Vu de la salle 

Masterisation : tempête sur le métier ?Patrick Picard
La « mastérisation » annoncée de la formation des enseignants, l'évolution des concours de recrutement vont-elle bouleverser le métier d’enseignant, ou sont-elle les prémisses d’une réorganisation inéluctable du système d’éducation ? Qui doit former les enseignants, et à quoi ? Autant de questions redoutables auxquelles les Etats  Généraux de la formation avaient décidé de poser à Créteil, le 4 octobre 2008. L’amphi de 500 places était presque rempli, rassemblant des publics fort différents : conseillers pédagogiques, syndicalistes, professeurs d’IUFM, représentants de parents, d’étudiants, maître d’accueil temporaires, responsables de centres départementaux IUFM, chercheurs... Conséquence directe : des préoccupations multiples, des interrogations contradictoires.
Mais plus ou moins confusément, on sent que le débat pose en filigrane une question plus profonde : enseigner, est-ce un métier qui s’apprend ?
Paradoxalement, il n'est pas certain que la réponse soit claire pour « l’opinion publique », y compris chez ceux qu’elle élit. Savoir (ou pas…) enseigner, « tenir » sa classe, n’est-ce pas lié au « charisme individuel », à  « l’autorité naturelle » de chacun ? Ne se forme-t-on pas surtout « sur le terrain » ? L’essentiel n’est-il pas de maîtriser les savoirs à enseigner, et ensuite, à chacun sa voie ?…Or, la question actuellement posée à l’Ecole est aussi redoutable que simple : peut-elle (doit-elle) engager une nouvelle étape de la démocratisation, ou doit-elle entériner les inégalités actuelles ? Si on prend un peu de recul historique, on mesure que les modifications dans la formation des maîtres ont souvent été le corollaire d’une élévation de l’ambition de la Nation pour ses enfants. Aujourd'hui, dans une orientation politique qui renvoie de plus en plus vers les individus la responsabilité de leurs propres difficultés, qui tente de minimiser l’influence du social, la théorie de « l’Egalité des Chances » prend un nouveau sens : au système éducatif d’organiser les conditions de l’enseignement, à chaque élève la responsabilité d’apprendre, selon ses talents et ses mérites.
Pour un tel système, pas besoin d’enseignants formés à décrypter les origines des difficultés d’apprentissage (psychologiques, cognitives ou sociales), pas besoin de stratégies élaborées pour que l’Ecole tente d’amoindrir les blessures du social, fasse le pari de la réussite du plus grand nombre.

Quelles que soient les évolutions, dans les semaines à venir, des propositions de formation, de maquette de mastères, de contenus des épreuves de concours ou de modalité de recrutements des enseignants, il est à craindre que l’opinion publique ne voie que débat technique de spécialistes, voire défense des avantages acquis.Une des propositions finales des Etats Généraux est qu’une intense campagne médiatique puisse porter ce débat dans l’opinion, dans le but de la convaincre que la formation des enseignants doit nécessairement être la conséquence de l’ambition que la Nation décide d’avoir pour son Ecole.
Assurément nécessaire, mais…


Par ppicard3 , le samedi 04 octobre 2008.

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