Que faire ? 

Gilles Baillat (IUFM Reims) : "Former les enseignants, c'est travailler sur les compétences qui font le coeur de métier."
bonnafous60% des étudiants ne s’inscrivent que difficilement dans la logique de mastère. L’Université doit reconsidérer son offre actuelle, dans un défi économique : qui pourra former des promotions de futurs enseignants qui formeront le tiers de ses étudiants ?
Il n’existe pour l’instant aucune maquette de mastère déjà opérationnelle. Les compromis à trouver ne seront pas les mêmes sur tout le territoire, ne serait-ce que parce que certaines universités viennent de renouveler leur offre de cursus.
Mais un point est essentiel : les mastères doivent les aider à obtenir les concours. Dans le schéma actuel, le titulaire d’un mastère va raisonner en matière de chance d'être reçu au concours qu'il ambitionne. Il faut donc que les universités se posent la question de la réussite au concours. Enfin, il faut bien mesurer que les étudiants qui seront lauréats devront prendre en charge, sans allègement de service, les élèves qu’ils auront à la rentrée. Donc, je pense que c’est sur ce dernier défi que l’université sera jugée : saura-t-elle former des enseignants capables d’être des enseignants ?
Mais une question est lourde : quel est le cœur de métier des enseignants que nous formons ? Le référentiel des dix compétences met en 3e place la compétence disciplinaire. Nous avons aujourd’hui deux grandes options : est-on un bon prof parce qu’on maîtrise les mathématiques, ou d’abord parce qu’on est un bon professeur, un bon éducateur, doté d’une éthique et de valeurs ?

Richard Etienne (Montpellier 3) :  "Ailleurs, en Europe ?"
Grâce à un travail mené en collaboration de plusieurs interlocuteurs étrangers, R. Etienne a été chargé de présenter (rapidement !) la situation d'autres pays, histoire de voir si on ne pourrait pas s'inspirer de "ce qui marche"... Premier constat, unanime : "Partout en Europe, certains modèles sont obsolètes : les écoles normales et les leçons modèles". Mais on observe des effets de balancier, entre le terrain et l’université. En Angleterre, c’est l’établissement scolaire qui est formateur. Le système et les acteurs l’acceptent, au dépens des théorisations. D’autres pays organisent des « stages », mais du stage à l’alternance, le fossé est abyssal. L’articulation théorie-pratique est souvent difficile et délicate, comme en France. Plusieurs pays ont des crises de recrutement et font appel à des recrutements parallèles.  Il semble donc que des modèles tout faits ne sont pas à aller chercher à l’Etranger.

Patrick RAYOU (Paris 8) : "Le potentiel des IUFM tient davantage aux compétences agglomérées qu'aux bâtiments..."
bonnafousSommes-nous confrontés, avec l'évolution annoncée de la formation, à un scénario de renouveau ou d’éclatement ? Le sociologue choisit d’être optimiste, et propose à la salle de partir du bilan des IUFM. La mastérisation peut être en effet l’occasion d’avancer "sur ce qui ne fonctionne pas". Quand il observe les nouveaux enseignants, il voit qu’ils ont été scolarisés dans le lycée de masse, et qu’ils n’arrivent pas avec le même dessein professionnel que leurs aînés. "Ils ont déjà beaucoup changé leurs pratiques, même s’il est préoccupant que ces inventions se fassent dans la solitude et la souffrance". Moins idéologues et plus collaboratifs, ils sont plus proches de la professionnalisation que la génération précédente, qui acceptait mal de déconnecter leur être personnel de leur professionnalité. "Ils acceptent davantage d’être vus, de partager leurs difficultés professionnelles, bien que les échanges faits en interne des établissements ne permettent pas assez d’établir des controverses professionnelles qui les fassent accéder plus facilement au genre professionnel".
P. Rayou propose donc, lui aussi, de se demander si l’universitarisation va enfin permettre d’identifier le « cœur de métier ». Le compagnonnage ne peut être la voie : s'il avait du sens lorsque l’institution avait suffisamment trié les publics pour que l’exemple d’un ancien soit utile, elle est aujourd’hui contreproductive puisqu'il faut faire des adaptations qui ne sont pas à la marge. "Par contre, l’accompagnement (aider des personnes qui se sont déjà mises en marche) est efficace", ne serait-ce que parce que les nouveaux enseignants ont déjà eu des parcours professionnels et qu’ils développent des manières de faire émergentes.
De ce point de vue là, les IUFM ont-ils encore une légitimité ? Pas en tant qu’institution, mais en tant que lieux où des compétences se sont agglomérées. Les formateurs des IUFM ne doivent pas revendiquer la part professionnelle de la formation, mais aussi un potentiel d’expériences, de recherches, dont le capital doit être préservé, notamment sur la question de l’entrée dans le métier. "La masterisation peut aussi apporter une masse critique qui fasse que la recherche en éducation gagne en qualité et en densité".
Par ppicard3 , le samedi 04 octobre 2008.

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