Les conseillers pédagogiques ont aussi leurs avis... 

Reuter ICEM

Depuis quelques jours, les enseignants se réunissent dans les écoles pour faire remonter leurs analyses des programmes. Mais ils ne sont pas les seuls : ici, deux témoignages qui donnent la température au sein des équipes de  conseillers pédagogiques dans deux départements. Pour information, les conseillers pédagogiques sont chargés de nombreuses missions : animations pédagogiques, accompagnement des jeunes enseignants, mise en œuvre de projets avec les écoles, formation continue.
L'association nationale des conseillers pédagogiques, l'ANCP, est signataire de l'appel des 19 organisations.

Equipe des Conseillers Pédagogiques départementaux et de circonscription du département de L'YONNE

Les conseillers pédagogiques et chargés de mission du département de  l'Yonne tiennent à vous fait part de leur position concernant le projet des nouveaux programmes :

La lecture du projet des nouveaux programmes soumis à consultation, nous conduit à formuler les remarques suivantes :
- le renoncement au concept d'éducation globale de l'enfant au profit de l'instruction nous paraît réducteur
- les contenus d'enseignement ne correspondent pas au palier 2 du socle commun de compétences et de connaissances (on observe un glissement du  programme du collège vers l'école primaire notamment en matière de grammaire et de géométrie)
- l'école maternelle conçue comme exclusivement préparatoire à l'école élémentaire illustre une conception très réductrice de son rôle
- le cadre horaire ne permet pas la mise en oeuvre de l'ensemble des contenus proposés,
- une trop faible part horaire est laissée aux pratiques disciplinaires autres que le français, les mathématiques et l'E.P.S ( ex : au cycle 2,  il reste 5h00 pour l'ensemble des domaines suivants : les langues vivantes, l'instruction civique et morale, la découverte du monde, les sciences, les pratiques artistiques et l'histoire des arts)
- certains contenus d'enseignement proposés sont inadaptés au développement des élèves et témoignent de la non prise en compte des résultats de la recherche en psychologie cognitive, en sociologie et en pédagogie

- le cloisonnement des disciplines ne favorise pas le travail de mobilisation et de mise en lien des connaissances. Or les évaluations internationales PIRLS et PISA pointent cette faiblesse chez les élèves français.
- l'évaluation  est essentiellement conçue comme un outil de mesure du résultat des élèves et de celui des enseignants et  non plus comme outil de repérage et de pilotage.

En outre, l'organisation dans l'urgence de cette concertation paraît préjudiciable. Le questionnaire trop inducteur risque de ne pas traduire fidèlement l'analyse experte des enseignants. Par ailleurs, nous nous étonnons du fait que le haut conseil de  l'éducation n'ait pas été consulté sur ces nouveaux programmes.

En conséquence,  l'ensemble des conseillers et chargés de mission désapprouvent le projet de nouveaux  programmes et regrettent que les programmes de 2002 n'aient pas été évalués et que ceux de 2007 n'aient pas pu être mis en oeuvre.


Equipe des Conseillers Pédagogiques départementaux et de circonscription du département de l’Aube



Les conseillers pédagogiques du département se sont réunis le vendredi 21 mars. Les éléments ci-dessous témoignent de leur réflexion sans avoir l’ambition d’une exhaustivité (compte-tenu du temps imparti

1ère partie : Les programmes dans leur ensemble


2ème partie : Les programmes de l’école maternelle


3ème partie : Les programmes du C.P. et C.E 1


4ème partie : Les programmes du C.E. 2, C.M. 1 et C.M. 2


1ère partie : Les programmes dans leur ensemble

Remarques générales :

-    Analyse au niveau des contenus : glissement des contenus attendus

•    vers les classes précédentes (exemples : compréhension du principe alphabétique en GS ; soustraction au CP ; temps et modes en C3, etc.)
•    vers des connaissances déclaratives juxtaposées au détriment de savoir être et savoir-faire

-    Analyse au niveau des approches didactiques : glissement vers du psittacisme

-    Analyse au niveau de la forme de rédaction :

•    Emploi d’une terminologie passéiste qui questionne (exemples : règle de trois/ proportionnalité, rédaction/ production d’écrits, français/maîtrise de la langue, devenir élève/vivre ensemble, etc.)
•    Absence de lexique professionnel usuel en rupture avec les programmes antérieurs et la recherche didactique (exemples : capacité, réflexion, débat, etc.)
•    Disproportion entre la description des  domaines (exemple : littérature / grammaire)

-    Une absence de références à l’hétérogénéité des classes, aux réalités de la classe. La question des enfants en difficulté n’apparaît pas dans cette présentation. On peut s’interroger sur le fait que le traitement de ces difficultés puisse être rejeté à l’extérieur de la classe dans des dispositifs spécifiques.


Arts visuels

On note une absence de propositions de travail sur les démarches artistiques. L’accent est mis sur les techniques et les connaissances. Le domaine de l’éducation aux médias, à la lecture de l’image a disparu. Les élèves sont davantage placés en situation de réception (observation, description) au détriment d’activités créatrices. Un questionnement peut-être formulé sur la place accordée aux valeurs esthétiques (qu’est ce que le « beau » ?)

Musique

La part des activités créatrices et des pratiques musicales a fortement diminué. La question du codage au CE2 – CM1 – CM2 interroge sur une dérive possible d’un enseignement du solfège. On peut s’interroger sur un risque de la pratique de cours magistraux de musique.

Littérature

Le projet présente peu d’éléments dans les contenus et les démarches. On observe un maintien des contenus pour les CE2, CM1 et CM2 et un vide pour les CP, CE1 malgré la publication d’une liste d’ouvrages. Ceci interroge sur la faisabilité de ce programme.
On observe une inversion des priorités avec une mise en avant des textes patrimoniaux. On note aussi l’absence d’horaires et d’indications pour l’accompagnement.

EPS

les compétences générales ont disparu (on en reste sur les compétences spécifiques motrices et rien d’autre !) = aucun lien avec les autres disciplines
-    il existait des exemples de mises en œuvre, désormais des activités sont citées, sont –elles exhaustives ?
peut-on encore utiliser des activités support qui ne sont pas explicitement citées dans les programmes
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2ème partie : Les programmes de l’école maternelle


   Remarques générales :

- La place de la grande section n’est toujours pas définie clairement.
- Les deux ans ne sont plus mentionnés, cela veut-il dire que l’école maternelle ne les prend plus en charge ?
- Ces nouveaux programmes semblent privilégier une pédagogie de la docilité et de la mémorisation plutôt qu’une pédagogie de la compréhension. Il semble que ce soit l’aspect déclaratif des savoirs qui soit prioritaire ceci au détriment de leur usage dans le raisonnement. Le savoir devient encyclopédique.
On semble se diriger vers une mécanisation des apprentissages. C’est faire fi de toutes les recherches sur la construction des apprentissages.
- La transversalité de la langue est absente. Le langage est considéré comme objet d’apprentissage. Le langage comme vecteur d’apprentissage n’apparaît plus.
- Les documents d’accompagnement des programmes sont-ils toujours d’actualité ? Rien n’est précisé.
- Il est dommageable que ces nouveaux programmes contiennent beaucoup plus d’injonctions que de conseils pour la mise en œuvre !
- Ces programmes se lisent comme un résumé des précédents. Ils contiennent trop peu d’indications quant aux démarches et aux activités à mettre en œuvre !

(...)


3ème partie : Les programmes du C.P. et C.E 1


Ensemble du projet de programme

Du point de vue de l’enseignement, le programme manque de clarté car :
-    il n’y a pas la précision des horaires
-    il n’y a pas la précision des contenus dans certaines disciplines : sciences, lecture, …
-    il n’y a pas la précision des démarches

-    la liberté pédagogique cache un flou, qui ne permet pas de préciser le cadre de l’enseignement.

Ce projet apparaît en rupture avec la logique des cycles, avec les documents sur la prévention de l’illettrisme, … . Les propositions de progressions ne laissent pas de marge de manœuvre pour le travail d’une équipe de cycle même si elles donnent des éléments de références plus précis pour chaque classe.
Ceci s’inscrit dans une logique de normalisation par classe.



Les apports de la recherche (didactiques des disciplines) ne sont pas pris en compte.

Les contenus définis placent les enfants davantage en situation de récepteurs.



Dans les domaines d’apprentissage :

•    Français

Le  français est envisagé comme une discipline spécifique, la question de la transversalité de la langue, en lecture et en écriture, n’est pas abordée.

Lecture : Le paragraphe sur ce domaine est vague et très court. Il ne bénéficie pas d’une attention particulière. Ceci apparaît paradoxal avec l’objectif déclaré qu’il s’agit d’une priorité au cycle 2.  Les apports de la recherche sont absents. Il n’y a rien sur l’apport des activités d’écriture (encodage, écriture inventée). Cela est regrettable.
L’apprentissage de la lecture est présentée comme une juxtaposition de connaissances parcellaires et non comme un apprentissage complexe.

Dans le domaine de la grammaire, des connaissances complexes apparaissent (autrefois au cycle 3).

Ce document n’est pas un outil professionnel. Il ne prend pas appui sur les recherches de la didactique.

Le libellé de certaines compétences en fin de CE1 n’est pas suffisamment explicite pour pouvoir être évalué : ex : utiliser leurs connaissances pour réfléchir sur un texte (mieux le comprendre ou mieux l’écrire)


•    Mathématiques

Il y a une modification très importante de la place des situations problèmes dans l’acquisition mathématiques, elles sont maintenant rejetées en fin d’apprentissage. Cette approche didactique nous apparaît être en contradiction avec la recherche qui décrit les processus d’apprentissage comme interactifs et non pas linéaires.

La prédominance des acquisitions techniques ne permet d’accéder pas au sens des notions mathématiques.

Certaines acquisitions semblent prématurées : ex : la technique de la soustraction dès le CP.



•    Découverte du monde

Se repérer dans le temps :
Aborder la chronologie à travers des thèmes et des documents qui font appel à l’environnement proche serait intéressant, par contre la mémorisation de dates ne permet pas la construction du temps historique.

Découverte du vivant, de la matière et des objets :
Le texte de ce chapitre est flou. Il ne permet pas de déterminer les attendus et laisse aux enseignants le soin de construire le programme. Il n’y a aucune compétences envisagées. On peut s’interroger sur la liaison avec le cycle 3.



•    Instruction civique

On passe de l’éducation civique à l’instruction avec des attendus qui vont vers une normalisation. Par exemple le vouvoiement relève simplement du formalisme.




•    Eps

-    les compétences générales ont disparu
-    il existait des exemples de mises en œuvre, désormais des activités sont citées ; sont –elles exhaustives ?
-    à propos de l’activité escalade, qu’est-ce qu’un mur équipé ? quelle hauteur ?
-    disparition du cirque



4ème partie : Les programmes du C.E. 2, C.M. 1 et C.M. 2


•    Français

- le projet de programme est clair mais privé de précisions que les professionnels attendent.

Points forts :

-    La présence de progressions mais l’absence de références au cycle interroge.

Points à améliorer :

-    repréciser le rôle de l’étude de la langue en production d’écrits (Faut-il attendre de savoir nager pour aller à  la piscine ?)
-    les programmes sont trop ambitieux en grammaire : analyse de la phrase complexe ...
-    les contenus de grammaire sont plaqués, la grammaire n’est pas construite, il n’y a plus de réflexion sur la langue
-    il est dommage que la production d’écrits soit un moyen d’évaluation (confusion entre moyen et but)

Remarques et suggestions :

-    Qu’est-ce qu’un manuel de qualité ?
-    Il s’agit d’un programme qui risque de mécaniser les connaissances sans assimilation.



•    Eps

-    les compétences générales ont disparu
-    il existait des exemples de mises en œuvre, désormais des activités sont citées, sont –elles exhaustives ?
-    en natation, « se déplacer sur une trentaine de mètres » n’est pas explicite en regard de la compétence « réaliser une performance mesurée »
-    à propos de l’activité escalade, qu’est-ce qu’un mur équipé ? quelle hauteur ?
-    disparition des jeux traditionnels en C3, du cirque, du poney, des activités nautiques …



•    Mathématiques

Remarques :
-    le calcul mental n’est plus précédé de calcul réfléchi
-    le calcul posé est trop précoce, risque de ne pas réinvestir les procédures de calcul mental
-    les problèmes servent à réinvestir et évaluer la maîtrise des techniques opératoires, absence de problèmes de découverte
-    la disparition des problèmes pour chercher est d’ailleurs étonnante en regard des travaux des chercheurs en didactique des mathématiques et des résultats aux évaluations internationales qui montrent un déficit de recherche des élèves français.
-    alourdissement des programmes, apprentissage de nombreuses « formules ».



•    Culture scientifique et technologique

Points forts :

-    on parle encore de démarche d’investigation
-    l’EEDD est transversale

Point à améliorer :

-  absence de travaux sur les points cardinaux et la boussole (alors que « orientation » en EPS)
-  pas de volume horaire précisé
-  programme lourd compte tenu des programmes de C2 « allégés »


•    Culture humaniste

-  pas de volume horaire précisé

•    Instruction civique et morale

-    l’apprentissage d’adages juridiques pose question
-    pourquoi revenir à « instruction » et proposer « morale »
-    quelle intériorisation des exigences du vivre ensemble sous une forme prescriptive ?
-    comment enseigner la morale ?

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Par ppicard3 , le .

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