépris de la part des enseignants pour ces IEN « aux ordres ». Mépris hiérarchique de la part des supérieurs qui fondent la relation sur l'arrogance.

La tribune de PF vient à point nommé. J'ajouterai que si un corps d'inspecteurs doit reconquérir une légitimité, c'est en se trouvant auprès des enseignants, non pas pour prendre fait et cause pour leurs actes, non pas pour admettre, mais pour établir ce lien indispensable entre ceux qui travaillent en classe et ceux qui disent ce qu'il faut faire. C'est aussi en remettant en chantier la réflexion sur l'évaluation qu'ils pourront fonder leur légitimité. Certains inspecteurs ont bien conscience de la nécessité de ce lien fondé sur une évaluation qui ne se limite pas au contrôle autoritaire. Qu'ils le disent !



De : Rocquet
Publié : mardi 9 février 2010 22:43
Objet : Le secrétaire général du SNPI-FSU D. Momiron répond à P. Frackowiak

Modifié : 15/02/2010 02:49 par fjarraud
Cher collègue, Contrairement à ce que tu affirmes, je ne cherche pas à éviter de poser le problème de l'inspection. Au contraire, c'est justement parce que le SNPI-FSU pose le problème du modèle de l'inspection en tant qu'institution de notre système que j'ai reproché à Pierre Frackowiak de laisser entendre que personne ne posait cette question et que tous les inspecteurs se soumettent sans question aux pratiques qu'il dénonce à juste titre. Ce que nous redoutons au SNPI, c'est que la critique radicale de Pierre ne contribue à jeter le bébé avec l'eau du bain. Je le lui ai expliqué en courrier personnel. Nous défendons une inspection fondée sur une éthique humaniste, progressiste et démocratique. C'est pour cela que nous travaillons depuis plusieurs mois sur une charte dans ce sens. C'est aussi le modèle que nous avons présenté au congrès de la FSU. Non seulement nous ne refusons pas le débat, mais nous le portons depuis plusieurs années, dans nos écrits, et dans nos pratiques. Il est vrai que la tradition hégémonique du syndicat majoritaire n'incline pas ses adhérents à aller voir ailleurs, ni même à se poser des questions (combien connaissent l'existence de l'excellent site que tu as animé avec tes deux compères pendant des années ?). L'adhésion aux réformes Darcos sur les corps d'inspection est à cet égard édifiante. Mais le forum de l'expresso n'est pas un lieu de débat syndical et je n'irai pas plus loin. La suite dans notre prochain bulletin et dans notre charte, au mois de mars ;0) Bien cordialement, Dominique Momiron

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