Ayant commis un article sur les écoles « sanctuarisées », je me suis attiré une réponse sévère d’un personnel de direction : « Franchement on a d’autres choses à faire que de perdre notre temps avec des polémiques médiatiques. » Certes, ces annonces, faites peu avant une échéance électorale, à l’occasion d’un fait divers grave mais heureusement très rare, ont pour but premier d’attiser les peurs. La vieille ficelle sécuritaire, que l’on aurait pu croire usée jusqu’à la corde, marche encore !

Les mesures préconisées par Darcos (et approuvées par celui qui fait président) sont inapplicables, et il les appuie sur un mensonge : non, ça ne se pratique pas partout ; même aux Etats-Unis, où les armes pullulent, une infime minorité d’établissements scolaires est équipée de portiques. L’effet dissuasif des caméras de surveillance est mis en doute au Royaume-Uni…

Mais au-delà de ces déclarations populistes, comme le montre clairement l’éditorial en citant Darcos, il y a une conception réactionnaire du rôle de l’enseignant : « Ce n’est pas aux professeurs de prévenir la violence, leur mission est d’enseigner, et je dois leur garantir de pouvoir le faire ».  Conception fort bien représentée par une séquence, qui revenait en boucle pour présenter un film récent, où l’on voit une prof, jouée par I. Adjani, pistolet en main avec ses élèves à plat ventre, annoncer « Et maintenant, je vais pouvoir vous faire cours » (sauf que dans la conception Darcosienne, ce n’est pas à la prof de tenir l’arme). Quant à la sanctuarisation de l’école, il y a une bonne douzaine d’années, un certain Sarkozy Nicolas la jugeait illusoire.

Donc, n’en déplaise à ce collègue, la « polémique » n’est pas que « médiatique » (d’ailleurs, si les médias se sont fait l’écho des annonces démagogiques du pouvoir, ils ont été beaucoup plus discrets sur les objections émises par les syndicats et les associations) : c’est un débat de fond qui ne peut que nous inciter à relire l’Eloge des pédagogues d’A. Prost !