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Seconde carrière n°162 

Par Audrey Rapicault et Rémi Boyer de l'association Aide aux Profs



Sébastien BRUNET, de l'histoire-géographie à l'e-learning et l'ingénierie en documentation.

À quel moment avez vous eu envie de devenir enseignant ? Quelles étaient vos motivations ?


J'ai eu envie de devenir enseignant en licence. Ce choix est teinté, en effet, ma mère est enseignante en primaire, alors que mon père travaille dans le privé.  En 1995, je suis en licence d'histoire et je m'aperçois que la voix va être l'enseignement. A l'époque deux voies étaient possibles après des études d'histoire, la recherche ou l'enseignement. Je m'oriente donc pour passer les concours de l'enseignement : agrégation, CAPES et PLP. En 1996, je suis en maîtrise, je tente les trois concours, le tout en continuant de travailler. A cette époque, afin de subvenir à mes besoins, je suis surveillant d'internat et maître auxiliaire dans le privé.


Cette histoire dure quatre ans, je travaille en tant que Maitre Auxiliaire (en lycée et en BTS, en lettres essentiellement et un peu en histoire) et je passe les concours. Mon emploi de MA me conforte dans l'idée que l'enseignement me plaît et que j'y trouve du plaisir.  Il est difficile de faire les deux, et  je décide de ne me consacrer qu'au PLP que je rate en 1999.


A cette époque, je suis donc MA dans un lycée privée catholique sous contrat, et le lycée me propose un emploi jeune TICE, il s'agissait en fait pour moi de devenir une personne ressource en informatique. Je fais donc cela pendant 1 an, ce contrat étant de droit privé, il me permet de bénéficier d'un Congé Individuel de Formation d'un an. Donc en 2000 je prends mon CIF et je prépare un master des médias pour l'éducation. Durant cette période que continue à préparer les concours et en 2000, j'obtiens mon master et le concours PLP lettres et histoire.


A quel moment avez vous eu envie de quitter l'enseignement ?


En 2001 je fais donc ma rentrée dans l'enseignement, directement en intégration à temps complet dans l'académie de Poitiers.  Dans le même temps, en faisant le bilan de mes expériences et compétences, il me semble dommage de retourner dans l'enseignement traditionnel. Je creuse cette histoire et je cherche sur internet d'autres solutions.  En cherchant, je trouve le système du détachement, cela m'intéresse mais il est extrêmement difficile d'obtenir des informations. Mais je vois passer une offre du CNED du Futuroscope : comme responsable opérationnel de formation TICE  dans l'école d'ingénierie de formation à distance. Ce poste est paru sur le BOEN en 2002 et sans grand espoir d'être retenu,  je postule et j'obtiens mon détachement au CNED en tant que responsable opérationnel des dispositifs de formation. J'ai saisi une opportunité.


Depuis combien de temps êtes-vous reconverti ?


Depuis 2002 je suis en détachement, 3 fois 3 ans au CNED. Mon premier poste consistait à proposer des formations aux  personnels du CNED mais également aux personnels extérieurs.

-      A l'extérieur,  il s'agissait de développer des dispositifs de  formations à l'étranger, conseiller des organismes dans la mise en place de  dispositifs de formation à distance, former des cadres et ce plutôt dans les pays francophones mais également en langue anglaise.

-      En interne, il s'agissait de former le personnel du CNED en ingénierie de formation ou pédagogique.


A partir de 2011, le CNED s'est penché sur la problématique de l'innovation, en se dotant d'une direction de l'innovation spécifique. A ce moment là je rejoins cette direction de l'innovation où je suis chargé de mettre en place un  LIVING LAB, un laboratoire vivant des usages en matière d'éducation. L'objectif étant de labelliser le CNED afin qu'il soit reconnu comme un lieu d'innovation. La mise en place de ce LIVING LAB se fait et le label européen ENOLL est obtenu mais le déploiement tarde à se concrétiser. En effet il nécessite un investissement humain en matière d'acculturation et d'accompagnement des personnels que le CNED n'est alors plus prêt à fournir

A ce moment,  un nouveau directeur général arrive au CNDP, il souhaite constituer une nouvelle équipe afin de donner un nouveau souffle au CNDP. Un poste de directeur de l'ingénierie de la documentation, de la formation et du patrimoine est vacant, je postule et je l'obtiens. Il est question de documentation, d'ingénierie documentaire, d'ingénierie de la formation, de la médiation scientifique et du patrimoine. L'objectif est notamment de faire évoluer tous les lieux de proximité vers des learning training center, Avec une dimension innovation proche de ce que l'on trouve dans les living labs.


Et l'avenir ?


Actuellement j'ai 30 personnes sous ma responsabilité, je gère la stratégie de projets nationaux, des budgets de plusieurs millions d'euros, ce poste à une grande dimension managériale. Après cette séquence de 3/5 ans  il sera temps pour moi de me poser la question d'une remise en question professionnelle. Mais en attendant il y a tant de choses passionnantes à construire et mettre en œuvre au sein du réseau Canopé.


Quels conseils donneriez-vous à un enseignant souhaitent se reconvertir ?


Je pense qu'il est indispensable de raisonner sur le long terme, sur plusieurs années. Il faut diversifier ses expériences professionnelles et s'investir.  Il faut construire soi même son parcours professionnel en le nourrissant des opportunités de projets que l'on peut avoir. Il faut savoir se mettre en danger et ne pas toujours être dans une zone de confort professionnel.



Marian Barrantes, enseignante, est devenue Marian Li, comédienne

Replacez-vous au moment de votre choix de devenir enseignante :


En fait ce n'est pas un vrai choix, ca m'est tombé dessus. Je faisais des études de Lettres, je me destinais à la recherche. J'étais en DEA de littérature comparée et j'ai décidé de passer le CAPES juste pour voir et, à ma grande surprise, je l'ai obtenu ! J'ai donc obtenu un poste et au bout de 2 ans j'ai eu envie de partir à l'étranger. Je suis partie au Costa Rica. J'y suis restée 10 ans, j'enseignais au Lycée Français de San José.

 

A quel moment de votre carrière avez-vous eu envie de partir ?

Après 2 ou 3 ans d'enseignement. Je m'étais dit que j'allais enseigner quelques années et ensuite essayer de changer de voie. Cependant, enseigner dans les lycées français à l'étranger c'était très agréable, même si j'avais toujours envie de faire autre chose ; je suis donc restée 10 ans dans ce poste ! Pendant ces années d'enseignement j'ai continué à développer des compétences que j'avais déjà avant d'enseigner, mes véritables passions: la danse, le cinéma, le théâtre et les cours de chant, j'ai toujours eu beaucoup d'activités artistiques car impossible pour moi d'imaginer la vie sans la scène.

Une fois la routine bien installée, je n'avais pas envie de rentrer en France pour être enseignante. Puis, des évènements personnels douloureux ont fait office d'éléments déclencheurs, je n'avais plus d'attaches, plus de passion, j'ai donc vendu tout ce que j'avais, je me suis mise en disponibilité et je suis rentrée à Paris.


Quels ont été les obstacles pour vous reconvertir ? Quels ont été les besoins ?


Ma situation personnelle était difficile à vivre. J'ai donc contacté une thérapeute que je connaissais et elle m'a aidée à faire des choix. Je ne savais pas quoi faire, être actrice était une utopie que je n'osais même pas imaginer, même si mon agent artistique à Paris me conseillait de m'y installer pour pouvoir passer des auditions. Ma thérapeute  m'a donc demandé, en dehors de toute considération matérielle, ce que j'aimerais faire et je lui ai dit « actrice professionnelle à Paris». Elle m'a  demandé ce qui m'empêchait de le faire et je lui ai répondu « l'argent ». Elle m'a  conseillé de rentrer chez moi et de faire mes comptes. Ce que j'ai fait, et je me suis aperçu qu'en vendant tout, et avec l'argent de côté que j'avais, je pouvais vivre pendant 6 mois à Paris sans emploi. Je suis donc arrivée avec deux valises seulement à Paris.


Afin de ne pas arriver dans le vide, je me suis inscrite à une école d'acteurs. Je suis donc redevenue étudiante, j'ai dû trouver des jobs alimentaires : assistante commerciale, traductrice de sites web, agent de billetterie du Musée du Grand Palais, là même ou je me rendais en tant que « savante », je vendais des billets aux groupes scolaires !

Un jour, j'ai appris que chez Luc Besson, à la Cité du Cinéma, ils recherchaient une hôtesse d'accueil sachant parler plusieurs langues, et comme j'en parle quatre, j'ai candidaté et obtenu le poste. Un travail à temps partiel, payée le SMIC, le soir jusqu'à 21 heures pendant 1 an- 1 an et demi. J'ai fini mon école de  théâtre, j'ai tourné dans pas mal de pubs TV, séries TV et court-métrages. Parallèlement, je continuais à passer des castings et à développer mes projets personnels (une pièce de théâtre et un groupe de rock, car je suis également chanteuse). Puis, toujours chez Besson, on m'a proposé un poste d'Assistante de Production, que j'ai accepté un peu contre ma volonté, mais il fallait  bien manger et payer les factures ! Je suis restée 6 mois, et au bout de 6 mois j'éprouvais la même chose qu'en étant prof, j'étais enfermée dans un bureau, les conditions de travail étaient difficiles, et j'avais moins le temps pour mes projets artistiques. Heureusement, un théâtre a fini par s'intéresser à mon projet de monologue et m'a proposé plusieurs dates. Du coup, je n'ai pas renouvelé mon CDD chez Besson et aujourd'hui je suis au chômage (et très heureuse de l'être !). En effet, j'ai joué deux fois par semaine mon Seule en Scène « Baby Boom au Paradis » , un monologue comique sur le thème de la grossesse, qui s'est arrêté le 31 mars 2015 au Théâtre du Ricochet dans le 15e arrondissement de Paris.


Depuis combien de temps êtes vous reconvertie ?


Ça fait 3 ans que je suis en disponibilité.


Y a-t-il des inconvénients à votre nouvelle carrière ?

Financièrement c'est certes difficile mais je suis la personne la plus heureuse au monde. Je ne mène plus du tout le même train de vie qu'avant, mais ma vie actuelle est mille fois plus riche. J'ai vécu des expériences incroyables : travailler pour Luc Besson, rencontrer Robert De Niro, Kevin Costner, être coach d'espagnol de Scarlett Johansson, entre autres ! Des choses que je n'aurais jamais vécues si j'étais restée certifiée de Lettres. J'ai aussi connu le monde de l'entreprise et je me rends compte que le secteur privé me convient bien mieux que le public. Ça m'a donné envie de créer ma propre structure de production de spectacles.


Comédienne est un métier dur et comme 99% des comédiens je galère pour me faire connaître. Surtout en tant que femme car il y a deux fois moins de rôles pour des femmes que pour des hommes. Je tente d'élargir mon réseau dans le domaine depuis 3 ans, il n'y a que ca qui marche, envoyer des CV ne sert à rien. Je suis bien placée pour le savoir puisque j'ai travaillé des deux côtés de la barrière.


Quelle est votre nouvelle activité ? Est-elle définitive ?


J'ai été récemment pendant 2 mois en représentation au théâtre du Ricochet avec mon spectacle : « Baby Boom au Paradis ». Mon metteur en scène, je l'ai rencontré à la Cité du Cinéma, c'est un ami de Luc Besson.

Par ailleurs, cette année de chômage je veux absolument la consacrer à développer mes projets personnels de théâtre, cinéma et musique, à créer ma propre structure de production. Mon objectif ultime à long terme étant d'aider les artistes femmes à développer leurs projets dans un marché qui est curieusement encore de nos jours très hermétique à la parité.


En parallèle, je travaille également avec mon groupe de rock, dont je suis la leader et la chanteuse et nous aimerions faire des versions rock de tubes d'un autre genre que le rock, dans les petits bars. Et puis je suis en attente d'une formation financée par Pôle Emploi sur l'accompagnement des artistes.


J'ai fait un vrai choix de vie, un choix intime, je suis née pour être actrice. Lorsque j'étais prof, j'étais malheureuse et frustrée, j'ai voulu faire comme tout le monde : avoir un travail « normal » et avoir un salaire tous les mois, mais le naturel m'a rattrapée. On ne peut pas nier qui on est fondamentalement, et moi, je suis résolument artiste. Aujourd'hui je ne roule pas dans l'or, je ne connais plus la stabilité matérielle, mais je suis dix fois plus heureuse et plus en accord avec moi-même qu'avant.



Le 2e colloque d'Aide aux Profs a rencontré le succès escompté

Placé sous le signe de la création d'entreprise, comme possible emploi d'avenir après prof, ce colloque a rassemblé près de 180 personnes, enseignants envisageant un cumul d'activité, une disponibilité ou une démission pour créer leur activité. Les questions ont été nombreuses de la part d'un public attentif, et les retours de satisfaction également.


Ce fut aussi pour Rémi Boyer, organisateur du colloque et pilote du dispositif, l'occasion d'expliquer le nouveau mode de fonctionnement de l'association, avec son réseau privatif sécurisé sur le portail Whaller :

https://whaller.com/-aideauxprofs


La possibilité pour l'association d'accueillir des stagiaires, enseignants ayant besoin de réaliser un stage pratique d'une durée de 300 heures dans le cadre de leur Master Professionnel ‘Psychologie du Travail, Psychologie Clinique, Coaching, ou Ingénierie Conseil en Formation), a été aussi évoquée. Audrey Rapicault, qui a démissionné à la rentrée 2014, en a bénéficié en 2014-2015 en contribuant activement à l'accueil des demandeurs d'un accompagnement à la mobilité :

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/20[...]


Interview de Rémi Boyer par François Jarraud, qui animait la table ronde de la matinée :

L'avenir des secondes carrières enseignantes est-ce l'entrepreneuriat ? C'est ce que pense Rémi Boyer, fondateur et président de l'association Aide aux profs. Depuis près de 10 ans, l'association milite pour une seconde carrière des enseignants, celle que l'on commence quand on veut changer de métier. Pour l'association, l'avenir des secondes carrières ne se joue plus dans un détachement ou une mise à disposition. Le 6 mai, Rémi Boyer invite les enseignants à rompre avec le monde de l'éducation et à opter pour le grand large.

Des entrepreneurs le matin, des enseignants reconvertis l'après midi. Le 2d colloque d'Aide aux profs s'est voulu pratique. La matinée les enseignants ont écouté des entrepreneurs leur faire la leçon. Comment on se fait une clientèle. Comment on choisit des alliés. Comment on se présente. Comment on va voir son banquier... Des profils variés d'entrepreneurs allant de l'auto entrepreneur au patron de grande entreprise se sont succédés. L'après midi les enseignants ont rencontré d'anciens professeurs qui ont ouvert leur entreprise ou des professeurs qui sont aussi auto entrepreneurs.


Rémi Boyer, pourquoi ce second colloque d'Aide aux profs ?

Je suis contacté par un nombre croissant de jeunes professeurs qui veulent démissionner ou d'enseignants plus âgés qui veulent partir en bénéficiant de l'indemnité de départ volontaire. On veut prévenir ces départs non préparés car ceux là tirent souvent le diable par la queue car leur projet n'est pas viable tout de suite. Il ne suffit pas de créer une entreprise pour  en vivre. Si l'on veut quitter l'éducation nationale il faut se préparer. 75% des enseignants qui créent leur entreprise ne gagnent que 500 euros la première année.


L'objectif du colloque c'est d'apprendre à entreprendre ?

Les enseignants ont rencontré des entrepreneurs qui leur ont expliqué comment on conquiert une clientèle, le détail de ces interventions est relaté ici :

http://www.aideauxprofs.org


Dans cette optique quel est le rôle de l'association Aide aux profs ?

L'association va proposer deux offres clés en main. Avec une association de coaching on va leur proposer de devenir coach. Ils seront accompagnés dans cette activité. On les aidera à monter leurs statut . Mais on leur apportera aussi une clientèle. Leur activité consistera à aider nos adhérents à construire leur projet de sortie de l'enseignement et aussi à faire face aux difficultés du métier d'enseignant :

http://www.apresprof.org/vous-former/devenir-coach/

La seconde activité sera conseil en évolution professionnelle. Le compte personnel de formation donne la possibilité aux salariés de demander ces conseils. On va former les enseignants pour qu'ils exercent ce métier en indépendant :

http://www.apresprof.org/vous-former/devenir-c-e-p/


C'est une journée de solutions concrètes pour ceux qui veulent quitter l'enseignement ?

Depuis 2012 le nombre de détachements ne cesse de diminuer car les enseignants n'ont pas la possibilité comme les autres fonctionnaires de partir en cours d'année scolaire. Ils doivent donc souvent renoncer aux postes proposés. On a donc une baisse de 30% de ces emplois. A ce rythme dans 10 ans il n'y aura plus de détachements comme il n'y a déjà plus de mises à disposition (MAD). Ces deux catégories d'emplois ont longtemps été la vraie seconde carrière des professeurs. Aujourd'hui il nous faut anticiper vers la mobilité externe. C'était le but de ce colloque.



Sur le site du Café


Par fjarraud , le lundi 25 mai 2015.

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