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Texte écrit juste avant la passation des évaluations CM2...
 

ÉVALUATIONS CE1 – CM2 ETC.

Par Henri BARON1

Depuis 2002, l’École est malmenée, de la maternelle à l’université. Mais depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, les attaques sont sans précédent historique, sur tous les fronts, dans un laps de temps exceptionnellement court, sur les finalités mêmes de l’école.

Il serait particulièrement dangereux de réduire les problèmes de l’Éducation Nationale à la seule question des suppressions de postes, des fermetures de classes ou des réductions (avant suppression définitive ?) des postes de RASED en primaire, de la réduction des dotations horaires d’enseignement dans le secondaire. Et pourtant, c’est ce qui ressort dans les médias2, comme presque systématiquement depuis plus d’un an à chaque grève et / ou manifestation d’enseignants et de parents, comme ce fut encore le cas le samedi 17 janvier 2009, y compris dans les interviews des représentants syndicaux ou des élus de l’opposition (qui ne connaissent il est vrai pas forcément le dossier, et inscrivent leurs propos dans une seule logique budgétaire3). La preuve en est dans la supercherie des 1500 suppressions de postes de RASED de moins annoncées à grand renfort de publicité par le Ministre et souvent saluée comme un recul sinon une victoire par des organisations syndicales ; car le budget 2009 est voté, les 3000 suppressions actées, et si 1500 postes de RASED sont supprimés au lieu de 3000, ce sont 1500 postes qu’il faudra "récupérer" ailleurs, par exemple en relevant les seuils d’ouverture et de fermeture de classes…

S’opposer aux réformes en cours sous le seul angle d’attaque de la suppression de postes et des RASED est simpliste, hasardeux, inefficace, car le Plan pour l’École de Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy4 ne se limite pas à une logique comptable, budgétaire, se traduisant par des réductions de personnels. Il s’agit clairement, dans une volonté inavouée de détruire les services publics – ou du moins les réduire à leur plus simple expression5 - de renforcer l’école privée au détriment de l’école publique6. Quels sont quelques uns des autres "points noirs" ?

- suppression ou assouplissement plus ou moins prononcé selon les circonstances de la carte scolaire (qui définit les périmètres scolaires d’une école ou d’un établissement du second degré), ce qui renforcera les différences entre les écoles,

- annonces et mesures préparant la suppression progressive de l’école maternelle (remplacement de la Petite Section par des "jardins d’éveil" municipaux et payants)7, très forte diminution de la scolarisation des enfants de moins de trois ans alors qu’on sait tout le bénéfice qu’en tiraient les enfants de milieux populaires,

- au mépris des années de recherches sur les rythmes de l’enfant, suppression sans concertation de l’école le samedi matin et de deux heures d’enseignement par semaine soit 72 heures par an (l’équivalent de près de trois semaines d’apprentissages en moins), les deux tiers d’une année scolaire si on rapporte cette suppression à la durée de la scolarité primaire,

- mise en place des aides personnalisées8,

- réformes des lycées d’enseignement général – reportée mais pas annulée – et des lycées professionnels (avec la suppression des BEP qui permettaient à de nombreux élèves de rejoindre progressivement, à un rythme qui leur convenait, la filière baccalauréat et d’obtenir des diplômes valorisants et reconnus dans le monde du travail : bac pro, DUT, BTS…),

- autonomie des universités (loi relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités dite loi LRU qui transfère des responsabilités de l’État aux universités : on imagine sans peine les inégalités que cela va engendrer),

- suppression des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) : fin de la formation des enseignants, mastérisation du recrutement…

- école privée favorisée jusque dans les ZEP9,

- nouveaux programmes10

- mais on pourrait citer, en vrac, l’interdiction des réunions d’information syndicale sur le temps scolaire (plus exactement sur le temps de présence des élèves) qui s’est traduit dans certaines académies promptes à l’excès de zèle qu’encourage une politique du résultat, comme à Paris, par l’interdiction des stages syndicaux11, la diminution des crédits alloués aux associations complémentaires de l’école et mouvements de recherche pédagogique ainsi que du nombre d’enseignants mis à leur disposition (GFEN, CÉMÉA, ICEM Freinet…), la loi sur le Service Minimum d’Accueil (SMA) votée fin août 2008, le projet de loi du député alsacien Frédéric Reiss, renvoyé à plus tard, sur les Établissement Publics d’Enseignement Primaire (ÉPEP)…

Et maintenant les évaluations CE1 et CM2 ! Excusez-moi le long préambule qui m’a amené jusqu’au coeur de notre sujet, mais il me semble qu’il était important, pour bien comprendre l’enjeu de ces évaluations, de rappeler qu’elles s’inscrivent dans ce contexte12. Les évaluations Darcos concernent les élèves de CM2 pour commencer, la semaine du 19 au 23 janvier 2009. Nous en sommes à moins de la moitié de l’année scolaire, mais elles sont basées sur les compétences attendues à la fin de l’école primaire, compétences définies dans de nouveaux programmes en vigueur depuis… septembre 2008 ! Le Ministère de l’Éducation Nationale a donc décidé d’évaluer les élèves sur des programmes qui n’ont pas été appliqués au cours de leur scolarité, sur des notions qu’ils n’ont pas encore étudiées en classe (pour certaines, elles ne seront abordées qu’au collège). À la différence des évaluations que passaient les élèves jusqu’à ces dernières années en début de CE2 et de 6e (évaluations diagnostiques pour faire le point sur les réussites et les difficultés de chaque élève afin de permettre à l’enseignant, et le cas échéant au RASED, de l’aider à progresser), ces nouvelles évaluations sont sommatives et ne visent qu’à pointer l’échec de l’école, celui de l’élève, des élèves. La difficulté et la complexité des exercices présentés, tant dans leur contenu que dans leur présentation, la rigueur exigée dans les modalités de passation (temps chronométré…), le mode de correction (notation binaire : c’est tout juste ou bien c’est faux) renforcent cet état de fait.

On pourrait également se poser la question du choix de la semaine d’évaluation car tout enseignant ayant quelques années d’expérience aura vite remarqué que la période allant des vacances de Noël à celles d’hiver est généralement peu efficiente, du fait de la fatigue hivernale des élèves mais aussi de leurs absences pour maladie.

Quel est donc l’objectif de ces évaluations ? Il est clairement de montrer l’inefficacité des anciens programmes, l’incompétence des enseignants du primaire, la nullité de l’École publique. Quand on veut tuer son chien, ne dit-on pas qu’il a la rage13 ? Elles ne sont en aucun cas conçues pour aider les élèves à progresser. Ces derniers, même ceux qui d’ordinaire réussissent bien, seront mis face à des exercices qu’ils ne pourront pas réussir. Il n’est pas utile d’avoir étudié la psychologie de l’enfant pendant de longues années pour se douter des dégâts que peut occasionner chez un jeune à l’entrée de l’adolescence une si violente mise en situation d’échec. Quelle rancoeur, consciente ou non, nourriront ces jeunes vis-à-vis de leurs enseignants, de leur école, de la société et de ses institutions qui n’auront pas été en mesure de les mettre en situation de réussite ? Quelles en seront les conséquences à plus ou moins long terme ?

La publication des résultats, école par école, circonscription par circonscription, par département, renforcera inéluctablement la ghettoïsation de certaines écoles alors même qu’on sait les réalités diverses et variées que peuvent masquer des moyennes. Elle développera la concurrence entre les écoles des "beaux quartiers" et celle des ZEP, entre les enseignants qui seront eux-mêmes évalués non plus sur leurs compétences pédagogiques, leur investissement pour l’École et leurs élèves, mais sur la seule base des résultats de ceux-ci aux évaluations14. Cette publication des résultats n’a aucune légitimité pédagogique. Elle ne sert en rien les intérêts des élèves. Elle s’inscrit dans la même logique de démantèlement de l’École publique.

S’il est pérennisé, le principe de ces évaluations aura des répercussions sur les apprentissages, mais pas dans le sens prôné par les chercheurs en sciences de l’éducation. Les enseignants seront en effet amenés à délaisser les disciplines non évaluées (histoire, géographie, sciences, éducations musicale et artistique…) pour concentrer les apprentissages sur les aspects mécanistes du français et des mathématiques, et ce pendant les deux premières années du cycle 3 et le premier trimestre de CM215. Ces évaluations auront comme dégât collatéral – mais sans doute orchestré si on le reporte à certains aspects de la réforme du lycée – l’abandon plus ou moins rapide de ces disciplines qui permettent de comprendre le monde qui nous entoure, donnent les clés de la connaissance, développent la réflexion, et participent à la construction et à l’autonomie de la pensée. Il est utile de rappeler que ces disciplines sont déjà mises à mal par les nouveaux programmes en vigueur en primaire, qui opèrent des coupes sombres tant en quantité (diminution du nombre d’heures annuelles dévolues à ces disciplines) qu’en qualité (manière d’enseigner, choix des contenus…).

Enfin, alors que le fichier informatisé de suivi de la scolarité de tous les enfants, connu sous le nom de Base Élèves, semblait avoir été "nettoyé" de données liées au suivi scolaire, il réapparaît que le numéro identifiant l’élève (Identifiant National de l’Élève ou INE) suivra la remontée de ses résultats aux évaluations CE1 et CE2. L’Inspection Académique, qui a accès aux correspondances INE - identité de l’élève, pourra ainsi établir le lien entre l’enfant, ses résultats aux évaluations, son inscription aux Stages de Remise À Niveau16… Il y a donc une volonté de suivi individualisé non seulement des parcours scolaires des élèves, mais aussi de leurs résultats. Devant ces attaques jamais égalées contre l’École, nous pouvions penser que les organisations syndicales et les partis politiques d’opposition étaient en mesure de faire taire leurs divisions intestines et de proposer de vrais projets alternatifs de société plus juste, d'un service public d'éducation ambitieux, progressiste et d'une école de la réussite pour tous, résolument tournée vers l'avenir. On pouvait s’attendre à ce qu’ils aient pris, par exemple, la pleine mesure du danger que représentent ces évaluations… Qu’en est-il réellement ?

Le SE-UNSA, le SGEN-CFDT et le SNUIPP-FSU, se targuant de représenter 80 % des personnels enseignant, se contentent d’appeler, dans un texte commun à défaut d’être unitaire17, « les personnels concernés » (sic ! les seuls maîtres de CM2 et les directeurs ?) à « ne pas faire passer les exercices correspondant à des notions non étudiées depuis le début de l’année, ne rendre compte que des seuls résultats des évaluations aux élèves et aux parents de la classe concernée ; ne pas utiliser le logiciel ministériel de transmission et ne transmettre que les résultats anonymés des exercices effectivement passés ». Le SNUDI-FO, le 17 janvier 2009, déclare soutenir cet appel tout en regrettant de ne pas avoir été associé à sa rédaction.

Si la CGT Éduc’action souligne dans un communiqué de presse (15/01/2009) que « le ministre doit annuler les évaluations » CE1 et CM2, elle se contente d’appeler les « personnels à se réunir et à décider des actions les plus pertinentes à envisager » et les laisse donc seuls face à leur responsabilité. Seuls SUD Éducation et la CNT appellent nationalement et clairement au boycott, rejoints localement par les structures départementales du SNUIPP (Sarthe, Lot-et-Garonne…) de la CGT Éduc’action (Paris, Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne, Val de Marne…). Il faut se satisfaire de la Vendée, qui, dès le 20 novembre 2008, suite à une Assemblée Générale, voit se dessiner dans un texte l’unité syndicale (SNUIPP-FSU, SUD Éducation, SE-UNSA, SGEN-CFDT, CGT Éduc’action, SNUDI-FO) pour appeler, entre autres, au boycott des évaluations CE1 et CM2. Comme quoi, quand on veut, on peut… Du côté des parents d’élèves, la FCPE, le 15/01/2009, demande le report des évaluations et « rappelle qu’elle s’oppose à toute publication de résultats d’évaluations école par école ». La FCPE Paris est plus explicite, qui incite parents et enseignants à agir « pour que ces évaluations n’aient pas lieu » et invite « les parents à écrire aux inspecteurs de circonscription afin de demander l’annulation des évaluations 2009 ».

Si ces évaluations sont un non-sens pédagogique, une malhonnêteté intellectuelle, une manipulation politique18, si elles sont intrinsèquement néfastes aux élèves et au système scolaire dans son ensemble, si c’est leur philosophie même qui est à rejeter, il ne devait pas être rendu possible de les faire passer, même partiellement. On ne peut s’accommoder d’une réforme en sélectionnant ses articles, ses items qui font le moins mal, on ne peut se satisfaire d’un pis-aller. Seul le boycott (ou à défaut le report pour se donner le temps nécessaire à la réflexion, à l’analyse et à une alternative) devait être envisagé19. Il était nécessaire pour arriver à ces fins de rassembler dans l’unité la plus large possible, parents et enseignants. Il est particulièrement regrettable qu’il en ait été autrement et il est à craindre que cette absence d’unité et de cohérence dans les mots d’ordre – absence qui peut passer, c’est selon, soit pour un manque de courage soit pour de l’esprit de division – laisse des traces durables si on en reste là. On ne peut déplorer le faible écho de nos revendications, la relativement faible mobilisation lors de certaines manifestations, si l’on part "à la bataille" en rangs dispersés, encourageant ce faisant de manière inconsidérée, chez certains collègues, des prises de risque démesurées et dangereuses parce qu’isolées ou très minoritaires. Un grand rassemblement de nos forces dans l’unité est plus que jamais nécessaire et urgent, non seulement pour nous opposer au projet de société "darkozyen" mais surtout pour bâtir avec toutes les ressources progressistes un véritable projet de société incluant le service public d’éducation.

Paris, le 18 janvier 2009

 

 

1 Parent d’élève, directeur d’école primaire, militant de l’éducation populaire, syndiqué à la CGT Éduc’action.

2 Par exemple, dans l’Humanité du 17 janvier 2009 : « Derrière les revendications, notamment l’arrêt des suppressions de postes d’enseignants, c’est une inquiétude profonde de et pour la jeunesse qui s’exprime » (c’est moi qui souligne).

3 Voir l’intervention de Pascal Cherki, lors de la réunion d’information organisée par la Mairie du 20e arrondissement sur les réformes dans l’Éducation Nationale (15 janvier 2009). Le maire adjoint aux affaires scolaires de Paris place prioritairement son propos sur la question des postes et des RASED dans le cadre du débat budgétaire (clos pour le présent exercice) à l’Assemblée Nationale et au Sénat, met en balance les aspects de la réforme avec la non « suppression massive » (sic) de postes de RASED, laissant entendre qu’on pourrait tout accepter sur le fond si on ne touche pas "massivement" au nombre de postes d’enseignants…

4 Attention, d’ailleurs, à ne pas se tromper de "cible". Je lis et j’entends ça et là « Darcos, démission ! », « Darcos nuit gravement à l’école publique », mais ce n’est pas Xavier Darcos le principal responsable, c’est le système bien plus global, ultra-libéral même s’ils s’en défendent, porté par Nicolas Sarkozy et l’UMP lors de la dernière campagne présidentielle et mis en oeuvre au sein du gouvernement de François Fillon. L’actuel Ministre de l’Éducation Nationale peut démissionner, être remplacé à la faveur d’un remaniement ministériel, ce n’est pas ce qui interrompra le processus.

5 Depuis une douzaine d’année, les rapports de l’OCDE (l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques) dont s’inspirent en le disant ou non les gouvernements libéraux européens, sont clairs en ce sens. Extraits : « La mondialisation économique, politique et culturelle rend obsolète l’institution implantée localement et ancrée dans une culture déterminée que l’on appelle "l’école" et, en même temps qu’elle, "l’enseignant" » (Organisation de coopération et de développement économique, 1998) ; « l’école publique n’aura plus qu’à assurer l’apprentissage de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable et dont l’exclusion de la société s’accentuera à mesure que d’autres vont continuer de progresser. » (Adult Learning and Technology in OECD Countries, 1996) ; le texte suivant, cynique s’il en est et même s’il concerne au premier chef les pays en développement afin d’y éviter les révoltes populaires, illustre le propos et nous aide à comprendre les mécanismes en oeuvre dans la politique actuelle : « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. » (Rapport de Christian Morrisson, expert de l’OCDE, La faisabilité politique de l’ajustement, 1996 – "ajustement", cela ne vous rappelle-t-il rien ?).

6 Emmanuelle Mignon, proche conseillère du Président de la République, auteure de son fameux et fumeux Discours de Latrans le 20 décembre 2007 (pour mémoire : « En donnant en France et dans le monde le témoignage d’une vie donnée aux autres et comblée par l’expérience de Dieu, vous créez de l’espérance et vous faites grandir des sentiments nobles. C’est une chance pour notre pays, et le Président que je suis le considère avec beaucoup d’attention. Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance »), ne s’en cache pas : « Je suis pour une privatisation totale de l’Éducation Nationale » (in Le Monde du 02/09/2004).

7 Il ne s’agit pas là d’une mesure économique, ce qui confirme mon propos précédent : car le coût annuel de la scolarisation d’un enfant en école maternelle est bien moindre (presque quatre fois moins !) que dans une structure de type crèche ; l’État transfère donc la charge qui lui incombait jusqu’à présent sur les collectivités locales et… les parents qui devront mettre la main au portefeuille. Voir à cet effet le Rapport sur la scolarisation des jeunes enfants dit Rapport Papon (22/10/2008) publié sur le site Internet du Sénat : c’est de ce rapport que s’inspire le Gouvernement pour s’attaquer à la maternelle, tandis que celui de la Cour des Comptes présenté le 10/09/2008 est très critique sur la garde des jeunes enfants.

8 Le soutien tel qu’il doit être mis en oeuvre selon le Plan Darcos, mais aussi les SRAN (Stages de Remise À Niveau) pendant les vacances de printemps et d’été. Un leurre pour les élèves et leurs familles à qui on essaie de faire croire, que, miraculeusement ou presque, les difficultés de leur enfant vont s’évaporer en 20 heures d’exercices et qu’en sortant de son stage, il aura le même "niveau" que ses camarades qui, eux, profitent de leurs vacances. Il y a fort à parier que les élèves qui échoueront aux évaluations CM2 devront se voir proposer des SRAN et s’y inscrire sous peine de se voir, eux et leurs parents, doublement stigmatisés (« Votre enfant est en échec, et vous refusez l’aide proposée ? Vous êtes des parents indignes ! »). Qu’importe si ces stages ne correspondent ni aux besoins réels des élèves, ni à la réalité sociale de notre pays (nombre important de parents divorcés et de familles recomposées qui devront jongler avec les vacances et le droit de visite et d’hébergement des uns et des autres pour que l’enfant suive ces stages dont l’efficacité n’a pas été démontrée, loin s’en faut, pour les élèves qui les ont suivis au printemps et en été 2008 !

Voir le Plan Banlieue qui aura pour conséquence de ghettoïser les écoles publiques en les vidant de ses élèves les plus en réussite.

10 Je ne m’étends pas sur ces nouveaux programmes, condamnés par la quasi-totalité des chercheurs et des pédagogues, véritables non-sens pédagogique, rétrogrades, faisant appel pour les élèves aux mécanismes plutôt qu’au sens et à la recherche, et pour le fond ne donnent plus aucun sens ni aux apprentissages ni au "métier d’élève"…

11 Finalement, le Tribunal Administratif de Paris, saisi par onze enseignants et SUD Éducation suite au refus par l’IA d’autoriser les collègues à participer à deux jours de stage, a donné tort à l’Inspection Académique de Paris…

12 Il va sans dire, mais ça va mieux en le disant, que comme la grande majorité des enseignants, je ne suis pas opposé à l’évaluation des élèves.

13 L’état des lieux de l’École en France est volontairement présenté tronqué, de manière éhontée, par la droite libérale et les ministres de l’Éducation Nationale qui se sont succédés depuis 2002, à seules fins de justifier leur projet politique. Les fameuses évaluations PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) sont organisées auprès d’un échantillon d’élèves de 15 ans, tous les trois ans (2003, 2006), par l’OCDE – voir plus haut (voir note 5) quelques extraits des rapports montrant la propension de ses experts à réduire les déficits publics en économisant sur le coût des services publics, dont celui d’éducation, certes un des postes budgétaires les plus "onéreux" dans les pays occidentaux. C’est à la suite de leur publication que les libéraux français se sont emparés de l’aubaine pour accuser de tous les maux l’École publique. Or ces évaluations, qui mesurent la « compréhension de l’écrit », la « culture mathématique » et la « culture scientifique », ne sont d’une part pas si fiables que cela (elles doivent démontrer la faiblesse des résultats des États qui consacrent "trop" de finances publiques à l’École) et d’autre part aboutissent exactement à la conclusion contraire de ce que prônent les conseillers – je n’ose dire "pédagogiques" – du Ministère de l’Éducation Nationale. Selon les résultats PISA de 2006, les élèves français n’auraient pas tant besoin d’exercices de répétition puisqu’ils maîtrisent relativement bien les mécanismes en mathématiques et en français, que de progresser dans les domaines de la réflexion, de l’analyse, du réinvestissement des connaissances, du développement de leur esprit critique. Enfin, si le MEN souhaite continuer à comparer les résultats de la France avec ceux de la Finlande, qu’il le fasse en toute transparence en prenant en compte tous les facteurs (en Finlande, la carte scolaire est très stricte, l’âge de l’apprentissage de la lecture plus tardif, la sociologie de la population bien différente, l’école est davantage considérée comme un lieu de vie qu’un seul lieu de transmission de savoirs, la compétition n’est pas mise en avant…). Voir aussi l’analyse d’André Giordan ("Science à l’école : PISA ne dit pas l’essentiel…") sur le site du Café Pédagogique : http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/PISA_Giordan.aspx

14 La notation des enseignants et par conséquent leur déroulement de carrière en découleront. Un enseignant expérimenté n’aura donc aucun intérêt à rester enseigner dans une école dont les résultats seront jugés faibles ou présentant un écart négatif par rapport à la moyenne de la circonscription ou de son département. Le travail en équipe, parfois si difficile à mettre en place (avec, pourtant, quand on y arrive, des résultats se répercutant le "climat" de l’école et sur les progrès des élèves), déjà mis à mal par les mesures en vigueur depuis la rentrée de septembre 2008 (temps d’aide personnalisée sur les moments dévolus aux conseils des maîtres, aux conseils d’enfants…) et l’esprit de division insufflé par un certain nombre d’inspecteurs, risque d’être réduit à sa plus simple expression… Et je n’ose parler de la prime de 400 € qu’à grand renfort d’annonces médiatiques, Xavier Darcos a promis aux enseignants de CE1 et CM2 en dédommagement du surcroît de travail occasionné par les évaluations qu’ils auront à corriger et dont ils auront à saisir les résultats. Outre les aspects démagogique et insupportable de cette obole versée à quelques uns quand on sait la stagnation des salaires d’enseignants depuis des années, cette promesse a disparu de tous les sites officiels du MEN. Inutile de s’appesantir sur le sujet…

15 Il est aisé de comprendre qu’il en sera ainsi, à la fois parce que la majorité des enseignants ne souhaite pas mettre ses élèves en situation d’échouer ces évaluations, et que, n’ayant pas le sens du martyr, les enseignants tiennent (un peu) à leur progression de carrière.

16 Voir l’analyse complète sur le site suivant : http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2009/01/16/chassees-par-la-porte-les-competences-reviennent-par-la-fenetre/

17 Le 14 janvier 2009, soit cinq jours à peine avant le début des évaluations, lesquelles, il est vrai, ont été tenues secrètes jusqu’à ces derniers jours ! Ce texte est intitulé « évaluations CM2 : le SE-UNSA, le SGEN-CFDT, le SNUIPP-FSU appellent au tri sélectif… des exercices » - le tri sélectif, ça n’a pas un rapport avec la poubelle ? On choisit le bon container, mais tout n’est-il pas destiné à aller à la poubelle, ce que contredit la suite de l’appel…

18 Il est pour le moins troublant – c’en serait même cocasse si ce n’était aussi grave – d’entendre des inspecteurs honnir ce qu’ils encensaient hier, bannir ce qu’ils promouvaient, tenter de justifier l’injustifiable. À cours d’arguments pédagogiques dans cet étrange exercice de "contorsionnisme pédagogique" qui leur est imposé, ils se replient derrière des rappels à la loi, des menaces de sanctions, une pseudo obligation sans fondement selon laquelle tout fonctionnaire serait soumis à un devoir de silence et de soumission aveugle aux consignes de sa hiérarchie. Je ne doute cependant pas que des inspecteurs, de manière isolée ou non, prendront leurs responsabilités en dénonçant publiquement ces évaluations sur la forme et le fond.

19 Reste à ce jour la possibilité d’envisager, de façon franche et unitaire, la non-remontée des résultats des élèves.




De : fgiroud
Publié : mercredi 1 avril 2009 22:02
Objet : La comédie de l’évaluation et du soutien

État d'approbation Approuvé 
 
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Type de contenu: Message
Créé le 04/04/2009 16:52  par hb075 
Dernière modification le 05/04/2009 18:45  par fjarraud 

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