Bac pro en 3 ans : Pourquoi ces résistances à la réforme ? 

Par François Jarraud



"Cette évolution de l'offre de formation induira une meilleure cohérence des filières professionnelles en créant des passerelles supplémentaires entre les deux grandes formations de l'enseignement professionnel que sont le C.A.P. et le Bac Pro". Darcos a beau dire sa réforme qui consiste à diminuer d'un an la formation n bac pro mobilise des profs et des lycéens. Un compromis est-il possible ?


Le ministère impose des fermetures dès 2008

Dès la rentrée 2008, la moitié des BEP tertiaires (vente, compta, secrétariat, communication), un tiers des bep hôtellerie, électronique, électrotechnique, par exemple, devront être transformés en 1ère année d'un bac pro en 3 ans. C'est ce que révèle une lettre envoyée par X. Darcos aux recteurs le 29 octobre, mise en ligne par le Snuep. Au total cela devrait concerner un quart des élèves entrant en BEP.


L'opération déclanchée par le ministre s'effectue sans préparation : "le contenu de la première année de formation sera adapté par les équipes pédagogiques en prenant en compte les référentiels et les programmes des BEP et des bacs professionnels" écrit le ministre. Or cette absence de programmes avait été identifiée par l'inspecteur général Didier Prat comme une des sources d'échec en bac pro en 3 ans.

Les documents

http://www.snuep.fr/secteur_education 


Le ministre  s'explique

"Alors que la Nation s'est fixé comme objectif d'amener 80 % d'une génération au bac et que les attentes en termes de qualification professionnelle sont de plus en plus fortes, ce cursus d'une durée de quatre ans limite aujourd'hui le nombre d'élèves de la filière professionnelle susceptible d'atteindre le niveau du baccalauréat". Alors qu'un nombre croissant de lycéens contestent la suppression du bac pro en 4 ans (2 années de Bep puis 2 années de bac pro) et son remplacement parle bac en 3 ans, Xavier Darcos s'explique sur cette décision.


"Cette évolution de l'offre de formation induira une meilleure cohérence des filières professionnelles en créant des passerelles supplémentaires entre les deux grandes formations de l'enseignement professionnel que sont le C.A.P. et le Bac Pro. Ainsi pour les titulaires de C.A.P., la possibilité de rejoindre le baccalauréat professionnel en cours de cursus sera créé... De même les élèves de seconde professionnelle (1ère année du baccalauréat professionnel 3 ans) qui ne souhaiteraient pas aller jusqu'au Bac Pro pourront rejoindre la seconde année de C.A.P. Le B.E.P. sera… délivré  à l'issue de la classe de première professionnelle (2nd année de Bac Pro en trois ans)".


Le ministre entend répondre ainsi aux critiques qui soulignaient la disparition des passerelles entre le BEP et le lycée technologique. Reste un point souligné par l'Inspection générale en 2005 : tous les élèves de 2de professionnelle n'ont pas le niveau scolaire suffisant pour atteindre le niveau bac en 3 ans. Faut-il pour autant les condamner au cap ?

Communiqué

http://www.education.gouv.fr/cid20533/valorisation-de-l-ensei[...]  


Quand les lycéens disent la même chose que l'Inspection générale…

Les élèves craignent une baisse de niveau de la formation et son inadaptation aux besoins des élèves les plus faibles. La réduction du bac en 4 ans sur 3 années seulement ampute en effet considérablement les heures d'enseignement. La Cgt Education a pu calculer que 612 heures de formation professionnelle disparaîtraient.


Ces revendications sont d'autant plus à prendre au sérieux qu'elles se recoupent avec les observations faites par l'inspecteur général Didier Prat au terme de 4 années d'expérimentation des bacs pros en 3 ans. Il écrivait, en 2005, " il y a lieu de souligner qu'une grande majorité d'élèves ne peut pas suivre un parcours vers un baccalauréat professionnel en trois ans au terme du collège".  Sur ce point cet avis rejoint les remarques des organisations lycéennes. Et il ajoutait : " l'enthousiasme suscité lors de la mise en place de cette expérimentation, a laissé place parfois à une certaine perplexité voire à une réticence de la part des enseignants, des élèves ou des apprentis et des responsables institutionnels, compte tenu des difficultés de recrutement et d'une insuffisance d'encadrement". La crise semble donc venir de loin.

Communiqué UNL

http://www.unl-fr.org/actu_view.php?id=243  

Dans le Café,le rapport Prat

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2[...]  


Un rapport du Sénat très critique

X. Darcos doit encaisser un coup porté parles rapporteurs de son budget au Sénat. Ceux-ci critiquent sévèrement la généralisation du bac pro en 3 ans. " La généralisation hâtive du baccalauréat en trois ans fait courir le risque de l'impréparation, avec les conséquences qui l'accompagnent naturellement. Votre rapporteure juge donc nécessaire de prendre le temps de la réflexion à ce sujet et de se déprendre de l'idée qu'il serait nécessaire d'appliquer le même traitement à toutes les filières. Les progrès futurs de l'enseignement professionnel se mesureront bien au contraire dans sa capacité à prendre en compte les besoins singuliers des élèves, sans chercher à leur imposer un rythme d'études en particulier, qui pourrait ne pas leur convenir" écrit la rapporteure. Elle dénonce un "pilotage qui semble manquer d'ambitions claires" et émet un avis défavorable à l'adoption de ce budget.

Rapport au Sénat

http://www.senat.fr/rap/a07-092-5/a07-092-550.html#toc414  


Les syndicats refusent la réforme

Chaque syndicat le fait dans son style. Mais le 26 novembre, le Se-Unsa et le Snetaa,particulièrement important dans l'enseignement professionnel,ont pris nettement position contre le projet ministériel de généralisation du bac pro en 3 ans.


Le SE-UNSA dénonce "une approche comptable cynique de la « revalorisation » de la voie professionnelle". Il rappelle les rapports officiels de ces dernières années qui allaient contre la généralisation. " Le SE-UNSA ne peut accepter que les élèves les plus fragilisés ne trouvent plus de parcours de réussite dans le service public d’éducation. Il soutient une diversification des parcours vers le bac pro mais s’oppose résolument à une généralisation motivée par les économies budgétaires ! Le parcours en 4 ans doit rester possible".


Pour le Snetaa , le Bac pro 3 ans est un dispositif "voulu par le patronat dans le but d’affaiblir tout l’édifice des diplômes nationaux et des conventions collectives". Le syndicat dénonce "un véritable coup de force porté à l’Ecole de la République".


A ces critiques, X. Darcos répond par le développement du bac pro. " Ce cursus d'une durée de quatre ans limite aujourd'hui le nombre d'élèves de la filière professionnelle susceptible d'atteindre le niveau du baccalauréat". Le ministre reprend ici un argument du rapport d'audit sur l'enseignement professionnel qui déplorait le gaspillage de places en enseignement professionnel. "Pour 100 places de formation financées, seulement 50 à 70% des élèves seront in fine diplômés compte-tenu de l’abandon, des échecs et du non-remplissage des classes" écrit le rapport. "Le rapport coût/efficacité n’est donc pas satisfaisant". C'est qu'en effet le taux d'abandon est de 12 à 13% en Cap, 8% en Bep et 11% en bac pro.


Les chefs d'établissement du Snpden condamnent "la précipitation qui consiste à supprimer  les formations au BEP". La Fep Cfdt, syndicat de l'enseignement privé, dénonce une mesure qui "hypothèque la réussite des élèves" et supprimera des emplois d'enseignants.

Communiqué Snetaa

http://www.snetaa.org/actu07/doc2007/com_21_11_2007_snetaa_snlcfo.pdf   

Communiqué Se-Unsa

http://www.se-unsa.org/presse/comm/page.php?id=071126  

Communiqué Darcos

http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_act[...]  

Sur le Café : éditorial

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2007/11/26112[...]  

Sur le Café :l'audit sur l'enseignement  professionnel

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/r2007_e[...]   


Le Snpden intervient dans le débat

Dans le cadre de l’admission de bacheliers de la voie professionnelle en section de techniciens supérieurs, en cohérence avec le baccalauréat préparé, le SNPDEN demande le financement de modules d’accompagnement en enseignement général et en enseignement technologique, pendant la première année, afin de favoriser la réussite de ces étudiants". Le Snpden, syndicat des chefs d'établissement, signe le protocole de discussion sur le bac pro déjà ratifié par 4 syndicats. Le syndicat estime que " Les formations de niveau V doivent être maintenues y compris le BEP lorsque le CAP n’existe pas et ne devront pas être exclues du schéma de poursuite d’études".


La FCPE demande une concertation sur le bac pro en 3 ans

"Le nouveau format du bac pro en 3 ans pourra permettre à des jeunes d’aspirer légitimement à un cursus de formation professionnelle sur une durée compatible avec une insertion professionnelle. L’accès à des formations de niveau bac +2 voire des licences professionnelles  sera facilité. Les lycéens en bac professionnel seront enfin mis sur un pied d’égalité avec ceux des filières technologiques et générales" relève la Fcpe qui estime positive la mesure de généralisation du bac pro en 3 ans.


Mais la Fcpe estime aussi que "le maintien du BEP est nécessaire, car tous les jeunes ne disposent pas des acquis nécessaires  leur permettant d’accéder directement au niveau d’exigence du baccalauréat professionnel".

Communiqué Fcpe

http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/a/actualite-fcpe-2075[...]  


Une réforme qui passe mal

Le passage du bac pro en 4 ans au bac pro en  3 ans se fera plus lentement que prévu. Le ministre a demandé aux recteurs de consulter davantage et de freiner l'application de la réforme.


Dans une nouvelle note adressée aux recteurs, que vous trouverez ci-dessous, Xavier Darcos leur demande de dialoguer avec les enseignants et les professionnels. Reconnaissant des "inquiétudes" sur le terrain, le ministre déclare que "pour dépasser des difficultés, il est indispensable d'approfondir la concertation, non seulement sur les perspectives 2009 mais aussi sur les modalités de la rentrée 2008, avec les partenaires sociaux, les acteurs du monde économique et les conseils régionaux… L'année 2008 sera mise à profit pour engager une vaste consultation sur les modalités d'application de la réforme". On est donc loin du texte sec d'octobre dernier qui demandait aux recteurs des suppressions de filières bac pro en 4 ans dès la rentrée 2008. Parallèlement, le ministre signait un "protocole de discussion" sur la réforme du bac pro avec le Snetaa-eil, le Sgen Cfdt, le Se-Unsa et le Snalc. Il prévoit la mise en œuvre de la réforme à la rentrée 2009. On se rappelle que la décision de supprimer un quart des bacs pros en 4 an avait mobilisé des enseignants et des lycéens et entraîné de vives réactions chez certains conseils régionaux

Communiqué

http://www.education.gouv.fr/cid20684/baccalaureat-professio[...]  

La note envoyée aux recteurs (en pdf)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/[...]  



En épilogue:   L'autonomie jusqu'à la disparition des programmes

Comment construire un enseignement cohérent quand on ramène de 4 à 3 ans sa durée ? Comment le rendre acceptable à des élèves souvent démotivés et qui ont d'autres priorités que l'école ? Comment préparer au bac pro quand on doit en plus en cours de route assurer la préparation à un autre examen, disposant de son propre programme, le BEP ? C'est le casse-tête que doivent affronter les nombreux enseignants dont les divisions sont transformées en bac professionnel en 3 ans. 


Pour eux l'académie de Versailles propose un document synthétique qui doit les aider à réaliser cet exploit en remplaçant le manque de tout programme officiel spécifique.


C'est l'autonomie des équipes éducatives qui est sensée résoudre ce problème. "La programmation de la formation sur trois années implique la construction d'un projet pédagogique global… pour chacun des champs disciplinaires" précise la brochure académique. "Sous l'autorité des corps d'inspection, il conviendra de sélectionner dans les programmes  des enseignements généraux du BEP et dans le référentiel de certification du domaine professionnel du BEP correspondant au baccalauréat professionnel en 3 ans les pré-requis indispensables à la préparation de celui-ci". Faute de programme officiel, l'inspection invite les enseignants à évaluer les élèves au début de l'année afin de construire un projet "adapté à leur profil". 


C'est donc du travail de précision qui s'impose aux équipes pédagogiques pour finalement résoudre une situation administrative dérogatoire. Ainsi en histoire-géographie, les progressions "inventent" un programme de 1ère année à partir du programme de seconde non-professionnelle et introduisent en 2de année un thème hors programme du bac pro pour que les élèves acquièrent des notions indispensables.


On comprend mieux les réticences devant le bac pro en 3 ans en découvrant cette situation. D'une part le rapport de l'Inspection générale de 2005 avait justement souligné les difficultés nées de l'absence de programme officiel. D'autre part la filière se pose en championne de la dérégulation de l'éducation.

La brochure académique

http://www.mathsciences.ac-versailles.fr/spip.php?article393  

Des ressources à Créteil

http://www.ac-creteil.fr/economiegestion-vp/bacpro3ans.html  

Sur le Café, Pourquoi ces résistances ?

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2007/[...]   

Surle Café, Une réforme qui ne passe pas

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008[...]  

Les grilles horaires des bacs pro 3 ans

http://www.ac-reunion.fr/pedagogie/tertiaire/docs/BacPro3ansLP.pdf


Par fjarraud , le mardi 01 avril 2008.

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