Editorial 

C’est avec le souci de s’adresser en priorité aux familles, aux élèves et à leurs parents, que le Café a réalisé ce dossier spécial sur l’orientation en 3ème. Parce qu’au-delà des grands principes, c’est dans le détail des actes concrets que sa famille va pouvoir engager – ou pas -, au moment crucial de la fin de la troisième, que va se jouer une part importante du destin scolaire de chaque élève.

 

Ce processus est complexe, parce qu’il s’articule autour d’une contradiction :

d’une part, le système continue à fonctionner comme s’il n’existait qu’une filière noble, les autres ne constituant que des pis-aller imposés par le destin scolaire. Un bon élève n’a comme projet que celui de réussir, alors qu’un élève en difficulté est sommé d’avoir « un projet » dès la classe de quatrième… Pour certains, le mot « orientation » est souvent synonyme d’exclusion relative après un accident scolaire…

d’autre part, la sociologie jouant à plein, certaines familles continuent à auto-exclure leurs enfants de certaines filières, au nom du fait qu’elles ne « seraient pas pour eux ». A résultat scolaire égal, tel élève issu de famille culturellement proche de l’école choisira une filière, des options, qui lui donneront plus de chances d’avoir accès aux bonnes places. Au contraire, telle autre famille autolimitera ses choix aux filières géographiquement proches, même si les formations accessibles ne les enthousiasment pas. Pas après pas, c’est une véritable césure scolaire qui s’opère, même entre des élèves aux résultats très proches…

 

C’est avec ce double souci que nous avons construit ce dossier :

donner aux familles et aux élèves le maximum d’informations concrètes sur la manière dont se construit le processus d’orientation, au sein du système scolaire. Parce que les décisions se prennent parfois de manière trop opaque, il faut donner à tous les « règles du jeu scolaire ». Dès le conseil de classe du second trimestre, les choses peuvent être jouées. Sans jouer les consommateurs, les parents peuvent y prendre toute leur place d’usager et faire respecter leurs droits.

présenter des filières et des dispositifs trop souvent ignorés, ou considérés avec distance, comme l’enseignement agricole ou professionnel, qui offrent souvent des passerelles permettant de construire un avenir scolaire modulable : un bac pro agricole peut s’ouvrir sur un BTS, puis une licence professionnelle. A chaque étape, un débouché professionnel est possible, ou une poursuite d’étude si les conditions sont réunies. Ces parcours « modulables » restent souvent à construire ailleurs, d’autant plus que les projets ministériels ne renforcent pas ces filières, comme en témoignent les difficultés faites aux IUT, pourtant pourvoyeurs d’emplois…

 

Longtemps la sélection se faisait en amont du système : on partait travailler à 14 ans, puis à 16 ans. Les évolutions de l’économie réclament sans cesse une main d’œuvre plus qualifiée : les grandes orientations de l’OCDE demandent qu’un jeune sur deux aille jusqu’à la licence, pour répondre aux besoins de qualification du travail.

Depuis la massification, la sélection se fait donc de l’intérieur, souvent par de microscopiques décisions successives qui, de l’école à l’université, tracent la route des « vaincus », selon l’expression de François Dubet : l’Egalité des Chances reste une plaisanterie, tant la réussite scolaire continue à être liée à l’origine sociale.

 

Pour nous, l’orientation devrait être associée à un processus de reconstruction d’un individu largement déstabilisé par une succession d’échecs qui, non seulement lui renvoient l’avenir incertain, mais lui donnent aussi une image négative de lui-même. Nombre d’expériences d’équipes, d’établissements, de filières tentent de s’y attaquer, pour lutter contre les mécanismes de sélections invisibles qui rendent plus difficile l’insertion sociale des élèves qui ont le plus besoin de l’Ecole.

Puisse ce dossier y apporter sa modeste pierre.

 

Patrick Picard

Sur le site du Café
Par fsolliec , le dimanche 08 mars 2009.

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