Le sac de plage 2011 : Modifier les rythmes scolaires ? 

Par François Jarraud


   

C'est le grand projet de la rentrée. Toucher aux rythmes scolaires impacte toute la société. Et l'enjeu n'est pas que sanitaire...


Le rapport sur les rythmes scolaires

 

Le rapport du comité de pilotage sur la réforme des rythmes scolaires a été remis à Luc Chatel le 4 juillet à 15h. Il propose 10 mesures "pour des rythmes plus équilibrés" conformes à ce que le Café avait annoncé. Luc Chatel n'a pris aucune décision et annonce des négociations pour des mesures applicables en 2013.


"La journée serait moins lourde mais pas nécessairement moins longue". Les premières mesures concernent la journée scolaire. La durée des cours serait limitée à 5 heures par jour à l'école élémentaire et jusqu'en 5ème. On passerait à 6 heures en 4ème et 3ème. Elle serait complétée par 2 heures "d'accompagnement éducatif" jusqu'en 5ème et 1 heure en 4ème et 3ème. La pause méridienne ne pourrait être inférieure à 1h30. Les élèves rentreraient ainsi avec leurs devoirs faits.


La semaine. A l'école élémentaire et pour les deux premières années du collège, le comité instaure une sorte de "bouclier scolaire" de 23 heures de cours par semaine, étalées à l'école sur 9 demi-journées, au lieu de 8 actuellement.

 

L'année scolaire comprendrait 38 semaines de cours séquencée en 5 périodes d'enseignement de 7 à 8 semaines. Il y aurait 8 semaines de petites vacances sur 4 périodes de 2 semaines, ce qui veut dire que les vacances de la Toussaint seraient prolongées. Les vacances d'été seraient ramenées à 6 semaines au lieu de 8. Toutes les vacances , sauf Noël, seraient réparties selon 3 zones. Enfin le comité demande "une organisation concertée et régulière" des travaux et contrôles demandés aux élèves.


Le rôle des collectivités locales. Le rapport préconise de confier aux acteurs locaux le périscolaire et l'accompagnement éducatif, en partage avec l'Etat. Le choix de la demi journée travaillée au primaire relèverait du département.


Ce rapport s'appuie sur les recommandations des chronobiologistes. Ils recommandent des journées moins chargées mais 5 journées de travail par semaine et des semaines mieux réparties, une alternance de 2 semaines de vacances toutes les 7 semaines travaillées. Tout cela conduit, pour maintenir le nombre d'heures de cours à amputer de deux semaines les congés d'été. Ce constat, le rapport de janvier 2011 l'avait déjà fait. Et il est réapparu à l'occasion d'une fuite le 27 mai des "pistes de travail" du comité de pilotage.


Luc Chatel a lié cette réforme à la "réussite scolaire de chaque élève". Il a déclaré que "s’ouvrait désormais la dernière phase, celle nécessaire à la conduite des études techniques et à l’élaboration concertée de propositions, qui implique la consultation des partenaires de l’école : organisations syndicales, associations de parents d’élèves, représentants des collectivités et des professionnels des différents secteurs économiques concernés par cet enjeu. Il a ainsi affirmé son intention d’engager la consultation dès la prochaine rentrée scolaire, afin que les premières orientations puissent être annoncées à l’automne". L'objectif de la réforme c'est la rentrée 2013, un horizon qui repousse les décisions difficiles après les élections présidentielles. Il n'a annoncé aucune décision. Il s'est borné à dire que certaines mesures pourraient être prises à l'automne car "consensuelles", citant curieusement en exemple le raccourcissement des vacances d'été qui semble pourtant difficile à faire appliquer. Le reste serait discuté plus tard.


Lancé en juin 2010, le comité de pilotage chargé de réfléchir à une réforme des rythmes scolaires comprend 18 membres. Il est présidé par Christian Forestier, administrateur général du CNAM, et Odile Quintin, ancienne directrice générale de l’éducation à la commission européenne. Ils sont entourés de 16 membres,  parmi lesquels Roger Bambuck, inspecteur général, Eric Debarbieux, sociologue, Bernard Hugonnier, OCDE, Jean-Marc Roirant, Ligue de l’enseignement, Monique Sassier, médiateur de l’EN, et François Testu, JPA. Le 25 janvier 2011, le comité a remis un premier rapport qui faisait un état des lieux des consultations. "En dépit des préconisations des chronobiologistes", affirmait le rapport , "on note un attachement très fort au samedi libéré et donc au week-end de deux jours… La réduction de deux semaines des congés d’été est consentie "à la rigueur, à condition de permettre le 7/2".

Le rapport

http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/67/1/Rythmes_scola[...]

Communiqué

http://www.education.gouv.fr/cid56782/rythmes-scolaires-le-co[...]



Rythmes scolaires : Trop de questions pour les réponses ?


Quel avenir attend le rapport sur les rythmes scolaires ? Visiblement Luc Chatel lui réserve un accueil prudent, ne prenant aucun engagement même sur des points de détail. Si on ne peut écarter totalement l'idée que ce sujet entre dans la campagne politique du président de la République, pour bien des raisons on peut penser que le rapport n'aboutisse à rien de concret.


D'abord parce que changer les rythmes scolaires est difficile. Tout changement impacte directement les budgets des collectivités locales qui sont déjà dans l'embarras. Augmenter d'une demi journée la semaine au primaire veut dire créer une journée de transports scolaires et d'entretien de l'école en plus. S'il faut généraliser l'accompagnement éducatif c'est aussi  des heures supplémentaires pour les enseignants, que l'Etat aura probablement du mal à payer, ou pour du personnel communal. L'extension de l'année scolaire à 38 semaines, que Chatel semble trouver facile, est un écueil dans l'enseignement secondaire. On voit mal les enseignants du secondaire, dont les salaires sont gelés et les conditions de travail se dégradent rapidement, accepter les bras croisés de travailler gratis deux semaines de plus. Ajoutons que c'est probablement aussi l'opinion des lycéens...


Ensuite parce que toutes les variables n'ont pas été retenues par les rapporteurs. Focalisés sur les objectifs de santé, ils n'ont pas osé toucher aux paradigmes de départ. Car la position de la France est tout à fait spécifique en Europe. C'est le pays qui a le plus d'heures de cours par jour en Europe. On peut évidemment en déduire qu'il faut augmenter le nombre de jours de cours et pour cela à la fois la semaine d'école (passer à 9 demi-journées) et le nombre de semaines (38 au lieu de 36). Mais le comité pouvait aussi jouer sur le nombre d'heures. Avec 864 heures de cours au primaire, la France  fait partie des pays européens qui ont le plus d'heures annuelles d'enseignement, avec l'Espagne (875), l'Italie (891) ou le Portugal (900). L'Europe protestante se satisfait avec moins : 798 en Angleterre, 564 en Allemagne, 569 en Finlande.


Ils ne se sont pas posés la question de l'efficacité pédagogique de leur mesure. Si Luc Chatel affirme que la réduction du nombre d'heures de classe par jour permettra la "réussite scolaire de chaque élève", cela n'est pas prouvé. Une étude menée par Bruno Suchaut, Marie Duru-Bellat et Nathalie Mons a mis en doute l'automaticité du rapport entre le temps d'enseignement et  les résultats scolaires. Il faut distinguer le temps officiel du temps réel d'enseignement. Mais il faut aussi tenir compte de l'implication des élèves dans l'apprentissage. Pour ceux qui auraient un doute sur cette question, rappelons que la France est le pays d'Europe qui consacre le plus de temps à l'apprentissage de la langue nationale au primaire sans être pour autant celui qui a les meilleurs résultats...


L'intérêt pour le bien être des enfants à l'école est remarquable mais il n'a empêché de dormir jusque là aucun ministre de l'éducation. Chacun s'est convaincu que la question recelait plus de coups à prendre que de bénéfice à retirer. Aucun ministre n'a de gaîté de coeur tenté de jouer avec  la colère des collectivités locales, de l'industrie du tourisme, des enseignants et des lycéens. Luc Chatel a pour le moment réagi comme ses prédécesseurs en remettant à demain la moindre décision.


Deux faits pourraient pourtant faire avancer ce projet. Le premier c'est la pression budgétaire. Dans l'enseignement secondaire , passer de 36 à 38 semaines permettrait de diminuer le nombre d'heures hebdomadaires pour chaque discipline et donc de dégager des postes. L'autre c'est une campagne électorale délétère, jetant les enseignants en pâture au public. Justement, pour le moment, seul le passage de 36 à 38 heures a été annoncé par Luc Chatel.

Temps d'enseignement en Europe

http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/tools/127[...]



Vacances d'été : Quels rythmes ailleurs ?


Sur Europe 1, Christian Forestier, président du comité de pilotage sur la réforme des rythmes scolaires a évoque "le consensus" sur l'allongement de l'année scolaire à 38 semaines affirmant que la France est une exception avec 8 semaines de vacances en été. Est-ce vraiment le cas ? 


"La demi-journée supplémentaire par semaine, ce n'est pas suffisant", a affirmé Christian Forestier sur Europe 1 le 4 juillet. "En plus, la plupart des pays ont des vacances d'été de six semaines, nous sommes une exception... avec huit semaines, qui est un temps très long". "Et puis aujourd'hui, quels sont les enfants qui partent deux mois en vacances?" a-t-il ajouté.


Mais les calendriers scolaires recensés par Eurydice le système d'information européen dédié à l'éducation, montrent une autre réalité. En Europe, seuls le Danemark, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont des vacances d'été inférieures à 8 semaines, avec 6 semaines dans ces trois cas. Seize pays européens ont des vacances d'été de 9 semaines et plus. Le record est à chercher en Lettonie et Estonie avec 13 et 12 semaines. Mais Chypre, la Finlande, la Hongrie, l'Islande, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède ont deux mois et demi de congés d'été. La France se prépare à s'aligner sur l'exception et non la norme.

Article Europe 1

http://www.europe1.fr/France/Rythme-scolaire-changement-progress[...]

Etude européenne

http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/calendar[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 07 juillet 2011.

Partenaires

Nos annonces