Maternelle : la prochaine réforme ? 

Par François Jarraud



La maternelle sera-t-elle l'objet d'une profonde réforme ? Plusieurs éléments le donnent à penser. D'une part, en période d'économie budgétaire la maternelle sert toujours de variable d'ajustement. D'autre part ses missions sont critiquées par deux courants : ceux qui souhaitent privilégier l'épanouissement de l'enfant et ceux qui veulent faire de la maternelle le début de l'école.



H.C.E. : "On suggère de s'intéresser à l'école maternelle"

Le rapport annuel du Haut Conseil de l'Education (HCE) a déjà suscité des réactions diverses sur le site du Café. Il a exaspéré une partie des enseignants qui se sont sentis mis en accusation. Il a été accueilli favorablement par d'autres qui y ont vu un levier pour faire changer l'école. Sans doute manquait-il le commentaire du HCE. Bruno Racine, président du HCE, a bien voulu répondre à nos questions. Allant au-delà des réactions et des explications sur le rapport, il invite la communauté éducative à réfléchir sur l'école maternelle, moment-clé du creusement des inégalités.

Lire l'entretien avec Bruno Racine

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/BRacine[...]



Maternelle : Le rapport Bentolila, un retour en arrière ?

Des enfants qui découvrent " les vertus du silence". Des femmes qui sont d'abord des mères (" Il convient d’insister encore sur l’absolue nécessité qu’une femme puisse conjuguer avec sérénité son travail et son rôle de mère. On ne peut pas condamner un enfant de deux ans à ne voir sa mère qu’une heure à peine par jour pendant la semaine ; on ne peut pas condamner une mère à laisser toute la journée son enfant").  Une école où l'on travaille ("L’école maternelle a souvent privilégié ce qui se voit, s’expose, s’affiche, au plus grand plaisir des parents et des élèves. Le « bien vivre » a parfois pris le pas sur le « bien apprendre »). Le rapport d'Alain Bentolila, que le Café s'est procuré et vous propose de lire,  donne d'abord avec générosité les leçons de morale. Au risque de flirter parfois avec le mépris,par exemple quand il décrit ces parents : " On peut espérer, peut-être, que les parents, au lieu de n’avoir comme principal sujet de conversation la dernière exclusion de « La ferme des célébrités » ou de la Star Académy, pourront parler avec leurs enfants et entre eux de la beauté de certains poèmes ou de l’énigme de tel ou tel récit".

 

Mais alors où est l'école maternelle, objet du rapport demandé par Xavier Darcos ? Pour A. Bentolila, l'école maternelle est en perdition. "L'école maternelle vit aujourd’hui sur ses acquis. Suivie par la quasi-totalité des enfants bien que non-obligatoire, surpeuplée, elle fait illusion aux parents… Elle fait illusion à certains enseignants qui pensent créer une pédagogie active et efficace fondée sur l’interaction, la participation, l’action en classe…. A trop vouloir faire de l’école maternelle une école « autre », on risque de contribuer - par endroit - à en faire « autre chose » qu’une école… Les séquences où l’apprentissage s’effectue sous le contrôle attentif et lucide de l’enseignant sont en fait extrêmement réduites".

 

Il faut donc préparer le jeune enfant à ce qu'est la vie d'un écolier et d'abord lui donner le goût du travail scolaire. " Il faut qu’il accepte le fait que le plaisir de lire est au bout d’un apprentissage qui sera parfois aride". Le jeune devra affronter les grands textes. " Tous les textes ne se valent pas et qu’il en est de superbes et de fort médiocres. En la matière, la « modernité » n’est pas toujours une garantie ; certains textes et poésies classiques charmeront les oreilles et les esprits de jeunes enfants plus sûrement que certains albums de littérature jeunesse. En bref, l’école maternelle doit commencer à créer les fondements d’un patrimoine littéraire de qualité". A vrai dire aucune référence ne vient appuyer ces prises de position.

 

Les recommandations vont donc dans le sens de la tradition. Il faut " que la maternelle (soit) une école à part entière et non « entièrement à part » en rendant obligatoire la scolarité dès trois ans révolus.  Présenter clairement les objectifs prioritaires de l’école maternelle et détailler pour chacune des trois années des programmes et les progressions spécifiques. Se désengager progressivement de la scolarisation à deux ans". Le Café vous propose de découvrir le texte de ce rapport (jusque là non publié), ses apports par une mise en parallèle avec les instructions officielles, ainsi que des réactions de chercheurs, de cadre éducatif et d'enseignants à ce mauvais texte.

Le dossier du Café

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Bentolil[...]

Sur le Café, le rapport (en pdf)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/[...]

 

Le rapport Tabarot va-t-il achever la scolarisation à deux ans ?

"A l’heure où les travaux internationaux sur l’éveil et l’éducation des jeunes enfants montrent que le développement des structures qui associent garde et éducation est une nécessité, car il permet de lutter contre l’exclusion et d’enrichir la formation de capital humain dès le plus jeune âge, il me semble nécessaire de maintenir la possibilité pour les enfants âgés de deux ans d’entrer à l’école maternelle, si tel est leur intérêt, en fonction de leur capacités et si des places sont disponibles". Au moment où le gouvernement envisage d'instaurer un droit de garde,  de cette phrase, tirée du rapport  " sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance" remis par la députée UMP Michèle Tabarot au premier ministre, il y a lieu sans doute de retenir d'abord les restrictions finales.

 

Car le rapport est d'abord écrit à charge contre l'école maternelle. Certes " le développement de tout autre mode d’accueil du jeune enfant, compte tenu des normes d’encadrement sera plus coûteux pour les finances publiques que le maintien de l’accueil à l’école maternelle" : l'école maternelle "coûte" 791 millions mais est le plus économique mode de garde avec une dépense de 4 660 euros par an par enfant, à comparer aux 25 488 euros d'une garde à domicile (dont plus de la moitié sont pris en charge par l'Etat et la CNAF). Au total l'école maternelle ne représente que 5% des dépenses de l'Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale pour l'accueil du jeune enfant.

 

Par contre, relève M. Tabarot, "la scolarisation précoce ne convient pas à tous les enfants de moins de 3 ans et ne peut être développée dans les écoles que lorsque les conditions d’accueil, les locaux, l’encadrement, la pédagogie sont adaptés". Or "si l’école propose davantage d’activités pédagogiques (graphisme, les activités logiques, le langage, les explications, les repères spatio-temporels), elle sait moins bien gérer les temps d’attente" et les enfants s'y ennuient.

 

Il est surtout  reproché à l'école maternelle son inadaptation à la vie des parents et des entreprises. "L’école maternelle n’est pas une panacée pour les parents actifs" estime M. Tabarot qui signale que les parents doivent dans ce cas l'accompagner d'autres modes de garde, par exemple le mercredi. "La scolarisation des enfants âgés de deux ans est un mode de garde qui, en ce qui concerne l’organisation, n’a pas les mêmes caractéristiques que les modes de garde habituels: nombre de jours dans la semaine, nombre de semaines (36, soit 140 jours) largement inférieur à la moyenne des modes d'accueil (224 jours en moyenne), taux d'encadrement sans commune mesure avec la crèche au même âge, fermeture à 17h." Enfin, "les taux d'absence des enfants scolarisés à 2 ans varient de 30% le matin à 70% l'après midi, allant jusqu'à 90 % le samedi matin. Seuls 14% des enfants sont présents toute la journée".

 

Le rapport confirme le déclin et le dévoiement de la scolarisation à deux ans, une réalité que le Café avait déjà soulignée.  De 2000 à 2007 le taux de scolarisation à 2 ans est passé de 35% à 20% des enfants (-8% l'année dernière). Et ce sont les ZEP qui sont les moins bien couvertes alors que l'on connaît les effets bénéfiques de la maternelle pour les enfants de milieu défavorisé.

 

C'est finalement une école maternelle sans maîtres que propose M. Tabarot. "Je propose de développer sur l’ensemble du territoire l’offre de garde destinée prioritairement aux enfants âgés de 2 à 3 ans, en créant des jardins d’éveil dans les structures existantes et les écoles maternelles… Le jardin d’éveil aura pour principale mission de préparer leur pré-scolarisation à l’école maternelle. Outre la stimulation des capacités linguistiques, les jardins d’éveil faciliteront la socialisation des enfants et la découverte de nouvelles expériences (mouvement, créativité, environnement, nombres, espaces, formes, etc).. Les professionnels de la petite enfance seront chargés de le faire fonctionner. Le matin, auront lieu les activités d'apprentissage et d’éveil. L’Education nationale sera chargée d’assurer la coordination entre enseignants de maternelle et éducateurs des jardins d’éveil quant aux objectifs et méthodes pédagogiques". Il sera ouvert de 7 heures à 19 heures et lors des congés scolaires. Sa mise en place impose de modifier la loi sur les taux d'encadrement puisque le taux prévu par M. Tabarot est de 12 enfants par adulte, c'est-à-dire sensiblement le même qu'à l'école maternelle (1 pour 15).  Ce sont les communes qui auraient à assumer la responsabilité de ce service qui serait payant,à la différence de l'école maternelle. Elle estime nécessaire la création de 300 000 à 500 000 places (ce dernier chiffre est envisagé en cas de suppression de la scolarisation à deux ans).

 

Le rapport contient d'autres propositions comme le développement de crèches d'entreprise et de maisons d'assistantes maternelles ou la création d'un nouveau congé parental raccourci. Il contient une analyse intéressante des différentes situations européennes. Alors que de nombreux pays européens se sont dotés d'une législation assurant des droits aux salariés parents de jeunes enfants, le rapport écarte toute contrainte vers les entreprises, si ce n'est celle d'un entretien obligatoire du salarié avec le chef d'entreprise. A lui de convaincre le patron !

 

Alors que la tendance universelle est la scolarisation des gardes d'enfants (voir en Europe la Suède et la Norvège), le rapport tranche en sens inverse. Il n'aborde même pas le débat sur la scolarisation à deux ans. On sait que se sont dressés contre elle des associations conservatrices, certains milieux psychiatriques, plus récemment le rapport Bentolila, des ministres (X. Darcos en 2003, F Fillon en 2004). Dans l'autre camp, plusieurs rapports montrent l'intérêt de la scolarisation au moins pour les enfants de milieu défavorisé. Ce sont ces enfants qui font les frais de la réduction de la scolarisation à deux ans.

 

Longtemps réputée et protégée, avec le rapport Tabarot, l'école maternelle entre dans une nouvelle ère. Sans oser attaquer ses principes, au nom de l'intérêt de certains parents, le rapport appelle à sa disparition.

Le rapport

http://www.premier-ministre.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Tabarot.pdf

Dans le Café, le débat sur la maternelle

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Bentolilama[...]

Dans le Café, le débat continue

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/Pag[...]

Dans le Café, de hauts fonctionnaires contre la scolarisation à 2 ans

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/02042007Accueil.aspx

Dans le Café, le débat

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/mat[...]

Dans le Café, Meirieu, maternelle l'école première

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/07/28072008A[...]

 

La maternelle est la clé de la réussite au collège. C'est ce que démontre Bruno Suchaut.

"S’il est admis, au regard des comparaisons internationales, que les résultats des écoliers français sont moins satisfaisants qu’auparavant, rejeter la responsabilité de ce constat sur l’école maternelle est un raisonnement qui n’est pas validé scientifiquement. Ce n’est pas parce que les élèves qui éprouvent des difficultés à l’entrée au CP voient leurs chances de réussite fortement compromises, qu’il faut en rechercher les causes obligatoirement au niveau de la scolarité effectuée en maternelle. Ces interrogations et réflexions demandent à être rapprochées d’observations factuelles et objectives sur l’efficacité de l’école maternelle, sachant par ailleurs que les travaux scientifiques sont peu nombreux dans ce domaine". Alors que l'école maternelle est attaquée (par le HCE,par Alain Bentolila…), Bruno Suchaut fait plus que prendre sa défense : il montre que les apprentissages que l'on y fait sont déterminants.

 

" La fréquentation de l’école maternelle procure un avantage pour la suite de la scolarité, tant sur le plan des acquisitions, qu’en termes de carrière scolaire en réduisant la probabilité de redoubler une classe, et notamment le cours préparatoire. Les effets étant d’autant plus positifs que la scolarisation en maternelle a été longue" rappelle B. Suchaut. Les différences qui apparaissent entre les élèves dès la maternelle ne sont pas forcément dues à l'école. " L’origine sociale joue un rôle significatif".

 

Surtout B.Suchaut identifie des compétences précises acquises en maternelle et qui décident de l'avenir scolaire. " Les compétences dans l’acquisition de la langue écrite, dans la structuration du temps et dans la construction du nombre à la fin de l’école maternelle déterminent les capacités attentionnelles des élèves à l’entrée au cycle III. Par ailleurs, ces capacités attentionnelles sont liées aux compétences en calcul mental qui elles-mêmes vont déterminer les futures acquisitions des élèves en numération et calcul à l’entrée au collège et, de façon indirecte, les compétences en compréhension. Ce dernier domaine étant central pour expliquer la réussite ou l’échec des élèves à l’entrée au collège… On peut déjà proposer des pistes de réflexion concernant l’école primaire. Les analyses montrent que les élèves sont d’autant plus armés à l’entrée au collège s’ils ont développé des compétences élevées dans certains apprentissages à l’école maternelle. Les activités numériques et la structuration du temps sont des domaines particulièrement importants à travailler. Le recours à des activités systématiques et structurées qui génèrent des effets transversaux et durables sur les acquisitions des élèves ne signifie pas pour autant que le programme de l’école maternelle doit être calqué sur celui de l’école élémentaire. Des activités ludiques (jeux mathématiques) ou l’éducation musicale peuvent être considérés comme des vecteurs d’apprentissage particulièrement pertinents".

L'étude

http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/24/03/99/PDF/08003.pdf  

Le dossier Pisa du Café

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/Pisa_Pirls_2006.aspx  


Le colloque sur la maternelle

Quel avenir pour la maternelle ? Le 27 novembre, le Snuipp organisait un colloque sensé faire le point sur les difficultés et l'avenir de l'école maternelle.  Viviane Bouysse, Mireille Brigaudiot, parmi d'autres, analysent l'évolution de la maternelle. Un moment rare que la Café souhaite vous faire partager. 

Lire le reportage de L. Gillet

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/301107mater.aspx  



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 01 septembre 2008.

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