Faire rester et réussir les élèves dans un LP de banlieue 

 

 

Par Françoise Solliec

 

Depuis 4 ans que Dominique Frenot a pris ses fonctions de proviseure au lycée professionnel Jules Michelet de Fontenay-sous-Bois, elle n’a eu de cesse, avec l’équipe pédagogique, de travailler pour que l’établissement ne soit plus celui qui accueille les élèves qui n’ont pas trouvé de place ailleurs. Pari (presque) réussi, puisque l’établissement figure désormais dans les vœux de nombre d’élèves du département.

 

 

Faire changer le regard des autres

« Nos élèves viennent de partout » explique Dominique Frenot. « Il ya 4 ans, nous ne recevions que ceux qui n’avaient pas trouvé de place ailleurs. On n’a pas complètement réussi à changer cela, et le regard des pairs est toujours un peu déprimant, mais tout le monde s’accorde à reconnaître que beaucoup de travail a été fait. Notre stratégie de communication envers les collèges s’est avérée payante, même si nous recevons encore peu d’élèves des environs ».

 

Dans ce petit lycée de 350 élèves, les formations offertes relèvent à la fois du secteur tertiaire (BEP VAM, Comptabilité et secrétariat, Bac pro service et commerce) et industriel (CAP ouvrages électriques, BEP MSMA, Bac pro MEI). Pour permettre aux élèves de définir à l’intérieur de l’établissement un véritable parcours de réussite, beaucoup de moyens ont été affectés à des mesures de suivi et de soutien. « Quand je suis arrivée ici, l’équipe d’enseignants comprenait un nombre important d’enseignants néotitulaires ; ils étaient aussi catastrophés que moi par la situation du lycée. Nous nous sommes mis au travail ensemble, au début on se réunissait 2 fois par semaine pour faire le point et imaginer des actions. Ces rencontres ont été très fédératrices pour l’élaboration du projet d’établissement. Aujourd’hui, notre dispositif « 3R » (rentrer, rester, réussir) est bien rôdé et les enseignants stabilisés. »

Il a pourtant beaucoup fallu apprendre en terme de gestion pédagogique et d’approche des élèves. « Beaucoup de nos élèves sont issus de familles africaines, qui n’ont pas de barrière dans la relation à l’adulte. Ils communiquent beaucoup et méritent vraiment que l’on s’intéresse à eux, mais il n’y a pas que l’école dans leur vie… »

 

Tous les entrants bénéficient d’une semaine d’accueil spécifique, au cours de laquelle ils sont répartis par groupes distincts des groupes classe. Ils passent une série de tests relatifs aux connaissances du socle commun en français et en mathématiques, suivent des conférences d’ouverture culturelle ou citoyenne, découvrent les salles et les ateliers et les personnels de l’établissement.

En fonction des résultats aux tests, des groupes de soutien sont organisés en français et en mathématiques (environ pour 50 élèves parmi les 150 entrants). Les élèves qui maîtrisent mal le français travaillent avec des intervenants spécialisés en FLS (l’an prochain, ce devrait être dans le cadre d’une collaboration avec l’université). Pour les élèves de BEP VAM, une action inscrite dans le cadre régional « Réussite pour tous » permet aux élèves de lier spectacle théâtral et vie professionnelle. « L’intervenante commence par faire s’exprimer les élèves pour arriver à trouver un équilibre au sein de la classe : les expansifs apprennent à se freiner, les plus réservés à intervenir davantage. Ensuite, elle rentre dans le jeu théâtral proprement dit en mettant en scène des situations professionnelles ». Les élèves terminent en montant un spectacle qui est joué dans différents foyers pour personnes âgées des environs. Cette année, un partenariat a été établi avec un lycée de Perpignan où travaille également l’intervenante et les deux classes concernées ont pu travailler et se produire ensemble.

Le lycée participe par ailleurs à de nombreuses autres actions culturelles : contacts réguliers avec le musée MacVal,  réalisation de travaux pour l’exposition Art Expro à la maison des arts de Créteil, actions Poètes dans la classe, etc.

 

Dans le secteur industriel, c’est une véritable filière de 4 ans qui s’est installée et le problème n’est pas tant celui de la réussite scolaire que celui de la mise aux normes des locaux (un état des lieux « sécurité » est en cours) et de l’évolution des matériels en fonction des référentiels. « La région suit de très près ces problèmes d’équipement » explique le chef de travaux Rachid Bouzagou « et nous recevons annuellement des équipements ou des subventions pour des achats de matériel ». Il a donc fallu donc apprendre à fabriquer un cahier des charges, à passer des marchés, à se préoccuper de faire enlever les matériels obsolètes. « De lourds travaux sont prévus au niveau de la réfection des façades des ateliers, mais là nous ne nous sommes pas sentis capables d’assumer la maîtrise d’œuvre et nous avons demandé aux services de la région de s’en charger ».

Le lycée dispose ainsi de stations pédagogiques modernes permettant aux élèves de découvrir l’ensemble des systèmes en usage (empaquetages alimentaires ou pharmaceutiques, plieuse et assembleuse, ascenseurs, systèmes hydrauliques, etc. « On aimerait un jour être labellisé lycée des métiers » ajoute Dominique Frenot, « et on prend de plus en plus de contacts avec des CFA, des GRETA, des entreprises ».

 

« A cette rentrée, nous avons ouvert un Bac pro 3 ans dans le secteur commerce » déclare Dominique Frenot. « Nous tenons néanmoins beaucoup à conserver en même temps notre BEP VAM, car il y a nombre d’élèves qui ne pourraient entrer dans la filière 3 ans. Cela nous a aussi permis de réorienter 3 élèves en début d’année. L’an prochain, nous ouvrons de plus une filière mixte 3 ans (secrétariat –comptabilité). L’année d’après, ce sera le tour de la filière industrielle. Par ailleurs, nous avons créé une filière 3 ans pour les élèves qui nous arrivent après une 2nde générale. Nous croyons beaucoup à l’individualisation des parcours et tenons à offrir à nos élèves un maximum de possibilités. Nous devons aussi tenir compte des évolutions des secteurs d’embauche ; dans certaines branches, le BEP n’est pas un diplôme qui facilite l’insertion ».  

 

En ce qui concerne la prévention du décrochage, « ce n’est pas encore parfait, mais beaucoup de progrès ont été faits ». Tous les jeudis, une commission spécifique (direction, vie scolaire, assistante sociale, infirmière, professeurs principaux) balaie l’ensemble des « élèves à problèmes » de l’établissement. Il n’y a maintenant guère plus d’une douzaine d’élèves qui ont besoin d’être suivis très régulièrement et l’établissement n’a connu cette année que 4 abandons.

 

Toutes les occasions de communication sont bonnes. Les journées portes ouvertes sont très travaillées en amont, des relations fructueuses ont été établies avec le CIO de Vincennes et les COP des collèges environnants ont été conviés à une présentation des filières et une visite des ateliers. « Je répète à longueur d’année à mes collègues que j’ai besoin d’eux et d’un discours positif sur mon établissement ». Dominique Frenot commence à être entendue et cette année le forum des métiers organisé au lycée a été une réussite. « Nous travaillons aussi beaucoup en direction des familles » ajoute-t-elle. « Nous les convions à une visite de l’établissement dans la période de rentrée et nous leur demandons de venir eux-mêmes retirer le bulletin de notes du 1er trimestre. Nous arrivons ainsi à faire venir spontanément 60% des familles. Les CPE relancent les autres ».

Avec l’espoir de fidéliser quelques élèves du quartier, une 3ème DP6 a été ouverte. « A cet égard, nous n’avons pas réellement obtenu les résultats escomptés. Les garçons veulent aller faire de la mécanique automobile ou de la plomberie et les filles de la puériculture. On dépense beaucoup d’énergie pour faire du lycée un aétablissement attractif, pas toujours récompensée, mais ça vaut quand même le coup » conclut Dominique Frenot.

 

 

 

 

 

 

Par fsolliec , le dimanche 01 juin 2008.

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