Bonjour.

N’est-il pas pertinent de s’interroger d’abord sur quel profil d’élève on veut centrer la réflexion autour de la pédagogie différenciée, avant toute considération théorique relative à son efficience ? N’est-il pas utile, quant à la salubrité du débat, d’établir, au préalable, une distinction claire entre le concept d’élève en difficulté et celui de l’élève qui a des difficultés ? Car, c’est loin d’être une lapalissade que de voir chez le second que le processus d’apprentissage est simplement brouillé par quelques difficultés passagères, donc contingentes, lesquelles, de facto, auraient vocation à s’estomper, alors que les difficultés du premier semblent souvent intrinsèquement liées à son outillage intellectuel, réduisant, par-là ses potentialités cognitives à leur plus faible expression.

                   Il s’ensuit que la volonté de concilier une approche différenciée, notamment pour réduire la grande difficulté scolaire, et le maintien des mêmes exigences pour tous les élèves (car c’est in fine ce vers quoi on oriente les recommandations en la matière, le socle commun étant leur matrice didactique) relève, à mon sens, d’une gageure. Et de grâce, que l'on nous épargne cette homélie fondée sur la logique d' " il n'y a qu'à…", qui consiste à dire -comme s'il suffisait de dire les choses pour qu'elles soient vraies- qu'il suffit de varier les chemins d'accès pour atteindre les mêmes objectifs. Cette assertion semble minimiser le poids déterminant de la difficulté d'ordre cognitif, tant celle-ci est enracinée dans les structures mêmes de la pensée : cet appareillage intellectuel où tout effort de réelle cognition s’y trouve d’abord suspendu.

                 Comment dès lors concilier bienveillance et exigence ? Cette Injonction paradoxale est une équation d’autant plus difficile à résoudre que l’un des principaux travers de la différenciation est l’immanquable estampillage de l’élève en difficulté comme "élève à problèmes" ; une réalité ô combien difficile à masquer dans une classe. Car, en dépit des efforts des défenseurs de la pédagogie différenciée pour dénoncer sa contrefaçon, qu'ils ont baptisée "pédagogie différenciatrice", en lui attribuant tous les travers dont on accable, à tort à leurs yeux la "véritable pédagogie différenciée", il n'en demeure pas moins vrai qu'elle exclut et creuse les différences. Ne dit-on pas que les chemins de l’enfer sont pavés de bonnes intentions ?

Bien à vous.