Benoît Falaize : Il y a des manières de faire… 

Benoît Falaize, est un spécialiste reconnu de l'enseignement de la Shoah, et plus généralement de l'éducation civique, au primaire. Il travaille au sein de l'équipe Enjeux de mémoire, Europe, citoyenneté, identités, apprentissages et didactique de l'INRP.  Nous l'avons interrogé sur l'instruction donnée par N. Sarkozy d'associer la mémoire d'un enfant victime de la Shoah à chaque écolier.

 

 

Avez-vous été consulté sur ce projet d'associer la mémoire d'un enfant de la Shoah à chaque écolier ?

 

Non, et à ma connaissance, personne n'a réellement été contacté parmi les personnes en charge de ce dossier soit dans des organismes de recherches, soit dans les syndicats primaires, soit ailleurs. A la fois il est normal qu'une décision politique relève du politique. Il n'y a ici rien de choquant. Pour autant, on peut aussi se demander, et certains le font, quelle peut être la place de la recherche dans le ministère de l'éducation nationale si des décisions sont prises sans l'avis de celles et ceux chargés de travailler sur la question de la transmission de la Shoah à l'école.

 

Pensez vous que ce soit psychologiquement bénéfique d'associer un mort à chaque enfant ?

 

Poser comme cela, vous avez la réponse... Le bénéfice recherché, c'est l'incarnation de l'histoire. Sur cela, tout le monde peut être d'accord. Reste qu'il s'agit d'enfants morts pour beaucoup, ou dont l'histoire relève du trauma. Sans être psychologue, l'identification à la victime constitue toujours un risque de déformation du regard porté à l'histoire. Par ailleurs, il y a beaucoup d'autres manières d'incarner l'histoire, ce que font du reste en pratique, beaucoup de maîtres, et souvent avec bonheur. Je pense, après beaucoup d'autres, qu'il s'agit d'un vrai risque pédagogique (en fonction de l'enseignant, de l'élève, des parents, de l'émotion soulevée, du contexte de l'école...) qui ne permet pas, loin s'en faut, de présager du résultat. On a des pratiques très généreuses parfois qui donnent, en réalité, des petites catastrophes.

 

Est ce la meilleure démarche pour enseigner la Shoah ?

 

C'est enjoindre aux maîtres d'aller dans l'émotion, dans la compassion, en lieu et place d'autres approches, soit plus historiques, soit plus distanciées, telle que celles qui invitent à la réflexion par le biais de la littérature. Notre rapport de 2003 évoquait déjà ce point. Il n'y a pas une démarche de référence. Il y a des manières de faire, qui supposent un tact, une finesse, une connaissance du sujet aussi, et du respect, à la fois pour le sujet lui-même et pour les élèves de 10 ans qui sont en face de nous. Cette double attention permet d'éviter les dérives, les accumulations de pathos, les références inaudibles, ou l'émotion trop vite et sommairement sollicitée.

 

Benoît Falaize

INRP

 

Liens :

L'équipe Enjeux de mémoire, Europe, citoyenneté, identités, apprentissages et didactique de l'INRP

http://ecehg.inrp.fr/ECEHG

Sur le Café, B. Falaize à Lalonde 2007

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/lalon[...]

Sur le Café, le dossier Shoah 2006

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2006/Shoah06_index.aspx

Sur le Café, Quand l'Etat se mêle de l'Histoire

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoi[...]

Le CVUH

http://cvuh.free.fr/

 

 

Sur le site du Café
Par fgiroud , le lundi 18 février 2008.

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