Entretien avec Benoît Falaize 

Par François Jarraud

 

Quel regard porter sur le retour de la morale à l'école ? Benoît Falaize , chargé de recherche à l'INRP, lit pour nous les nouveaux programmes.

 

L'instruction civique a existé dans le passé. Elle a disparu, au bénéfice de l'éducation civique, il y a une cinquantaine d'années. Comment interprétez-vous le retour de la formule instruction par rapport à l'éducation civique ?

Déjà, je l'interprète comme un véritable retour. Il y a une forme de nostalgie autour de l'école de la IIIe  République qui n'est pas prégnante simplement dans des milieux de la société civile mais aussi au sein même de l'éducation nationale. Il  y a toute une partie de l'éducation nationale qui est sensible au sentiment de perte de repères. Du coup le retour à l'instruction civique est une réaction contre toutes les pratiques ou injonctions éducatives autour de ce qu’il convenu d’appeler le « vivre ensemble ». Il est vrai que, dans les pratiques, on s'était progressivement orienté vers la résolution de ce qui se passait dans la classe et dans l'établissement avec un abandon sensible de ce qui pouvait être les grands repères institutionnels de la France.

La volonté actuelle semble bien d'avoir des repères fiables a minima qui permettent de comprendre la société dans laquelle on va vivre. On retrouve la même chose dans l’écriture des parties du programme sur l’histoire, la géographie et même l’apprentissage du français.

 

Education et instruction, ce n'est pas le même sens. Peut on former des citoyens uniquement par l'instruction ?

 

Non certainement. Du reste, l’école n’a jamais formé autour qu’une des deux notions. Mais un des courants dominants actuellement c'est celui qui pense que l'éducation revient aux parents. Et que l'école est là pour délivrer des connaissances. C'est ce qu'on observe dans les nouveaux programmes du primaire.

 

Mais l'école républicaine a toujours eu pour but de former des citoyens et pas seulement de délivrer des maths et du français.

 

Précisément. Mais quand je parlais de la nostalgie de l'école de la IIIe République ça ne veut pas dire que cette école fonctionnait effectivement, dans les faits, comme cela. Cette nostalgie repose aussi parfois sur des contre sens. Par exemple si l’on prend le domaine de la lecture on est dans un retour affiché au lire, écrire,compter d'une manière tellement stricte que les instituteurs de la IIIe République ne s'y retrouveraient pas. Quand ils faisaient des dictées, de la grammaire, de la syntaxe, ils le faisaient toujours dans les différentes disciplines, de façon à donner du sens, afin éduquer les élèves et pas seulement faire de la grammaire. La grammaire pour la grammaire est un mythe historique, et aujourd’hui un discours public sur le mode du bon sens incontestable. On est dans l'approximation historique.

 

Cela ne remet pas en question les valeurs de l'école ?

 

Le retour à l’instruction privilégie une valeur aux dépens d'autres. Les valeurs promues sont l'autorité, le respect du maître et des connaissances. C'est une dimension de l'école de la IIIe république au nom de laquelle on prétend revenir. Il manque le reste qui donnait sens à l’ensemble.

 

Les leçons de morale ne sont-elles pas en contradiction avec l'idée que l'école est là pour instruire ? La morale ce n'est pas de l'instruction mais de l'éducation.

 

Mais ce n'est pas en contradiction avec ce projet nostalgique. L'école de la IIIe république affichait des maximes morales et avait aussi un projet d'éducation. Après tout ce n'est pas forcément choquant ces affichages tant qu'il s'agit d'une morale républicaine qui incite à la tolérance et au respect. Et à condition que le maître lui-même respecte les règles. S'il le fait ça peut être formateur. Si par contre il les piétine… ça n'a plus sens. Ce n'est plus que du formalisme éducatif. Mais si la phrase écrite au tableau vient en appui de ce que le maître pratique, ce n'est pas nécessairement gênant. D'autant que, dans les pratiques, la morale s'exerce en permanence à l'école. Autant parfois que cela soit de façon formalisée, appuyée par une exigence déontologique et formatrice.

 

Benoît Falaize

Chargé d'étude et de recherche à l'INRP

 

Liens :

Programmes du primaire

http://media.education.gouv.fr/file/02_fevrier/24/3[...]

Benoît Falaize sur le site du Snuipp

http://www.snuipp.fr/spip.php?article5368

 

 

Sur le site du Café

 

 

Par fjarraud , le mardi 01 juillet 2008.

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