A en croire JM Blanquer, son bilan est remarquable. D'une
certaine façon c'est vrai. JM Blanquer est resté 5
années rue de Grenelle. C'est un record sous la
5ème République. Il a eu le temps de marquer
profondément l'Education nationale. Et il aurait eu le
temps d'obtenir des résultats. Mais si on doit
évaluer l'action ministérielle en fonction du
niveau des élèves, quoiqu'en dise le ministre d'E.
Macron, les résultats ne sont pas là, ni en ce qui
concerne le niveau global que la réduction des
inégalités sociales de réussite. Si on doit
l'estimer au regard de la considération portée aux
enseignants et de l'attractivité du métier
enseignant, ces 5 années se terminent en catastrophe. Mais
si on évalue le ministère au regard des changements
apportés au système éducatif, JM Blanquer a
fait évoluer la gouvernance du système. Il sera
difficile de revenir en arrière.
26 août 2021. JM Blanquer fait la dernière
rentrée du quinquennat. Et c'est l'occasion pour lui de
faire le bilan des 4 années et demi déjà
passées rue de Grenelle. "Allez en CP tous les
élèves savent lire", affirme le ministre. "1,1
milliard a été injecté dans le pouvoir
d'achat des professeurs". Comme si chaque professeur avait
presque touché un 13ème mois (plus de 1300€ en
fait) en 2021, ce qui bien sûr est faux. "Je rencontre beaucoup
de professeurs qui ne se sentent pas du tout
méprisés", dit-il. "Quand je me promène dans
la rue j'ai plein de professeurs qui viennent me voir, ils me
disent "Ah c'est bien ce qu'on a fait là, si vous pouviez
faire comme ça !" Ils me parlent d'égal à
égal et ils n'ont pas le sentiment d'avoir en face d'eux
un vertical autoritaire". Et d'indiquer aux journalistes comment
faire leur métier. "Arrêtez avec vos
clichés... Une erreur répétée ne fait
pas une vérité. J'ai un caractère
déterminé pas autoritaire. Ce n'est pas la
même chose"...
Ce dossier essaie de séparer le vrai des propos du
ministre de l'Education nationale le plus médiatique de la
5ème République. Pour nous, évaluer l'action
ministérielle se fait au niveau des résultats des
élèves, de l'évolution du système
éducatif et de la réduction des
inégalités et enfin de l'évolution du
métier enseignant. Pour chacun de ces pôles nous
publions des mises au point tirées des articles
publiés tout au long de ces 5 années.
Commençons par les résultats des
élèves. Améliorer le niveau des
élèves a été proclamé par JM
Blanquer, à juste titre, comme son objectif principal.
Pour l'évaluer il a créé un outil
ministériel, directement dépendant de lui, qui
évalue tous les élèves de CP, CE1,
6ème et , théoriquement, 2de (mais au lycée
il a échoué à l'imposer). JM Blanquer a
promis "100% de réussite" en CP. Il a mis des moyens pour
cela en dédoublant les classes de l'éducation
prioritaire (Rep et Rep+). Ce que montrent les évaluations
mêmes du ministère c'est que le niveau monte
lentement. Ne nous laissons pas impressionner. Dans tous les pays
qui utilisent ces évaluations, le niveau progresse ne
serait ce que parce que les élèves sont mieux
préparés aux tests. Par contre ce que disent les
données ministérielles c'est que les objectifs ne
sont pas atteints. JM Blanquer avait promis un vrai bon au
début de l'école primaire grâce à plus
de 10 000 postes. En fait l'évolution est faible. Pire,les
résultats des élèves socialement
défavorisés des classes dédoublées ne
sont pas meilleurs que ceux des élèves
défavorisés des classes non
dédoublées. On ne saurait mieux attester de
l'impasse pédagogique dans laquelle le ministre s'est mis.
Impasse dont nous n'avons pas fini de parler car il semble que le
candidat E Macron veuille poursuivre les
dédoublements.
Pour évaluer vraiment le niveau des jeunes
Français, il faut regarder les évaluations
internationales. Or, les résultats de Pisa 2018 montrent
une stagnation. Quand à ceux de TIMSS (maths et sciences)
ils sont très mauvais. JM Blanquer explique qu'il faudra
attendre les prochains Pisa pour avoir une idée des
résultats de son action. Evidemment l'impact d'une action
ministérielle prend du temps. Mais pas forcément 6
ans ou plus. Rappelons nous le "Pisa Choc" en Allemagne.
Après des résultats très en dessous des
attentes à Pisa 2000, l'Allemagne, malgré son
système très décentralisé, a fait des
réformes de fond. Comme le montre Dennis Niemann
dans la revue de l'AFAE n°145, la situation
s'améliore en langue nationale dès 2003 (+7
points), en maths (+13 points) et en sciences (+15 points)
dès 2003. Sur ces 3 années la progression est plus
rapide que sur les 3 années suivantes. Malheureusement on
n'observe pas cela sous JM Blanquer. Il est vrai que les
états allemands n'ont pas cherché à diminuer
le coût de l'éducation. Au contraire ils ont
investi.
Là où JM Blanquer n'a pas
économisé c'est dans la transformation du
système éducatif. Il avait promis de ne pas faire
de loi et de circulaires. En fait les lois se sont
succédé, notamment la "loi dur l'école de
la confiance". Et les professeurs ont croulé sous des
"référentiels" ou des "livres" dictant de plus en
plus leurs pratiques pédagogiques. En 5 ans, malgré
la pandémie de Covid, JM BLanquer a enchaîné
les réformes.
D'abord celle de l'école primaire où il a
détruit ce qu'avait fait le gouvernement
précédent (par exemple les maitres
surnuméraires) et imposé de nouveaux programmes et
dispositifs. Il a rompu définitivement avec l'école
imaginée par les pères fondateurs de la
IIIème République en détruisant, avec
obstination, les petites républiques des professeurs que
constituaient les écoles pour les soumettre au principe
hiérarchique avec de malheureux directeurs chargés
d'une autorité qu'ils n'ont ni le statut ni les moyens
d'exercer. Au collège il a détricoté la
réforme précédente, supprimant par exemple
la 2de langue vivantes dès la 6ème. Il a entrepris
la réforme du lycée général et
technologique, une réforme tellement critiquée
qu'elle est toujours remise sur le métier. Enfin il a
profondément réduit les enseignements en
lycée professionnel et diminué aussi les
débouchés des élèves qui sont parmi
les premiers sacrifiés du quinquennat.
Toutes ces réformes s'assemblent peu à peu pour
dessiner une nouvelle école. Une école conforme au
nouveau management public, nouvelle norme internationale que JM
Blanquer peut se féliciter d'avoir fait progresser en
France. La formation des enseignants a fait un bond en
arrière, les futurs professeurs n'étant plus
fonctionnaires stagiaires mais de simples étudiants. Dans
le premier comme dans le second degré, le ministre a
renforcé la hiérarchie. On l'a vu avec la
redéfinition du statut des directeurs d'école. Dans
le second degré, l'heure est à la multiplication
des missions et à la création de hiérarchies
intermédiaires pour mieux diviser et surveiller les
enseignants. L'étape suivante a été
tracée au Grenelle de l'éducation avec la
modification des règles d'affectation et
d'évaluation des personnels.
Finalement le bilan de ces politiques se lisent dans la perte
d'attractivité des métiers de l'éducation.
Non seulement le ministère de l'éducation nationale
a de moins en moins la capacité de trouver les enseignants
dont il a besoin, malgré la réduction de ses
besoins dans le second degré. Mais il doit faire face
çà une hausse très rapide des
démissions d'enseignants.
Les derniers sondages montrent que l'opinion publique est
inquiète de son école et ne croit pas dans
l'amélioration de ses résultats. Quant aux
personnels jamais ils ont été aussi peu nombreux
à être en accord avec la politique suivie. Le seul
domaine où le ministre de l’Éducation nationale a
sensiblement progressé c'est dans le nombre d'heures
passées sur les plateaux des télévision et
dans les radios. Jamais un ministre n'a autant travaillé
son aura médiatique. Pour le reste, le ministère
Blanquer c'est 5 années perdues pour l’École
française.
François Jarraud