Comparer l’apprentissage de la lecture à celui de la natation conduit à considérer que le milieu aquatique est correspondant au milieu écrit. Pourtant l’un est bien réel alors que l’autre est une pure production humaine totalement dépendante des codages effectués. Je ne dis pas des codes qui, l’histoire de l’écriture l’illustre, pour être inventés sont toujours multiples (dessins, idéographies, syllabiques, alphabétiques). Je parle du codage mental qui associe au moment de l’écriture un sens et un écrit choisi spécifiquement.
Et on sait que l’apprentissage sur le tabouret ou le lancer dans l’eau ne sont pas des processus d’apprentissage. C’est Skinner qui écrivait dans « la révolution scientifique de l’enseignement » (Dessart 1968) :
« Plonger pour apprendre à nager, voilà à quoi se ramène cet entraînement des facultés rationnelles. Il n’est pas plus efficace pour enseigner à penser que pour enseigner à nager. Si nous jetons un groupe d’enfants dans un étang, quelques-uns d’entre-eux réussiront à regagner la rive et à s’en sortir. Nous pouvons prétendre leur avoir appris à nager, bien que la plupart nagent fort mal ; quant aux autres, ils couleront et nous irons les repêcher. Quand nous enseignons à penser nous ne voyons pas ceux qui coulent, et nous ne voyons pas comment pensent mal ceux qui survivent. Cette méthode n’enseigne pas ; elle sélectionne simplement les sujets capables d’apprendre seuls. »
Et on ne peut être que d’accord avec Evelyne Charmeux lorsqu’elle écrit : « une situation d’apprentissage qui ne contient pas tous les paramètres de l’activité ne peut pas être une situation efficace. »
Je retiens ce passage important d’E. Charmeux :
« Comme ils ne pouvaient lire les mots écrits en gros, Jeanne les leur donna : « balayons nos habitudes ».
Et comme l’enfant ne peut pas plus nager que lire, comme il ne dispose même pas des zones neuronales permettant de lire, mieux vaut abandonner l’idée de commencer par le faire lire et l’accompagner dans le codage de l’oral en écrit.
Lorsqu’il transforme l’oral en écrit, on lui enseigne le code mais il apprend le codage et le décodage qui en découle. Toute son expérience de la conquête de la langue orale lui est utile. On ne peut décoder« aquarium » que si on a codé ce mot. Il sait coder, les travaux de Ferreiro le prouvent, il apprendra progressivement à lire ce qu’il a écrit, à créer cette zone neuronale dédiée à la lecture. En clair, il vaut mieux entrer progressivement dans l’eau, l’apprivoiser, pour utiliser les découvertes réalisées à son contact. En commençant par coder, on comprend que la place des sons dans le temps indique la place des codes dans l’espace. L’enfant projetant progressivement son savoir parolier en réalité écrite apprend simultanément l’orthographe et la lecture.
Mais c’est aux collègues de décider, ils sont responsables des progrès de leurs élèves. Ils peuvent toujours consulter le site« ecrilu » sur un moteur de recherche ou aller ici (CTRL + clic):
http://apprendre-a-lire.pagesperso-orange.fr/
Jacques Delacour
Directeur d’école honoraire
De : fjarraud
Publié : mercredi 9 septembre 2015 07:17
Objet : Eveline Charmeux : Une démarche d’enseignement de la lecture