Mouvements d'éducation populaire : "au coeur, pas autour..." 

Reuter ICEM« Il faut être différent pour se parler… ». C’est la mise en garde de Michel Ducom, chargé d’animer une table-ronde qui rassemble les CEMEA, les CRAP, les Francas, les PEP...
Pas facile de parler de soi tout en osant se mettre en réseau avec les autres…
S'inscrire dans le temps long de l'Education, et remettre en question "l'Egalité des chances"...
C’est Didier Jacquemain qui ouvre, au nom des Francas : « Pourquoi d’autres interventions que celles de l’Ecole ? D’abord parce que les associations, qui développent depuis des décennies des interventions reconnues par la loi comme « éducatives », dotées d’un projet pédagogique, bien au-delà des seules « aides au devoirs ». Pour lui, le paradoxe est qu’on ne fait que de créer de nouveaux dispositifs au nom de la même commande (« faire du neuf »), avec les mêmes difficultés et le même manque d’évaluation. Mais ce qui est peut-être nouveau aujourd’hui, ce serait que l’Ecole serait réduite à la portion congrue, recentrée par les nouveaux programmes sur les «fondamentaux », charge au péri-scolaire de s’occuper du reste, ce qui ne peut être acceptable

A. Bathiany, D. Jacquemain, Z. BoudjémaïPour les PEP, représentés par Agnès Bathiany, « mettre en œuvre des politiques publiques pour « accompagner » les personnes qui en ont besoin, c’est d’abord un choix militant, pour aider à construire l’idéal républicain, contre la marchandisation de l’Education, la pression scolaire démesurée qui réclame la prise en charge de plus en plus de gens sans qu’on se pose la question du contenu de la réussite, des « besoins » réels des enfants, au-delà de l’école qui ne peut prendre en charge ces dimensions ».

Zahra Boudjémaï, pour les CEMEA, veut lancer un pavé dans la mare : « Quand on regarde du côté de l’Ecole, un certain nombre d’enseignants ont mis du temps à rejoindre l’Education Nouvelle. Aujourd’hui, les mouvements complémentaires sont sommés de trouver les solutions pour faire accéder à l’Egalité des Chances… en faisant une autre école à côté de l’Ecole… »

Habitué à gérér la complexité, Jean-Michel Zakartchouk (CRAP-Cahiers pédagogiques) accepte de «  naviguer dans les paradoxes » :  pourquoi les pouvoirs publics parlent-ils d’« accompagnement éducatif » alors qu’ils voudraient utiliser le terme «instruction » pour parler du cadre scolaire ? « On a toujours tendance à réinventer le monde, il faudrait mieux apprendre aux enseignants l’histoire longue de l’Education ».

J.-M. Zakharchouk, A. TiercelinArnaud Tiercelin, pour la Ligue de l’Enseignement, se retrouve dans cette perspective historique : « qu’est-ce qui se joue à l’Ecole ? Depuis 30 ou 40 ans, la «massification » amène un paradoxe : celui de la concurrence pour les places… L’Ecole assume les deux charges : amener tout le monde le plus loin possible, tout en continuant à faire jouer à plein la reproduction. Du coup, la demande des parents est simple : aidez-moi à faire que le mien s’en sorte... ». Il prend ses distances, lui aussi, avec le concept de « l’égalité des chances » : « Pour nous aussi, l’Egalité des Chances, il y a la Française des Jeux pour ça… »
Il veut qu’on prenne acte que la vie d’un jeune se partage entre l’Ecole, la famille, les groupes de pairs (parfois aussi dans des logiques d’antijeu) et les écrans médiatiques: « Il se construit avec tout ça, et l’Ecole joue certes un rôle essentiel, mais en rivalité avec les autres scènes.
Du coup, ces temps d’accompagnement interviennent dans plusieurs de ces scènes. L’Ecole propose d’acquérir des savoirs formels, auxquels nous tenons tous, mais nous savons tous que certaines choses se loupent dans cet accès. Certains pensent que c’est une des responsabiltié de l’accompagnement scolaire que de lever les malentendus scolaires. »
Il pense urgent de réinterroger la forme historique de l’Ecole, « quand elle n’intègre pas la socialisation, quand elle privilégie la conformation sur l’autonomie ».
Alors, accompagner qui ? Accompagner les élèves ou accompagner l’Ecole ? Futurs concitoyens ou futurs cœurs de cible de la consommation ? « Préserver un service public d’Education n’a rien à voir avec le service public d’acharnement scolaire que nous promet le ministre… »

Le représentant de la FCPE n’y va pas avec le dos de la cuillère : « l’enfant ne se découpe pas en tranches. Mais quel est le bilan des dispositif d’aide, depuis 30 ans ? Les mouvements pédagogiques et l’Ecole ont-ils des réponses, défendent-ils réellement l’Enfant ? Comment se fait-il que les pratiques innovantes n’aient pas été généralisées dans l’Education Nationale ? Le système est toujours inégalitaire, et les responsabilités sont partagées entre l’Etat, les instances administratives et les équipes d’enseignants. Le défi que l’Ecole a à relever, c’est d’amener chacun à aller au bout de ses propres dispositions, en utilisant des pédagogies adaptées et en prenant des dispositions pour accueillir correctement les parents… »
Tisser des perspectives ou  s'empailler sur les virgules ?
table-rondeLa charge a le don de faire réagir ses voisins. Zahra Boudjemaï refuse qu’on puisse suspecter les associations de vouloir « prendre le marché de l’accompagnement scolaire ». Elle insiste sur le fait que « les activités culturelles ne participent à la réussite scolaire que comme effet secondaire, à long terme ».
Le mot de la fin revient à Didier  Jacquemain qui veut donner des perspectives : « ne nous trompons pas de débat. L’Ecole ne gagnera pas seule, sans travailler à croiser les regards avec les partenaires et les collectivités, qui contribuent à forger une part de la réponse éducative de service public ». Il est convaincu que le gouvernement continuera à laminer l’Ecole si syndicats, mouvements, associations d’éducation populaire n’arrivent pas à se rassembler. « L’appel des 19 contre les programmes est en ce sens un message très fort. La question est donc d’organiser la mobilisation populaire sur le projet national d’éducation à défendre et à construire, pas de s’empailler sur des virgules ».






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Par COFFEEASSO\ppicard3 , le mercredi 09 avril 2008.

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