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Démarré : 27/04/2011 07:04 par fjarraud
L'Expresso du 27 Avril 2011
(sans texte)
L'Expresso du 27 Avril 2011
Modifié : 28/04/2011 10:15 par fgiroud

Doucement Monsieur l’Inspecteur de l’Education Nationale,

Dans ce billet, je vous invite à la patience car votre obsession pour la densification du travail m’a vivement rappelé comment dans sa hâte incessante l’humain nourrit son quotidien. Il faut bien choisir son allure et ne pas confondre vitesse et précipitation.

Vous me dites que sur une journée déjà bien remplie, les temps de flottement, de transition sans but précis n’ont pas leur place. Si je comprends bien il faut combler le vide. Ce qui est vide vous semble inoccupé et doit devenir disponible pour plus de travail. On y vient ! Toujours plus ! Plus de rendement, mais l’école n’est pas une usine et, dans une société où on surconsomme de tout, l’école devient petit à petit un supermarché dans lequel, il faut « faire pour faire ». Gavons nos enfants, empêchons-les de penser par eux-mêmes afin de mieux les contrôler plus tard. Et ainsi, l’école emboîte le pas à la violence du monde qui l’entoure.

Je tire la sonnette d’alarme ! Halte à l’hystérie marchande ! L’aliénation nous guette, nous allons perdre notre humanité et tuer notre âme. Quand Rousseau oppose la vie intérieure à la vie extérieure, il veut nous montrer l’écart entre ce que l’homme devrait être et ce qu’il est devenu.

Accumuler des actions, mais pour quoi faire ? L’inoccupation d’un temps est devenue une denrée rare, un luxe. Ce temps devenu libre ne l’est pas en vain, non seulement c’est un remède pour échapper à la folie mais aussi un encouragement au recueillement, une invitation à se retrouver tout simplement avec soi-même ; à prendre le temps de regarder le monde, les autres ; à contempler ce qui nous entoure, observer les détails. Laissons notre esprit se nourrir librement et pour cela accordons-nous une trêve pour qu’au matérialisme s’oppose enfin le libre-arbitre et non son contraire.

Dans sa mathématique existentielle, Kundera affirme qu’il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire et la vitesse et l’oubli et, que si notre époque s’adonne au démon de la vitesse c’est pour cette raison qu’elle s’oublie si facilement elle-même.

Je ne connais pas la recette de la légèreté mais je pense que se satisfaire des choses simples en fait partie. L’intelligence n’est pas une somme de connaissances mais la grandeur du monde intérieur.

A l’heure où le monde file à toute allure vers sa perte, je pensais que l’école était le bastion de cette névrose, mais depuis votre passage, Monsieur l’Inspecteur, cette pensée n’est plus qu’une illusion et le dernier rempart s’est écroulé.

Je ne vous dis pas merci, ou peut-être si, pour m’avoir ouvert les yeux même si c’était pour voir le pire.

Mars 2011

CES

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