L’enseignement professionnel : un choix ? 

 

 

La question de l’orientation règne sur les débats des conseils de classe de troisième, et singulièrement du dernier. Côté élèves, côtés profs et côté parents, la côte d’amour de l’enseignement professionnel, son image s’y lisent en filigrane.

 

A l’issue de la troisième, plusieurs choix « s’offrent » à l’élève : poursuivre en seconde générale ou technologique en jonglant avec les options pour viser un bac particulier ou se diriger vers la voie professionnelle avec là trois choix possible, l’apprentissage, le lycée professionnel classique ou l’enseignement agricole. A quinze ans, on a pas forcément la tête à cela et la complexité des choix dramatise encore plus une décision perçue par beaucoup comme irrémédiable. Combien de jeunes se morfondent en seconde générale parce qu’ils se retrouvent là, par peur de se fermer des portes, par injonction de leurs parents, par conseils appuyés de leurs enseignants. L’enseignement professionnel est perçu dans de nombreux cas comme une voie de garage, loin de la voie d’excellence promue en Allemagne.

Dans ce collège du littoral atlantique, les conseils de classe battent leur plein fin mai et début juin. L’heure est d’importance, une année scolaire passée à la loupe avec en toile de fond les trois années précédentes pour approuver ou non les choix d’orientation. Une dizaine d’enseignants, le représentant du centre d’information et d’orientation, la principale, deux déléguées des élèves, deux représentants des parents sont présents. La classe concernée ce soir là est une classe sans histoire avec des élèves brillants, quelques élèves en difficulté et la majorité qui s’en sort honorablement. Elle a la particularité d’accueillir deux élèves bénéficiant d’un système d’alternance, avec quelques semaines dans l’année en stage en entreprise et une scolarité aménagée. Au terme de cette année, leur choix est clairement fait : le premier veut devenir carrossier, le second souhaite travailler dans le domaine des cultures marines. Sur les vingt quatre autres élèves, six émettent le vœu de se diriger vers la voie professionnelle dont trois vers l’enseignement agricole. La principale regrette un de ces vœux, craignant « un gâchis ». Une élève dont les acquis semblent peu solides se voit conseiller le CAP plutôt que le BEP. Un vœu d’orientation vers la seconde générale est remis en cause par l’équipe pédagogique au vu des résultats.

Ce sont ces trois remarques qui illustrent le mieux la faible côte d’amour de l’enseignement professionnel auprès des parents et des enseignants et l’ambigüité de l’orientation vers cette voie. Elle devrait être choisie en fonction d’un choix de métier, elle est affectée bien souvent en fonction du niveau des élèves. On ne sent ni dénigrement, ni mépris de la part des enseignants mais comme une crainte. Sur ce coin préservé du littoral, les métiers manuels ont pourtant la cote : le travail ne manque pas pour les artisans du bâtiment, les ouvriers du secteur nautique, les métiers de bouche sont vantés, les jardiniers et paysagistes sont fort demandés. Bon nombre de parents exercent ces métiers et le vivent plutôt bien. Mais tout de même, l’enseignement professionnel n’est pas prisé. On le constate dans les réunions d’information organisées sur l’orientation, les formations générales remportent un fort succès tandis que les représentants des lycées professionnels et agricoles reçoivent peu de visites. On a beau montrer le taux probant d’insertion professionnelle de certaines filières, rien à faire. La peur de diriger irrémédiablement leurs enfants vers des fonctions d’exécution peu rémunérées prédomine chez les parents. Idées reçues ou réalités, l’heure de l’orientation est bien trop dramatisée pour que le rationnel l’emporte.

Alors quelle(s) solution(s) préconiser pour revaloriser l’enseignement professionnel en France : mieux vanter les métiers préparés, les évolutions professionnelles possibles, les méthodes pédagogiques, l’approche par les travaux pratiques ? C’est certainement vers les deux derniers éléments qu’il conviendrait de creuser. Apprendre par la pratique pour se réconcilier avec l’école s’afficherait comme un beau programme pour des élèves dont les capacités sont bridées par des contenus et des méthodes trop théoriques ou classiques. Hélas, le Bac Pro en trois ans écorne cette possibilité en ne laissant pas le temps suffisant pour ce type d’élèves de progresser à leur rythme vers un diplôme professionnel ouvrant les portes à la fois du monde du travail et de la poursuite d’études.

La stratégie de Lisbonne, l’éducation tout au long de la vie, dessine des perspectives de passerelles entre les différentes voies de formation. En France, cette perspective semble s’éloigner et avec elle s’éloigne aussi les chances de revaloriser l’enseignement professionnel, au moins dans les esprits, pour qu’en fin de troisième, il soit vraiment un choix.

 

Monique Royer

 

 

Par moniqueroyer , le dimanche 01 juin 2008.

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