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Démarré : 18/05/2011 07:05 par fjarraud
L'Expresso du 18 Mai 2011
(sans texte)
L'Expresso du 18 Mai 2011
Modifié : 19/05/2011 01:03 par fjarraud
Réflexions et en vrac et autres logorhées d'un stagiaire sur l'actualité... Non titularisé pour « ne pas mettre assez en avant les programmes actuels » dixit l'inspecteur (qui ne m'a jamais envoyé de rapport..) j'ai bénéficié de deux tuteurs dont voici le profil: Deux enseignants volontaires et bons, bienveillants et sympathiques. Tous deux en heures sup (23H de cours) avec pour l'un d'entre eux 4h de cours supplémentaires dans une autre structure. Tous deux prof principaux. L'un était coordinateur de discipline, l'autre animait deux clubs dans l'établissement. Bref, des personnes engagées et très prises. Bien que m'invitant à les joindre quand j'en avais besoin, difficile de les contacter sachant qu'ils avaient 7h de cours plus au moins une réunion dans la journée. Pour mon inspection, mon tuteur n'a pas eu le temps ne serait-ce que de jeter un oeil sur mon cours... C'est dire... Pour les programmes, je n'ai pas encore pu travailler avec des manuels à jour, car les établissements n'ont pas eu les moyens depuis 5 ans de racheter les manuels correspondants aux programmes actuels. Cela implique donc de tout monter, sur photocopie, aussi bien en terme de séances et de séquences en plus de s'adapter au public (le premier établissement était classé RAR, le deuxième ne l'est pas, mais accueille le même public) Vient alors la donnée TICE... Première expérience, un ordinateur par salle de cours et sur lequel on pouvait utiliser pronote, mais rien d'autre (pas de hauts parleurs assez puissants pour la salle de cours, écran trop petit) et une salle informatique de 12 postes (3 postes en plus, mais HS, dommage!) pour plus de 600 élèves, ce qui pose deux problèmes: tout d'abord, n'ayant pas de classe en demi groupe, bien obligé de travailler en prévoyant de mettre deux élèves par ordinateur, ce qui n'est pas une mince affaire, surtout avec des collégiens; par ailleurs, la salle est bien évidemment réservée en priorité aux cours de technologie, viennent ensuite l'ensemble des profs (essentiellement de langue) souhaitant l'utiliser. Sur le deuxième établissement, encore plus cocasse: pas un seul ordinateur dans les salles de classe, une salle informatique de 15 postes (et toujours pas de demi-groupes), 5 ordinateurs pour près de 120 enseignants dans la salle des profs et 3 ordinateurs au CDI pour 1600 élèves... Bien évidemment, pas de tableaux numériques en dehors de la salle multimédia dans aucun des deux établissements. Dans le second établissement, on a quand même deux tours « multimédia », dont une seule fonctionne. Manque de chance, la réserve est à un étage ou je n'ai que deux cours, et comme il n'y a pas d'ascenseurs...On se retrouve donc avec des lecteurs DVD et CD qui marchent plus ou moins aléatoirement et le plus généralement n'acceptent que les disques commerciaux (donc, on ne peut pas graver soit même les fichiers.) Je me suis déjà retrouvé à faire cours dans des salles sans aucun matériel en dehors du tableau... Donc, pour résumer: moyens matériels et humains sans rapport avec les exigences de l'inspection, qui du coup, devient une loterie pure et simple. Me reprocher de ne pas mettre assez en avant les programmes actuels alors que les manuels à ma disposition n'y correspondaient pas, que je n'avais ni CD classe, ni CD élève, pas de fichiers complémentaires (les élèves n'avaient pas plus que l'établissement, les moyens de les acheter), bref qu'il a fallu que je monte les cours de toutes pièces, y compris des supports audios et vidéos est tout simplement inique et discrédite totalement l'autorité de l'inspecteur. Coté formation, personne, c'est à dire ni les formateurs IUFM pas plus que les tuteurs, n'ont mis à notre disposition ne serait-ce qu'une séquence « clef en main » sur lesquelles on puisse « se faire les dents » et se faire une idée concrète de ce qui est attendu de nous dans les conditions de travail dans lesquelles on se trouve. La « séquence » prend alors le statut de « fil rouge » aussi magique et mystérieux que celui de la dissertation avec des échanges ubuesques avec l'inspecteur: « ça ne va pas! -Euh, c'est à dire? -Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire! -Ah, et comment on fait? -Ben, ça dépend! » (je force le trait pour faire court, la réalité relève plus de « il faut suivre les programmes » mais sans préciser les moyens, en se basant sur des théories qui reposent sur des conditions matérielles sans rapport avec la réalité d'un bon nombre d'établissements) Conclusion: les principaux problèmes que j'ai eu avec mon (mes) stage(s) sont: -Le gouffre entre ce qui est demandé/attendu et la réalité du terrain, les moyens à disposition, à commencer par la disponibilité réelle et effective des tuteurs. -Le manque de temps et de disponibilité pour travailler avec les élèves en difficulté. On parle de lutter contre le « décrochage » comme si cela était possible à faire de manière mécanique, sans s'occuper de moyens humains. Tous les décrocheurs que j'ai vu ont avant tout besoin d'attention, que l'on s'occupe d'eux en (ré)établissant des rapports humains, la confiance aussi bien envers nous qu'en eux même; cela demande une disponibilité et un temps qui ne cadrent pas du tout avec le fonctionnement du système actuel, ni même avec sa philosophie, puisqu'au final ce qui est attendu de l'enseignant (du moins d'après ce que j'ai pu constater jusqu'à présent), c'est une transmission de savoir(s) mais sans rapports humains réels ou individuels (j'ai encore en tête cette réflexion d'un formateur: « ne jamais toucher un élève; même poser la main sur l'épaule pour le féliciter ou l'encourager peut vous mettre en danger d'être accusés d'attouchement... ») Cette absence de relations humaines, ou plutôt de cohésion humaine, on la retrouve dans tout l'appareil: depuis les personnes de service qui se montrent sidérées quand non content de leur dire bonjour, on leur adresse un « vous allez bien? » qu'en réalité seuls leurs collègues statutaires leur demandent, à l'administration rectorale qui de toute évidence est contrainte de traiter non pas des personnes, mais des « dossiers », au ministère, qui s'occupe de directives politiques et budgétaires sans ou avec très peu de connections avec ce qu'il se passe sur le terrain, orientés selon des doctrines pédagogiques dictées par des écoles de pensées qui se battent pour « avoir l'oreille » du ministère et se succèdent en fonctions des rapports établis entre le ministère et les dites écoles. Le plus grand drame, c'est qu'à chaque refonte de programme, on sent bien que la nouvelle « doctrine » est exclusive, c'est à dire qu'elle est présentée comme « LA Vérité » ou « LA Solution idéale » et qu'on ne peut qu'y adhérer à 100% en rejetant la précédente aux orties, bref, qu'on est dans la Révolution permanente, dans tous les sens du terme, à savoir qu'on nous demande d'adapter LA nouvelle solution aux problèmes (pour ne pas dire « la solution finale » aux problèmes), mais qu'au final sur le terrain, on persiste à faire des virages un peu dans tous les sens, mais le point de retour coïncide bien avec le point de départ, on fait du sur place, avec des discours ou des pratiques en apparence différentes, mais rien ne change...

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