L'article ci-dessus
comprenant de nombreuses lacunes et erreurs, un complément
d'information s'avère nécessaire.
Dans son livre
“ Les lois naturelles de l'enfant”, Céline Alvarez décrit
un enseignement expérimental en classe de maternelle qui cherche à
valoriser au mieux le potentiel d’apprentissage et d'altruisme des
jeunes enfants, révélé par les récentes recherches en
neurosciences et sciences sociales. Sa pratique s'inspire des
principes d'autonomie accompagnée et structurée décrits par le Dr
Maria Montessori au siècle dernier.
Les chercheurs et scientifiques qui ont
suivi cette classe située en ZEP, sont unanimes sur les résultats
très positifs qui se situent parmi les meilleurs de leur classe
d'age en terme de lecture et de compréhension de texte ainsi qu'en
arithmétique.
Cette expérience peut générer
différentes attitudes: l'adhésion, la curiosité, l'indifférence
ou le rejet.
C'est ce dernier parti pris qui
caractérise l'article de François Jarraud. Alors que plus d'un
millier d'enseignants de maternelle s'inspirent de Céline Alvarez,
Mr Jarraud a choisi de donner la parole à 3 instits qui semblent
plus critiquer l'idée qu'elles se font de “l'approche Montessori”,
que la réalité des enseignements de Céline Alvarez telles que
décrites dans « Les lois naturelles de l'enfant ».
Un des principaux reproches fait à la
classe de C. Alvarez serait l'absence de socialisation; Le temps en
classe entière serait insuffisant, “le reste du temps [est
passé] en travail individuel (...) une telle répartition c'est
aller vers l'individualisme” selon
cet article.
C'est oublier un
des principes fondamentaux de la classe expérimentale de
Genevilliers, à savoir le travail en petits groupes et l'interaction
libre entre enfants d'ages différents. Ce qui a déjà bien peu de rapport
avec l'individualisme :
"Aucun enseignant ne peut rivaliser
avec la facilité de transmission des savoirs entre enfants d'age
différents, la fascination qu'exerce un enfant de 5 ans sur un
enfant de 3 ans est exceptionnelle, tout comme l'enthousiasme spontané
à vouloir aider les camarades qui en ont besoin. La connaissance
circulait entre les enfants à une vitesse extraordinaire.
L'enthousiasme que suscitait la connexion sociale fut la voie royale
de l'apprentissage " (p.54)
"La question m'a souvent été posée
si l'individualisation de l'accompagnement ne freinait pas les
échanges collectifs. Je suis toujours surprise. Pourquoi ne nous
sommes nous pas posé la question inverse? Est-ce qu'un enseignement
collectif, où l'on impose aux enfants de faire les mêmes choses aux
mêmes moments ne freine pas la cohésion sociale empathique en
favorisant la comparaison et la compétition? Ils ont des échanges
collectifs, mais sont ils réellement connectés ? Je ne crois
pas." (p.139)
Une bonne partie
des critiques suivantes font état d'incrédulité concernant
l'idée d'un apprentissage naturel sans être aidé; de doutes
sur un épanouissement individuel sans stimulation par l'adulte; ou
de décalage sur la question du sens lorsqu'on écrit pour un
exercice individuel et non pour communiquer.
Le coté comique de
la situation est que toutes ces assertions ne correspondent en rien à
ce qui est décrit et préconisé par Céline Alvarez, bien au
contraire. Elle souligne la nécessité de l'aide des adultes pour
enseigner aux enfants les gestes de l'autonomie (l'étayage);
encourage le passage du décodage des lettres à la lecture
compréhensive par l'association quotidienne de mots avec les objets
qu'ils désignent, puis par des messages de phrases courtes invitant
les enfants à effectuer une action. Toute activité qui ne
semblait pas faire sens pour les enfants était éliminée(p.114)
Concernant
l'épanouissement individuel qui serait perturbé par de prétendus
manques de stimulations par l'adulte, retournons encore au texte :
... lorsque dans un même
environnement, tout est pensé pour favoriser continuellement la
rencontre positive, l'entraide, la confiance, la compréhension et
l'empathie, les enfants se relient, collaborent, échangent, rient,
partagent toute la journée. Dès lors, pardon de le dire de cette
manière, mais c'est comme si nous entrions dans une autre dimension,
je n'ai pas d'autre mots. Nous redécouvrons l'être humain, sa
nature profonde, ses capacités réelles.
J'ai été plus que surprise,
stupéfaite par la transformation des enfants de la classe. Tout a
commencé à fleurir en eux, leurs capacités cognitives, leur
mémoire, leurs capacités empathiques, leurs capacités sociales, la
joie, l'enthousiasme, la stabilité relationnelle et émotionnelle, la
créativité et même leur confiance en eux, et en l'autre.(p.360).
Mais, nous dit-on
au café pédagogique, la construction du collectif serait sacrifiée
au profit de l'épanouissement individuel dans la classe de Céline
Alvarez au point que Maellis Rousseau s'interroge beaucoup sur la
transmission des valeurs. Une dimension qui n'est pas passée
inaperçue à l’observateur avisé qu'est François Jaraud, mais que
n'ont pas su détecter lors de leurs visite Mme Joelle Proust,
directrice de recherche à l'institut Jean Nicod, ni Mr François
Taddéi, directeur de recherche à l'INSERM et directeur du Centre de
Recherche interdisciplinaire de Paris:
[…] acquièrent ainsi non
seulement les habiletés de base, comme lire, écrire, maitriser les
opérations arithmétiques, mais aussi habiletés attentionnelles et méta-cognitives fondamentales pour la suite de leur scolarité, comme
la capacité à se concentrer sur un but cognitif, évaluer ses
erreurs de manière autonome et concevoir éventuellement des
solutions alternatives. Les enfants acquièrent aussi des apprentissages sociaux particulièrement précieux: ils apprennent à
respecter l'autonomie de leurs camarades en situation d'apprentissage
sur certaines taches, et à collaborer sur d'autres. Les enfants de
la 3ème section aident les plus jeunes et leur transfèrent leurs
connaissances par l'exemple. L'observation de la classe maternelle de
Genevilliers me confirme l'importance de cette révolution
pédagogique dés la maternelle. Il est à mon sens plus qu'urgent de
tenir compte de ce principe fondamental pour donner à l'école son
plein rôle dans la construction cognitive de futurs citoyens,
éduqués et responsables. Joelle
Proust (p.25)
[..]Si on veut refonder l'école et
permettre la réussite de tous comme le souhaite le gouvernement, le
défi est de permettre de généraliser ce que l'on peut observer
dans cette classe. François Taddéi
(p.24)
Avant toutes
choses, l'enseignement de Céline Alvarez privilégie l'acquisition
des compétences exécutives qui sont la base des apprentissages et
d'une vie sociale apaisée. Les 3 principales sont :
-
La mémoire de
travail, qui représente la capacité à garder une information en
mémoire sur un temps court.
-
Le contrôle
inhibiteur qui représente la capacité à se contrôler, à se
concentrer et à inhiber les distractions;
-
La flexibilité
cognitive, qui représente la capacité à détecter ses erreurs, à
les corriger et à se montrer créatif.
Ces notions qui
guident la façon d' être, de penser, d'agir, sont trop souvent
considérées comme préalables à la scolarisation, et donc peu
enseignées. Elles ne sont pas innées, mais transmises au sein des
familles ou parfois à l'école, mais pas forcément dans les
familles précarisées des milieux populaires.
Or les manquements
que l'on va reprocher aux élèves des milieux populaires sont précisément liés à des compétences exécutives mal assimilées,
et se caractérisent par des défauts de concentration, de
l'agitation et une incapacité à travailler en autonomie. A
force de se voir reprocher les mêmes choses et de ne pas savoir
comment les apprendre, l'élève va progressivement se retrouver
exclu du jeu scolaire et aller à l'échec.
C'est, selon la
sociologue Joanie Cayouette-Remblière, la raison des différences
de réussite scolaire selon les classes sociales et la principale
cause de l’aggravation des inégalités dans le système scolaire
français. Si les compétences exécutives ne sont pas assimilées
dans la petite enfance, on aura beau favoriser la mixité sociale, le
problème perdurera.
“Lorsque ses compétences
exécutives sont solidement développées, un enfant est capable de
retenir des informations, de s'organiser, de se contrôler, de
percevoir ses erreurs et de les corriger: il trouve des solutions
innovantes s'il le faut, et fait preuve de persévérance. C'est
pourquoi, au sein de la classe maternelle de Gennevilliers, le
développement de ces compétences était prioritaire. Nous
n'hésitions pas à passer un temps considérable sur leur
développement, retardant s'il le fallait de plusieurs mois la
présentation d'activités présentant des objectifs plus “scolaires”
comme les activités mathématiques ou le contrôle du langage. Les
enfants n'auraient de toute façon pas retenu leur enseignements,. Il
fallait se concentrer sur l'essentiel, le reste pouvait
attendre”.(p.82)
De : fjarraud
Publié : mercredi 12 octobre 2016 07:42
Objet : Céline Alvarez au regard des instits