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Socle commun : Ce que les enseignants en pensent 

Que peut-on bien faire de ce texte, semblent se demander les enseignants à l'issue d'une consultations qui a mobilisé tous les enseignants du primaire et du secondaire durant une demi journée et qui a amené 136 708 d'entre eux à déposer leur avis sur le site ouvert par le ministère. La direction de l'enseignement scolaire publie une synthèse de cette consultation qui pointe les obscurités, les surprises qu'occasionne ce texte et les divisions sous jacentes qu'il révèle.


En principe le socle commun c'est l'objectif que le système éducatif se fixe pour tous les élèves. C'est la boussole d'un système éducatif qui en a sacrément besoin tant il s'émiette et se fractionne laissant sur le bord de la route une partie non négligeable des jeunes. Il apparait de la consultation que le projet de socle commun déposé par le Conseil supérieur des programmes ne fait pas l'unanimité dès qu'on en aborde les points concrets. Il révèle les fractures beaucoup plus qu'il ne les dépasse.


Et si on parlait objectifs concrets ?


Il y a pourtant de beaux succès dans ce texte. Par exemple 84% des enseignants se retrouvent pour saluer la compétence la plus innovante su socle, celle qui veut "apprendre à apprendre". 78% approuvent le côté transdisciplinaire du texte. Mais c'est aussitôt pour ajouter que 70% des enseignants du secondaire trouvent que les discipline sont trop absentes...


La division éclate dès qu'on observe les objectifs concrets que le système souhaite se donner. Ainsi "acquérir la capacité à coopérer", une capacité que l'Ecole devrait mettre au top de ses priorités, intéresse fortement les professeurs d'EPS, de technologie ou d'art (70 à 80%), mais seulement 24% des professeurs de maths et 35% de physique. Développer la confiance en soi, implique les professeurs d'arts et d'Eps (75 à 83%) mais seulement 30% des professeurs de sciences. Pour "développer l'initiative" le contraste est encore plus fort (75% des professeurs d'Eps, 26% de ceux de sciences). Il y a bien des métiers enseignants différents et leurs boussoles professionnelles n'affichent pas le même nord. Voilà une grande difficulté pour un socle commun.


Le numérique ne rassemble pas plus. Si 82% des professeurs de technologie et 61% des professeurs de maths se sentent concernés par la maîtrise des techniques des outils numériques ce n'est que 30% de ceux de lettres, 35% de ceux de langues. Moins d'un enseignant sur deux juge que l'algorithmique ou le codage doivent faire partie du socle commun.


Un bel exemple : l'évaluation


Les procédures d'évaluation ne sont pas un à-côté d'un socle commun. Elles sont bien au centre de la démarche puisque l'objectif du socle, c'est que tous l'obtiennent pour de vrai. Il y a bien une unanimité chez les enseignants en ce domaine c'est le refus du livret personnel de compétences (LPC). Personne n'en veut ce qui n'a rien de surprenant. Ce monstre bureaucratique a été rejeté d'emblée par les enseignants qui s'en sont affranchis de différentes manières. Tout le monde est d'accord aussi sur l'idée que l'évaluation doit être bienveillante. Mais dès qu'on cherche à définir ses procédés il n'ya plus d'accord, relève la synthèse de la consultation. 47% des enseignants jugent le niveau final attendu trop élevé, l'autre moitié pas assez élevé. 61% critiquent la note chiffrée mais 51% trouvent que la note chiffrée est un moyen simple de situer un élève. 48% sont contre les moyennes, 47% pour. Il n'y a pas plus d'accord sur la validation finale et l'existence d'un examen final. 50% sont pour l'examen final.


Un texte pas assez lisible


Les enseignants semblent avoir été séduits mais désarçonnés par un texte intéressants mais pas assez lisible pour 84% d'entre eux et pas assez explicite pour 71%. Ils ne comprennent pas plus le remplacement de compétences par des domaines. Ils sont bien d'accord pour le travail en équipe mais, de façon très réaliste, jugent que si on ne l'organise pas concrètement (inscription à l'emploi du temps) on n'a que des "incantations".


La conclusion de la Dgesco


Au final, la direction de l'enseignement scolaire du ministère (Dgesco) souhaite "améliorer la lisibilité du texte" et "revoir l’architecture des domaines de formation". Elle revient aux disciplines en voulant "situer clairement l’apport des disciplines dans chacun des cinq domaines de formation" et "clarifier les modalités de mise en oeuvre des principes énoncés pour l’évaluation". Que restera-t-il de la philosophie du texte après le passage dans le broyeur disciplinaire ? A quoi sert une consultation pour un projet dont les finalités politiques et sociales n'ont jamais été mises en avant et débattues ?


François Jarraud


Les résultats de la consultation

http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/socle-commun-de-co[...]

Consultation : Refaire l'École en une matinée ?

http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2014/10/16102014Ar[...]



Évaluation du socle : Les propositions mesurées du CSP

Comment faire évoluer les conceptions sur l’évaluation sans tout changer ? Comment choisir l’évaluation par compétences tout en supprimant un Livret personnel de compétences abhorré ? Comment supprimer le brevet tout en maintenant un examen final ? Les « premières propositions » du Conseil supérieur des programmes (CSP) cherchent un équilibre qu’il appartiendra à la ministre de valider ou non.


Publiées le 1er décembre, les « premières propositions du CSP pour l’évaluation et la validation du socle commun » avancent à pas feutrés vers la réforme de l’évaluation voulue par la loi d’orientation et la volonté ministérielle sans rompre avec l’existant. Le Conseil fixe des « idées directrices » avant d’entrer dans les propositions concrètes et une grille de la « maîtrise attendue » qui laissera le lecteur sur sa faim.


La fin de la moyenne des moyennes


Des « idées directrices », dont l’objectif est « d’engager une discussion indispensable », on retiendra surtout le refus des moyennes de moyennes. Sur ce point le CSP rompt avec une tradition française qui s’est instituée aussi pour permettre des évaluations encyclopédiques. « Si le recours à une note chiffrée peut être en certains cas pertinent », note le CSP, « la pratique des moyennes de moyennes qui a pour conséquence un système de compensation généralisée, ne fournit aucune indication sur les apprentissages de l’élève et devrait donc être abandonnée ». A l a place le CSP invite à « un travail collectif au sein des équipes éducatives au service d’une conception renouvelée de la notation » à l’échelle d’un établissement ou d’une académie.


S’agissant de la validation du socle commun, le CSP propose qu’elle vaille attribution du brevet. Il propose de mettre fin à la dualité absurde du système actuel où compétences et examen final coexistent chacun dans son coin. Si le socle n’est pas validé en fin de 3ème, « des solutions de poursuite » doivent être proposées à l’élève par exemple en 2de.


Supprimer le LPC ou pas ?


En apparence c’est la fin du Livret personnel de compétences (LPC). Mais la validation du socle se fait par la validation de 8 blocs de compétences pour lesquels le CSP propose des niveaux de maitrise. Ainsi la maitrise de la langue française suppose la capacité à présenter des informations, interagir à l’oral de façon argumentée, utiliser l’écrit pour stabiliser des connaissances, rédiger des textes structurés ». Utiliser des langages scientifiques aboutit à « Maîtriser le calcul et contrôler la vraisemblance des résultats. Utiliser et produire des représentations (graphiques, tableaux, schémas …) adaptées à la situation : organiser, analyser, exploiter des données. Schématiser des relations de cause à effet. Réaliser des programmations simples à l'aide d'un logiciel ». La formulation de ces niveaux de maitrise reste bien générale. Pour ces 8 blocs de compétences, le CSP refuse toute compensation entre les blocs.


Une évaluation nationale ou pas ?


En apparence c’est la fin du LPC. Car la CSP suggère des bilans de fin de cycle avec des « situations d’évaluation sommative » et des exercices « choisis dans une banque nationale » permettant « un suivi des progressions de l’élève ». En clair le CSP propose des batteries de tests nationaux permettant une évaluation nationale informatisée axée sur 4 niveaux de maitrise. On a donc bien un document d’évaluation des compétences, même s’il ne s’appelle pas LPC. « Cette information n’a pas à faire l’objet d’une exploitation administrative qui pourrait conduire à une comparaison des résultats entre établissements », souligne le CSP. Le risque est bien perçu…


Un brevet final ou pas ?


En fin de cycle 4 le brevet a disparu. Mais pas les épreuves finales. Le CSP propose deux « projets personnels conduits l’un en classe de quatrième, l’autre en classe de troisième, impliquant une production (sur tout support), inscrits dans des champs disciplinaires différents et présentés oralement devant un jury ». S’y ajoute « une épreuve terminale d’examen anonymée, définie nationalement, à sujet national ou académique » évaluant plusieurs compétences. Et enfin « des situations d’évaluation certificative mises en oeuvre au cours du cycle 4, conçues collectivement par les enseignants de chaque établissement à partir d’une banque nationale ou académique d’exemples ». Si le brevet a disparu, l’épreuve finale portant sur des compétences phares avec sujet académique reste. Le CSP y ajoute deux exposés qui rappellent les Itinéraires de découverte.


Au final les propositions du CSP trouvent un équilibre entre des exigences opposées. Entre les partisans d’un contrôle continu des compétences et ceux de l’examen final, le CSP choisit… les deux. Entre l’évaluation sommative et l’approche par compétences, il marie là aussi les deux. Entre l’évaluation locale et le pilotage national d’indicateurs, il tente aussi d’atteindre les deux. Comme les degrés de maitrise attendus éclairent peu l’évaluation finale, les propositions du CSP laissent un large choix à la définition ministérielle de la validation du socle. Car c’est bien la ministre qui aura à décider le maintien ou non de cet équilibre fragile. Pour les enseignants le principal changement serait le refus de la compensation entre compétences. Avec elle il n’y aurait pas de socle commun. Sans elle, comment valider le socle ? Le CSP ne le dit pas…


François Jarraud


Le document

http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/83/9/evaluation_socl[...]



Sur le site du Café

Par fjarraud , le mardi 16 décembre 2014.

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