Colloque de l'IREA sur le socle commun : Cas concrets 

Mise en oeuvre du socle commun : éclairages concrets en primaire...
gouttedorChangement de décor : on parle du primaire et du terrain, et les femmes sont désormais en force à la tribune ! Une belle question de réflexion pour le prochain colloque de l'IREA qui traitera de la question des garçons et des filles dans l'Education...

Pour Claire Boniface, inspectrice de l'Education Nationale, plusieurs questions se posent : comment concilier les "livrets de compétences" utilisés par les écoles en direction des parents, avec le nouveau livret de socle sans travail supplémentaire ? Comment évaluer dans les logiques binaires "acquis-non acquis" des "compétences du socle" ? Le lien entre les textes fondateurs et les outils concrets pour les enseignants ne se fait que trop difficilement. Et comment ne pas confondre les différents rôles de l'évaluation : au nom de la LOLF, ce sont les équipes de circonscriptions qui vont faire la remontée des résultats.

Aude Delatouche, qui a enquêté auprès des enseignants sur leur vécu du Socle, confirme la vision critique et les questionnements sous-jacents relatifs, "amenant démotivation et inquiétudes" : sur le terrain, on questionne le lien entre socle et programmes 2008, on regrette le manque d'explications sur ce sujet, on déplore les coûts de reproduction des outils matériels, on discute le terme même de compétence. On se demande surtout comment valider par oui ou par non une compétence complexe sans risquer d'être injuste. Enfin, la pertinence même de certains items est contestée : qu'est-ce qu'une "capacité" en histoire ?

"Travailler par compétences, c'est d'abord identifier ce qu'il y a à apprendre avant de commencer à préparer sa classe, et le partager avec l'élève pour mieux entrer dans sa tête pour donner sens à ce qu'il y a à faire pour apprendre et éviter les malentendus." reprécise Claire Boniface. Anne-Cécile Duffez, formatrice d'enseignants, insiste sur l'ambiguité et les redondances entre les différents documents-guides pour l'enseignant, "véritable casse-tête", renforcé par la difficulté à évaluer des items complexes comme "savoir rédiger un texte en utilisant un vocabulaire adapté et en maîtrisant la grammaire". Le risque est grand que chaque école se dote de critères approximatifs, avec des disparités importantes d'une école à l'autre. Elle illustre ce qu'elle tente malgré tout de faire au quotidien, notamment en faisant écrire chaque soir dans un "journal des apprentissages" ce qui a été appris, suivant en celà les travaux d'ESCOL et de J. Crinon. Oihandi Bordonada, enseignante référente à la fois en école et en collège, témoigne de la prise de recul des élèves sur les apprentissages, propice à l'amélioration des comportements en éloignant les affects, lorsque les élèves comprennent mieux le rôle de l'Ecole et font les liens entre les disciplines. Elle modère cependant avec la "difficulté à faire entrer les compétences dans le travail du collège", notamment du fait des pratiques pédagogiques et du manque de temps de concertation entre enseignants "pour ne plus faire de la validation du socle l'affaire exclusive des professeurs de 3e".
Claire Boniface conclut avec une insistance spécifique sur la nécessité de commencer le travail par compétences dès la maternelle, et d'articuler le travail d'évaluation et d'apprentissage.
...et dans le second degré...
parisMarie-Christine Duval, IA-IPR dans l'académie de Paris, explique combien les multiples et changeantes priorités peuvent rendre difficile l'investissement des corps d'inspection sur un dossier comme le socle commun. "Ce n'est que par l'urgence de la validation du socle pour le Brevet, cette année, que le problème surgit". Mais, explique-t-elle, les corps d'inspection ne peuvent rien sans les établissements, et les chefs d'établissements doivent s'appuyer sur les disciplines.... et donc les corps d'inspection ! "Nous essayons de faire passer des messages, mais c'est inégal. Nous venons de créer un espace "socle" sur le site académique". Les freins se situent, pour elle, dans les missions des enseignants qui n'ont toujours pas été modifiées (temps de concertation et de travail collectif), dans l'avancement différent des diverses disciplines, des outils disponibles... "Sans l'impulsion académique, rien ne peut se mettre en place. Mais je suis optimiste, nous sommes partis...". Un léger mouvement de la salle semble pondérer l'appréciation positive.
Jean-Marc Coignac, délégué à la formation de l'académie de Paris, insiste également sur les nécessaires cohérences. "On ne peut réfléchir à la formation que si les pilotes travaillent ensemble à une stratégie concertée, permettant un accompagnement par la formation" ose-t-il. Pour l'enseignant, mettre en oeuvre le socle, c'est mettre à sa main des outils, comme le fait un artisan. "Il y a certes des enjeux de fond, mais aussi des obstacles concrets". Il cite le rapport d'Alain Houchot et F. Robine sur l'évaluation, qui montrait déjà en 2007 l'articulation entre compétences et situations d'apprentissages. "La formation est un levier essentiel pour être en confiance, pour pouvoir parler de ses pratiques, et non être systématiquement critiqué. Si on part du point de vue que tout enseignant construit un travail qui a une valeur en soi, si on fait confiance dans la capacité de changer sans renforcer l'obligation de rentrer dans une prescription formelle, on peut réinterroger les pratiques de manière positive". Pour lui, les formations en établissement sont le levier le plus efficace, lorsqu'elles ont été suffisamment négociées pour être attendues, qu'elles permettent un accompagnement de projet par une équipe de formateurs. Il conclut en insistant sur la dimension modélisante de la formation initiale, et le rôle des tuteurs dans la transmission des "manières de faire", surtout dans les "nouvelles modalités de formation".


Par MBrun , le dimanche 05 décembre 2010.

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