De l'égalité des chances au droit à l'éducation pour tous 

 

" L’Égalité des Chances, il y a la Française des Jeux pour ça. Le Droit à l’Education, c’est un des droits de l’Homme fondamentaux que l’Etat doit garantir, et pour lequel nous devons nous battre pour les prochaines échéances électorales, et bien au-delà…" Si l'on doit retenir une phrase du colloque organisé par le Crap le 3 février c'est bien cette formule de Philippe Meirieu.

 

Le Café rend compte dans un reportage de cet événement où se sont aussi exprimés Françoise Lorcerie, Jean-Yves Rocheix et Samuel Joshua.

 

Mais je voudrais revenir ici sur la contribution de Philippe Meirieu parce qu'elle rejoint des constatations faites ici par L'Expresso.

 

Pour Philippe Meirieu, " les classes moyennes sont peut-être prêtes à " fermer la porte derrière elle : puisque nos enfants y arrivent, grosso-modo, laissons dehors les 20% qui nous coûtent déjà cher pour la Sécu et le chômage… C'est du droit de ces 20% d'élèves que nous devons parler, convaincre". Il lit les réformes mises en place (apprentissage à 14 ans, remise ne question de la scolarité jusqu'à 16 ans, remise en question de la carte scolaire et orientation selon "le mérite" etc.) comme le renoncement du gouvernement et d'une partie de la population à l'idéal de la scolarisation universelle traduit par exemple par le 80% de bacheliers.

 

Simple hypothèse ? Malheureusement ce renoncement s'inscrit en noir sur blanc dans les documents gouvernementaux, par exemple les prévisions du Centre d'analyse stratégique , un service du premier ministre, pour l'horizon 2015. Ce document évalue les résultats du système éducatif en 2015.

 

Or il prévoit en 2015 120 000 sorties sans qualification du système éducatif soit sensiblement le même taux qu'aujourd'hui. Les taux de bacheliers ou de diplômés du supérieur sont eux aussi reproduits à l'identique à l'horizon 2015. Autrement dit, en contradiction avec les discours ronflants qui ont enrobé la loi Fillon, ce que le gouvernement prépare c'est le statu quo éducatif et le maintien de l'échec scolaire. Ce manque d'ambition mérite explication.

 

C'est que derrière l'abandon de tout progrès éducatif se profile  l'image d'une société immobile préservant ses inégalités. Ainsi dans l'analyse de l'emploi préparée par le même CAS,prévoit davantage de cadres mais surtout davantage d'employés de maison (+27%), d'aides à domicile (+28%) , de manutentionnaires (+22%). Et logiquement cet été le CAS a demandé l'arrêt de l'inflation scolaire : " Miser sur le capital humain ne se réduit évidemment pas à fabriquer des diplômes sans se soucier de leur usage. L’enchaînement vertueux qui fonde la Stratégie de Lisbonne partie de la formation pour aller vers l’innovation et la productivité, ne peut dépendre uniquement d’une politique d’offre de formation. Elle tient plus largement à la capacité à définir une juste adéquation entre les besoins des entreprises et les capacités des salariés présents sur le marché du travail".

 

Cette société immobile renvoie évidement à des choix économiques. Alors que l'Europe veut construire "l'économie de la connaissance", le gouvernement travaille sur l'hypothèse d'une économie de transformation proche de l'économie actuelle.

 

C'est cette cohérence entre prévision économique, sociale et choix scolaires qui apparaît clairement maintenant. Et cette analyse éclaire la politique scolaire du gouvernement.

 

On pourra lui opposer la stratégie américaine de la "Commission sur les compétences de la main d'œuvre américaine" qui est en train de mobiliser l'opinion américaine. La perspective est inversée. Pour rester la première économie mondiale et maintenir l'emploi, il faut développer une économie de l'innovation, nous disent les experts de la commission. Pour cela, il faut élever le nombre de diplômés du supérieur de façon à en avoir le premier stock mondial. Et pour cela il faut aller chercher les jeunes des milieux défavorisés et les pousser jusqu'au supérieur. Pour les experts américains cela passe d'abord par un investissement massif dans le pré-élémentaire (un secteur où la France désinvestit).

 

Jamais les visions d'avenir n'ont été aussi divergente entre la France te les autres pays développés. On mesure les conséquences de ces choix. Philippe Meirieu intervenait sur le champ des principes en mettant avant tout le respect du droit à l'éducation. Cet éclairage veut montrer qu'une fois encore, le respect des droits de l'Homme pourrait coïncider avec l'intérêt général. Et s'opposer à une vision plus particulière et passéiste du monde.

 

Sur le site du Café
Par fjarraud , le dimanche 11 février 2007.

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