Thierry Vasse, Françoise Carraud : paroles croisées 

Par Lucie Gillet

Faire avec...vassevasseIls se sont succédés à la tribune ce jeudi matin, mais tous deux ont mis au coeur de leur exposé, nos pratiques professionnelles. Tous deux ont cherché à nous aider, nous donner des pistes de réflexion, pour mieux appréhender deux écueils de notre métier : faire avec les différences culturelles, faire avec les partenaires... Ce « faire avec » pour mieux faire, pour être plus performant dans notre quotidien, plus efficient, au plus près des enfants que nous recevons.
Thierry Vasse rappele combien souvent les professionnels de la petite enfance se méconnaissent voire s'ignorent. Il s'agit pour lui qu'ils apprennent à travailler ensemble afin de garantir une première rentrée à l'école (déterminante pour l'avenir scolaire du jeune enfant) réussie.
Françoise Carraud met quant à elle au coeur de son exposé, les gestes éducatifs quotidiens et alerte la salle sur la nécessité de prendre en compte leurs différences en vue de dialoguer avec les familles.
Au centre de ces deux exposés : mieux connaître les familles, mieux travailler avec elles, en s'appuyant sur des connaissances culturelles, sur les dispositifs institutionnels existants, en dialoguant les uns avec les autres.

La co-éducationAvant la scolarisation, les familles doivent accepter de devoir partager l'éducation de leurs enfants, c'est un élément fondateur. Françoise Carraud nous montre comment familles et professionnels peuvent avoir des images réciproques négatives ; pour Thierry Vasse, c'est bien l'un des premiers gestes professionnels qui s'imposent à nous que de prendre cet élément en compte : l'entrée à l'école maternelle a une importance qui va structurer le rapport à l'école des jeunes enfants et de leurs familles.
Il nous faut donc, par professionnalisme, dépasser les représentations qu'on a de l'enfant, mettre nos propres valeurs de côté, en obligation que nous sommes de réussir la première rentrée. Encore faut-il prendre en compte, comme le fait Thierry Vasse, que les enseignants de toute petite section ne sont pas toujours tout à fait assez formés et outillés pour créer un « pôle secure » autour de chaque enfant.Il montre également comment les différents partenaires de la petite enfance ont besoin d'apprendre à se connaître : les PE ne connaissent pas bien la tranche 2-4 ans, ils ont souvent des représentations erronées sur le vécu des jeunes enfants dans les autres structures. Au-delà des débats récurrents autour des enfants prêts (ou non) à entrer à l'école maternelle, T. Vasse estime nécessaire de partager les approches, de croiser les regards pour apprendre avec d'autres, d'horizons professionnels différents.

Une attitude de professionnelsPour Françoise Carraud, c'est avec les familles qu'il faut également composer quand on est professionnel de la petite enfance. Il lui semble important d'adopter une attitude de professionnels où l'arbitraire n'a pas sa place : on est en mesure de poser le cadre, parce qu'on sait argumenter en quoi c'est celui qui s'impose à l'école. Cependant, en connaissant au plus près les familles, on peut moduler ce cadre si nécessaire. L'oratrice met ses auditeurs en garde contre leurs valeurs personnelles, qui sont aussi le produit de leur histoire.
graphPour que ce dialogue puisse être mis en place facilement, Thierry Vasse donne des pistes (empruntées aux pratiques des professionnels de crèches) pour préparer la rentrée et l'individualiser : prévoir une période d'adaptation progressive pour une familiarisation en douceur, quelques séances avec présence de plus en plus restreinte des parents, transmettre et expliquer aux familles les évènements qui ont eu lieu dans la structure. Il rejoint là Françoise Carraud et sa préoccupation des gestes éducatifs quotidiens, multiples et disparates, qui paraissent logiques et rationnels aux familles, même s'ils paraissent étranges aux professionnels. Un travail spécifique est donc nécessaire pour que les parents ne se sentent pas dévalués par l'Institution : leur expliquer en quoi les règles de l'école doivent trancher avec les pratiques des familles...

On perçoit comment pour accompagner le jeune enfant vers l'autonomie et la socialisation, il faut en préalable l'avoir accueilli dans son individualité propre, de même qu'il faut avoir accueilli chaque famille avec ses pratiques propres. Reconnaître n'est pas appliquer : l'école  met en place son propre cadre en fonction de ses besoins propres (accueillir un collectif et non une somme d'individus), mais si elle autorise chaque famille à faire différemment en son sein. On peut alors espérer que les choix de l'Ecole paraîtront moins arbitraires aux yuex des parents.
Thierry Vasse conclut par une liste d'attitudes à privilégier : règles assorties de souplesse, respect des rythmes de chacun, actes pensés en équipes, cohérence des adultes, grande prise en compte de l'enfant acteur, verbalisation.

Comment se faire aider ?Thierry Vasse illustre son propos avec une expérience nantaise, un stage partenarial formation continue de trois semaines associant enseignants de Petite section maternelle, ATSEM, et professionnels Petite Enfance d'un même secteur, mis en place en 2004. Pour enseignants et ATSEMS, un tronc de formation commune sur une semaine afin que les deux corps de professions reçoivent les mêmes données et infos sur le jeune enfant. Les enseignants ne pouvaient d'ailleurs s'inscrire à ce stage qu'à la condition que les ATSEMS de leurs classes acceptent également d'y participer.
Les deux semaines restantes ne concernaient que les enseignants et étaient consacrées à des problématiques centrées sur les apprentissages. Pour lui, il est indispensable de réfléchir en ce sens et de penser des formations où différents professionnels apprennent ensemble, dans l'intérêt du jeune enfant évidemment.

Il insiste sur le fait qu'on ne peut plaquer une méthode à reprendre clé en main, selon lui cela ne peut se décréter de façon verticale : ce sont les professionnels qui, lorsqu'ils en ressentent la nécessité, avec le soutien de leur hiérarchie qui devrait mettre à leur disposition les moyens d'y parvenir, en fonction de leur contexte, vont apprendre à travailler ensemble. Encore une histoire de rencontres autour des gestes éducatifs quotidiens, ceux qui concernent l'hygiène, le sommeil, l'alimentation, l'accueil du jeune enfant.
graphLe public retiendra la satisfaction d'entendre une parole institutionnelle aussi investie à son service : Thierry Vasse est un IEN...
Les débats continuent hors les murs de l'amphi durant la pause : on confronte son propre vécu du cadre institutionnel ; on évoque les conflits où la parole de l'école lors des conflits entre les pratiques familiales et les pratiques scolaires ; on s'interrgoe sur les situations extrêmes où on ressent ne pas pouvoir sortir l'impasse...

« Ce qui nous oblige et nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare » conclut Thierry Vasse à propos des professionnels de la petite enfance et des enseignants. Chacun rêve que ce soit vrai également entre les familles et les éducateurs....
Sur le site du Café
Par ppicard3 , le dimanche 15 juin 2008.

Partenaires

Nos annonces