Il faut signaler les enfants analphabètes car ils ne le sont pas pour rien 

Entretien avec Mme Bouscaillou, association ADSEA



Parce que les jeunes ont une vie au dehors du collège, et que celle-ci déborde facilement dans l'établissement, plusieurs associations sont des interlocuteurs réguliers de l'équipe éducative. C'est le cas, par exemple de l'association ADSEA.

FJ- L'ADSEA s'intéresse à quels élèves ?

Mme B.- Nous intervenons dans un cadre judiciaire, sur mandat d'un juge. Les jeunes dont on s'occupe sont concernés par une démarche judiciaire. Il peut s'agir d'une enquête sociale pour des familles qui traversent une crise grave, d'un investigation éducative ou d'une action éducative. Par exemple nous conseillons un magistrat qui cherche à apporter une solution à un problème familial qui touche un enfant. Ou nous intervenons après une décision de justice par exemple pour assurer la scolarisation de l'enfant.

FJ- Il vous faut donc avoir un lien avec le collège ?

Mme B.- Nous suivons les jeunes que nous avons en charge et nous sommes en contact régulier avec le CPE, l'assistante sociale du collège quand il y en a une. Hélas c'est assez rare. Dès qu'il se passe quelque chose, le CPE nous appelle. Nous nous mettons en contact avec la famille qui est un interlocuteur prioritaire pour nous. Dans certains cas il faut restaurer l'autorité familiale. Mais plus souvent, les familles sont soucieuses de leurs enfants, même quand elles rencontrent de grosses difficultés. Une bonne partie de ces familles sont au chômage ou au RMI par exemple.

Ceci dit, la collaboration avec le collège devrait être plus étroite et particulièrement dans les cas d'exclusion. Un enfant exclu c'est quelqu'un qui traîne dans la cité. On image mal, au-delà des bravades, à quel point l'exclusion est ressentie péniblement par ces jeunes, même si les cours les intéressent peu. Les enseignants seraient bien surpris s'ils voyaient comment ils se préparent, dès la mi-août, à la rentrée. Alors être exclu...

FJ- A votre avis, le collège devrait changer ?

Mme B.- A coup sur, un enfant qui a des difficultés à l'extérieur a du mal à être cadré au collège. Parfois ça l'empêche d'intégrer des savoirs, tellement il est préoccupé. Ainsi les problèmes de violence peuvent n'être que des symptômes, à lire comme tels. Nous suivons des enfants qui ne peuvent pas s'adapter à l'école. Par exemple, quand un enfant arrive au collège sans savoir bien lire, il ne peut pas suivre une scolarité comme les autres. Celle-ci est obligatoire, mais en fait le collège ne peut pas accueillir ces jeunes. Il faudrait d'autres structures mais elles sont rares.

FJ- Alors quelle solution ?

Mme B.- Il faudrait remonter en amont. Déjà au niveau de l'école primaire. Elle devrait signaler plus souvent les élèves en difficulté à l'Aide sociale à l'enfance. Ces jeunes là finissent par l'être mais trop tard. Ce que l'école doit comprendre, c'est qu'il faut signaler les enfants analphabètes car ils ne le sont pas pour rien. Au-delà, il faut reconnaître que le métier d'enseignant change et que c'est forcément difficile.

FJ- Quels changements vous semblent nécessaires ?

Mme B.- Il y a déjà l'accueil des parents. C'est souvent difficile pour les familles de revenir à l'école. Or l'accueil est souvent désagréable. Quand on écoute les jeunes, on se rend compte également du poids des difficultés relationnelles avec les enseignants. On voit des jeunes choisir les cours, refuser d'aller dans le cours d'un prof sous prétexte "qu'il ne l'aime pas". Tous ces comportements montrent que les relations avec les enseignants varient. C'est au cas par cas...

FJ- Mais alors ils sont irresponsables ces jeunes ?

Mme B.- Non. La sanction reste nécessaire. Au fond ça rassure plutôt les jeunes, quoiqu'ils disent. Mais, si on veut agir efficacement, il faut impérativement comprendre pourquoi tel jeune est devenu délinquant.

 

 

Sur le site du Café
Par fjarraud , le samedi 01 février 2003.

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