Heures du samedi : " cette réforme interrogera la politique éducative en matière d’autonomie des écoles" – Bruno Suchaut 

Comment gérer les heures libérées du samedi à l'école  ? Bruno Suchaut relève les contradictions qu'elles soulèvent. Pour être efficaces, elles exigent davantage d'autonomie des écoles. Un nouveau défi.



La nouvelle organisation du temps scolaire à l’école primaire est supposée s’appuyer sur une logique d’efficacité, notamment pour une meilleure prise en charge des difficultés des élèves. La suppression du samedi matin est sans doute, auprès de la communauté éducative et des parents d’élèves, l’élément le plus visible de ce changement. Un premier constat relatif à cette nouvelle organisation est la diminution sensible du nombre d’heures d’enseignement pour une majorité d’élèves, puisque l’on passera de 936 h à 864 h annuelles, soit une diminution de 72h par an, ou encore de 2 heures hebdomadaires (de 26 h à 24 h). Une chose est sûre, ce n’est pas parce que certains de nos voisins européens obtiennent de meilleurs résultats avec un temps d’enseignement moins élevé, qu’une réduction de ce temps permette d’améliorer la qualité de notre école primaire. Si la relation entre temps d’enseignement et résultats des élèves n’est pas vérifiée quand on l’étudie à un niveau macro par les comparaisons internationales, la relation entre temps d’apprentissage et progrès des élèves est, en revanche, clairement établie et très marquée quand on la mesure à un niveau plus micro, c'est-à-dire à l’échelle d’un échantillon d’élèves au sein d’un pays donné. Cette relation est d’ailleurs beaucoup plus forte pour les élèves qui présentent des difficultés d’apprentissage. Cette diminution globale du temps scolaire fait donc l’hypothèse, toujours dans une logique d’amélioration des résultats, que le nouveau dispositif rendra les heures d’enseignement plus efficientes.

 

Ce n’est donc pas seulement la dimension quantitative du temps qu’il faut envisager mais surtout sa dimension qualitative à travers la nature des activités proposées et leurs modalités d’organisation. Sur ce plan, les nouvelles mesures pour l’école primaire proposent deux voies complémentaires.

 

La première concerne les nouveaux programmes de l’école primaire qui sont censés être mieux adaptés aux besoins des élèves et porteurs d’une meilleure efficacité pédagogique. Ces programmes sont pourtant loin de faire l’unanimité dans la sphère éducative en général, et auprès des spécialistes de l’éducation en particulier, puisqu’ils font l’objet d’une vive contestation. En outre, il est admis qu’il existe une grande distance entre les programmes officiels et leur mise en pratique généralisée dans les classes. Dans le contexte actuel du pilotage pédagogique de notre école primaire, même dans le cas de programmes pertinents, ce n’est probablement pas par cette voie que l’on pourra gagner rapidement en efficacité.

 

La seconde voie concerne l’organisation du temps scolaire. La nouveauté réside principalement par l’instauration de 60 h annuelles ciblées sur une population d’élèves particulière (celle éprouvant des difficultés). Au-delà de ce chiffre moyen, cette mesure reste imprécise dans la mesure où ces 60 h pourront être consacrées à des activités directes auprès des élèves, mais aussi être allouées au temps d’organisation correspondant, sans que cette répartition ne soit clairement affichée par l’institution. De plus, la proportion d’élèves bénéficiaires peut elle aussi être très variable d’une école à l’autre (10%, 20%, 30% et parfois davantage). Ces deux éléments font que, d’un lieu à un autre, et pour une proportion non négligeable d’élèves, l’offre éducative publique pourra varier sensiblement.

 

Pour ne pas pénaliser l’ensemble des élèves, il est clair que les 2 h hebdomadaires supprimées ne doivent pas amputer le temps consacré habituellement à des activités essentielles à la réussite scolaire des élèves. Pour ce qui est des 60 h à destination d’un public particulier (soit 1h 40 mn par semaine dans l’hypothèse où la totalité de ce temps serait alloué à des activités d’enseignement), se pose la délicate question de leur utilisation. Plusieurs points sont à examiner : proportion d’élèves concernée, programmation horaire dans la semaine, nature des activités et modalités d’organisation (composition des groupes et taux d’encadrement). Si les équipes pédagogiques peuvent aisément identifier le public visé en fonction d’éléments objectifs et le type d’activités (probablement des activités de renforcement disciplinaire), les deux autres aspects vont entraîner des choix difficiles à réaliser car porteurs de contradiction en matière d’efficacité pédagogique. On sait déjà que les journées de classe des écoliers français sont beaucoup trop longues et l’allongement de ces journées, pour certains élèves (pendant la pause méridienne ou en fin d’après-midi) n’est certainement pas une bonne chose. Les travaux de recherche en éducation ont aussi montré que les modalités de traitement de la difficulté scolaire « externalisées », c'est-à-dire qui consistent à regrouper des élèves faibles, même en petit nombre, sur des plages horaires spécifiques hors du groupe classe habituel, ne sont pas porteuses d’efficacité.

 

Pour que la nouvelle organisation du temps scolaire puisse participer à l’amélioration de notre école, elle doit surtout s’adapter aux besoins des élèves et cela ne peut se faire que si l’on tient compte des caractéristiques des écoles, notamment en matière de taille et de caractéristiques du public accueilli. Les textes n’interdisent pourtant pas des transformations beaucoup plus profondes que ceux qui s’effectueront probablement (dans la plupart des écoles qui souhaiteront fonctionner sur 4 jours), allant jusqu’à une répartition des activités scolaires sur 5 jours, donnant lieu à des regroupements d’élèves à géométrie variable en termes de taille et de composition des groupes, de taux d’encadrement et de nature des activités proposées. On peut effectivement penser que cette réflexion sur l’organisation du temps scolaire (celui des élèves, mais aussi celui des enseignants) pourrait se faire sur la base d’un raisonnement mettant en relation des ressources (personnel enseignant et d’appui, volume de temps, contenus des programmes) et des besoins (objectifs d’apprentissage et caractéristiques des élèves).

 

On voit clairement que cette réforme de l’organisation du temps scolaire interrogera la politique éducative en matière d’autonomie des écoles, il reste à savoir comment cette autonomie pédagogique sera régulée pour garantir l’équité et le respect des objectifs nationaux.

 

Bruno Suchaut

 

Iredu

Par fgiroud , le lundi 12 mai 2008.

Partenaires

Nos annonces