Par Lucie Gillet

Quand la culture et l'éducation marchent de concert. 17 mai 2008, c'est la quatrième édition de ces rencontres de l'art amateur où les chaises sont installées dans la rue comme cimaises temporaires à l'exposition de sculptures, peintures, modelages, broderies, photos, pâte à modeler, métal....chacun ici a sa place.

Un partenariat Erban-écoles tout au long de l'année scolaire

Les écoles occupent en ce jour un espace central, ce qui est dans la logique des choses... l'Ecole Régionale des Beaux Arts de Nantes (ERBAN) a pour politique de s'ouvrir de plus en plus aux scolaires et aux milieux éducatifs. Ainsi  depuis novembre 2006 la salle Calder, atelier de 120 m aménagée à l'échelle des enfants permet tout au long d'une journée une immersion autour de la thématique « le livre, l'Art et la Jeunesse ». Des enfants de niveau cycle 2 de tous quartiers de la ville, accompagnés de leurs enseignants y sont encadrés par des artistes-enseignants de l'Erban, assistés d'étudiants de 2ème année, différents projets y sont proposés.

« Ceci n'est pas une exposition de chaises »....

...aurait pu signer Magritte, on renoue aujourd'hui avec la question originelle de la manifestation : offrir par le biais de la chaise un support.

Pierre Raynert, conseiller en arts visuels nous résume l'axe départemental de réflexion en arts visuels pour cette année 2007-2008 : une action de formation auprès des enseignants autour des objets du quotidien, intervenir sur ces objets pour porter sur eux un autre regard, en retirer d'autres perceptions, raconter, évoquer, traduire...une histoire, une situation, une ambiance, garder traces des réalisations. Découvrir également des artistes qui on travaillé à partir d'objets, avec des objets, sur des objets. Après une phase de recherches et d'apprentissages, les classes ont réalisé des productions destinées à être présentées au public le jour des Belles chaises. Des étudiants de l'Erban volontaires ont pu intervenir auprès des enfants en accompagnant les enseignants à la réalisation de ces travaux.

Il ne s'agit pas pour les étudiants d'intervenir dans les classes avec des projets montés clés en main, ceux-ci sont venus, une fois que la réflexion était amorcée dans les classes, des pistes de travail étaient lancées, se posaient aux enfants et à leur enseignants des questions concrètes : comment réaliser tel ou tel objet, avec quel matériau, quelle technique, comment faire pour transporter notre oeuvre pour pouvoir exposer? C'est leur expérience « d'artistes en devenir », leurs savoirs-faire liés à leur pratique que les étudiants ont apporté.

Cette journée est donc bien vécue par les écoles exposant leurs travaux comme l'aboutissement, l'Exposition, de toute une démarche de recherches et d'inventions produite en amont, c'est d'ailleurs tout l'intérêt du projet nous précise Maud, maîtresse d'une classe de CE2.

Vu de CE2

Ses élèves ont ainsi avec elle d'abord chercher à mieux comprendre une oeuvre qu'ils côtoient chaque jour, une tour de céramiques érigée dans leur nouvelle école, sur laquelle l'artiste Béatrice Dacher a posé des noms de chants d'oiseaux. Chaque enfant a conçu sa propre tour. Des constructions de tours en Kapla ont vu les jour,des tours en vaisselle en plastique coloré ont été bâties. Tout au long de ce travail, les enfants ont mis des mots sur ce qu'ils faisaient, sur ce qu'ils ressentaient... Aujourd'hui, ils exposent leurs tours réalisées pour l'occasion avec des échafaudages de chaises empilées les unes sur les autres, leurs mots mis en couleurs, relient en une joyeuse farandole, tels des enfants mains dans la mains, les tours de chaises.

Détourner l'objet? Une enseignante de petite section de maternelle nous prend au pied de la lettre. Ses élèves ont chercher à inventer des applications, des utilisations farfelues à bon nombre d'objets du quotidien : se laver les dents avec une brosse à cheveux ou une cuiller à spaghettis, se débarbouiller avec une éponge, se munir les oreilles de brosses à dents en guise de boucles,

Il a fallu se demander ce qu'il était possible de faire et ce qui était impossible avec les objets, détourner des objets pour les rendre inutiles a aussi été une piste explorée : une chaise garnie de punaises sur son assise, une éponge munie de cure-dents ont ainsi été réalisées...

En parlant d'objets, il en est un bien particulier, le livre....peut-on d'ailleurs à son endroit parler d'objet? N'est-il pas dans une catégorie particulière des objets du quotidien, il n'est pas ordinaire tout de même.....en tant qu'objet lié à la culture, ne revêt-il pas un caractère sacré? Une école a choisi de travailler à déconstruire cette idée : les enfants ont d'abord établi les listes de ce qui est d'ordinaire autorisé avec les livres à la bibliothèque, et ce qui est interdit.

Puis on a annoncé aux enfants que la liste des interdits pouvait être une somme de possibles actions plastiques...enthousiasme garanti. Des livres sont collectés et chaque enfant choisit une action interdite (et une seule), et tente de la reproduire avec un livre, il est important d'aller au bout de l'action et de pouvoir la reproduire souvent jusqu'à la destruction du livre...Enfin chaque enfant signe sa grosse bêtise : des petits mots attachés aux chaises expliquent ce que chacun a fait.

Une autre enseignante a choisi de travailler une notion de grammaire lexicale, le féminin, le masculin....il y a des mots masculins dont aucune forme au féminin n'existe, et inversement, et si on les inventait? Ainsi est par exemple créé le « gommetier », réalisé ensuite en atelier d'art plastiques avec une intervenante des beaux-arts.

Une énorme chaise rouge renversée trône, c'est celle d'un géant, un écrivain qui vit dans ses rêves.

Il a renversé la chaise en se réveillant, sur celle-ci il y a tout ce qu'il a lu, ce qu'il a dessiné, ce qu'il a rêvé, ce qu'il a écrit, et tous ses brouillons, et ses secrets, une chaise pour présenter son journal intime en somme. Là on joue avec l'art, un tableau (d'Art) est détourné/retourné pour en faire un vulgaire plateau, on ouvre des portes, on explore les moindres recoins de la chaise qui nous livre tous ses trésors.

Ici encore, des livres accordéons se déploient, ils recèlent des objets de la classe détournés de leur utilisation habituelle, l'équerre devient voile de bateau ou bec d'oiseau

Quand ce n'est pas l'objet qui est détourné, c'est l'environnement habituel de celui-ci avec lequel on joue pour donner lieu à des mises en scènes improbables, le point de départ de cette aventure? Des playmobils « tombés » dans un aquarium...

En tout c'est une quinzaine d'écoles qui ont participé à cette session de formation.

Sur les pavés...

En ce joli mois de mai...il n'y a d'ailleurs pas que la culture qui s'affiche, d'autres revendications fleurissent sur les trottoirs : des A3 scotchés sur les pavés rappellent : « L'année prochaine nous ne serons plus là! Les arts visuels seront-ils notre priorité lorsque nous devrons enseigner deux heures de moins par semaine? »

Au-milieu de l'après-midi, la contestation des enseignants vient siéger sur le site, des petites chaises d'écoliers de maternelle sont installées sur le parvis de la fontaine, des pancartes sont brandies « La culture coûte cher, mais pas autant que l'inculture »..., voir la galerie de photos ici :

http://picasaweb.google.com/celine.dachary/[...]

Les Belles Chaises, bientôt chez vous?

Hier des fonctionnaires des ministères de l'Education et de la Culture battaient le pavé nantais ensemble « La culture coûte cher? Essayez l'ignorance », « Pour une école qui apprenne à penser et non à répéter sans comprendre » pouvait-on lire sur les pancartes ou banderoles, aujourd'hui, ils siégaient ensemble, place Royale à Nantes......mais comme on a depuis longtemps aboli les privilèges.....il paraîtrait que l'année prochaine on vous concocte une surprise....Il est certain que les Belles chaises se dérouleront une nouvelle fois à Nantes, mais probable aussi qu'elles essaiment...dans le monde entier : grâce à internet Les Belles Chaises 2009 seront aussi virtuelles et qui sait, c'est peut être chez vous que ça aura lieu!...