Nathalie Mons : Un système éducatif qui doit encore s’améliorer mais qui n’est pas en queue de peloton 

N. MonsOn nous dit que les résultats de la France dans la nouvelle enquête de PISA plongent. Que se passe-t-il ?

 

Je n’irai pas le sens du discours catastrophiste qui a cours actuellement. Les résultats de PISA 2006 sur la culture scientifique sont dans la continuité de ceux de PISA 2000 sur la compréhension de l’écrit et de PISA 2003 sur la culture mathématique. Ils révèlent un système éducatif qui doit encore s’améliorer mais qui n’est pas en queue de peloton. La France présente une situation tout à fait moyenne en culture scientifique, des élites qui ne sont pas pléthoriques, des inégalités elles aussi moyennes et un nombre d’élèves en difficulté qui n’est pas négligeable. Nous pouvions déjà tirer ces enseignements des enquêtes PISA précédentes. Que la situation soit quasi identique aujourd’hui à celle d’hier ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas être en alerte, en particulier sur la proportion d’élèves en situation d’échec scolaire. Depuis les premiers résultats PISA, c’est une faiblesse pointée du système éducatif français, et aucune réforme réellement ambitieuse n’a essayé de remédier à ce problème jusqu’à maintenant. Peut-être les résultats PISA vont-ils faire bouger les politiques sur ce sujet.

 

 

Que faut-il faire pour améliorer les résultats ?

 

L’analyse des pays qui sont en tête de classement est intéressante. Elle nous montre en effet qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre l’excellence scolaire – c’est-à-dire l’élitisme – et les politiques d’endiguement de l’échec scolaire. Au contraire, c’est un des enseignements majeurs des études précédentes et la nouvelle étude de PISA 2006 le confirme : les pays qui réussissent le mieux comme la Finlande ou la Corée sont également ceux qui ont le plus faible nombre d’élèves en grande difficulté scolaire. Pour améliorer nos performances, il ne faut donc pas aller vers un système éducatif élitiste qui viserait à développer une élite conséquente au détriment des élèves les plus faibles, avec par exemple un retour des filières dans notre collège unique.

 

 

Quelles politiques permettent d’aller dans ce sens ?

 

Mes recherches montrent qu’il faut rénover notre façon de gérer l’hétérogénéité des élèves tant dans le primaire que dans notre collège unique. Pour l’instant, pour gérer les différences entre élèves, nous utilisons des outils archaïques : quand les élèves n’ont pas le niveau requis nous les contraignons à redoubler, alors que toutes les recherches montrent et mes travaux le confirment que le redoublement est néfaste à la fois en termes d’efficacité et d’égalité scolaire, puisqu’à niveau scolaire identique ce sont les enfants issus des milieux les moins favorisés qui redoublent le plus. Pour autant, on voit en France que certains enseignants sont attachés au redoublement, et je le comprends tout à fait. On ne peut pas régler ce problème du redoublement sans offrir aux acteurs de terrain d’autres solutions de gestion des disparités entre élèves. Autre outil archaïque dans notre système : les classes de niveau que l’on retrouve à partir du collège dans certains établissements. Mes recherches montrent que cet outil est associé à des résultats médiocres tant en termes d’efficacité que d’égalité. Mais là encore, si le système éducatif n’offre pas d’autres ressources d’aide aux élèves, c’est le seul moyen dont disposent les enseignants pour régler les problèmes de gestion de classe sur le terrain. Pour pouvoir dépasser ces modes de gestion archaïques, il nous faut introduire de nouvelles modalités d’enseignement individualisé et ce dès le primaire. Attention, enseignement individualisé ne signifie pas remédiation, ce doit être une autre façon de gérer le parcours de chaque élève quel que soit son niveau scolaire, tous les élèves doivent pouvoir suivre une partie de leur cursus sous une forme personnalisée, c’est-à-dire le plus souvent en petits groupes. D’après mes recherches, la remédiation pratiquée de façon isolée n’est pas associée à de bons résultats pour de multiples raisons, en particulier parce qu’elle stigmatise les élèves en difficulté et alourdit leurs heures d’enseignement. C’est donc tout le système qu’il faut repenser.

 

 

Nathalie Mons

 

Entretien F. Jarraud

 

Le dernier ouvrage de N. Mons :

Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elles les bons choix ?, Paris, PUF, 2007, 202 pages.

 


 

 

Sur le Café : entretien avec N.Mons

 

Sur le site du Café
Par fgiroud , le mardi 04 décembre 2007.

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