Le mensuel Imprimer  |  Télécharger nous suivre sur Twitter nous suivre sur Facebook

Le CNDP et le CLEMI sous pression de la Cour des Comptes 

"À défaut d’en repenser les missions et l’organisation, la question de la suppression du réseau formé par le Centre national de documentation pédagogique et les centres régionaux de documentation pédagogique pourrait de nouveau être d’actualité à brève échéance". L'avertissement lancé par la Cour des comptes le 11 février est clair. Le Cndp doit évoluer ou disparaitre. Au vue des réactions du ministre et du directeur général du CNDP, l'évolution semble bien engagée. L'avenir du Clémi semble plus incertain.


"Je suis très critique car le CNDP consomme une subvention considérable or il n'y  a pas de réel pilotage", nous a confié Patrick Lefas, président de la 3ème Chambre de la Cour des Comptes et auteur du rapport sur le CNDP. "Il faut tout reconstruire". C'est que le jugement porté sur le réseau Scéren, très récemment rebaptisé Canopé, est d'une grande sévérité. Le CNDP a un budget de 136 millions d'euros dont 92 de subventions. Il emploie 1 886 emplois en équivalent temps plein dont 1 757 rémunérés par ses soins. Son réseau comporte 32 établissements publics et environ 180 lieux d’accueil.


Une offre obsolète, un réseau surdimensionné


La Cour des Comptes observe "l'inadéquation aux besoins du service public de l'éducation". La production de ressources pédagogiques a lieu "dans des conditions qui ne répondent plus aux besoins du service public de l'éducation ni aux attentes des enseignants tant en ce qui concerne la production éditoriale que ses modes de diffusion au sein du système éducatif". Selon l'enquête de la Cour, les ventes ont baissé de 30% depuis 2009 et seuls 11% des professeurs des écoles et 8% des enseignants du secondaire connaissent les publications du réseau. " L’offre éditoriale s’est adaptée avec lenteur aux supports numériques de diffusion. Fin 2012, seulement 6 % des productions du réseau sont de nature numérique". Elle est pilotée par en haut, par les instructions ministérielles. Comme le dit le directeur général dans sa réponse officielle à la Cour, " l'orientation historique de la production du Cndp et de son réseau par le ministère a induit jusqu'ici une conception éditoriale basée sur l'écrit... La politique ministérielle appliquée au CNDP et à son réseau relève d'une politique d'information descendante, fondée sur l'offre, que le réseau Scéren n'est pas en mesure de remettre en cause étant sous l'autorité hiérarchique du ministère. Historiquement l'analyse du besoin des enseignants est effectuée par les corps d'inspection du ministère".


La Cour juge aussi le réseau "surdimensionné" avec 122 points de vente et seulement 6 qui assurent au moins 100 000 euros de chiffre d'affaire. Autrement dit, en dehors de la librairie de la rue du Four, tous les points de vente sont déficitaires. Ils représentent 14% des effectifs du réseau Scéren.  A cela s'ajoutent 133 médiathèques  et 233 points relais (17% des effectifs) dont la fréquentation semble très faible.


Un pilotage entravé


Mais c'est surtout l'absence de pilotage que dénonce la Cour. Le statut actuel du Scéren c'est un établissement public autonome qui dialogue avec 31 autres établissements autonomes dotés chacun d'un conseil d'administration et d'un comité éditorial, 85 CDDP, 70 centres locaux ayant eux aussi des comités éditoriaux. Le tout correspondant à la tension entre les deux logiques du réseau : obéir aux ordres du ministère et répondre aux demandes des rectorats. "La personnalité morale accordée aux CRDP freine tout effort de mutualisation et oblige à recourir à des procédures contractuelles entre le CNDP et les autres établissements du réseau. La seule mutualisation de la fonction comptable permettrait une économie de 3,3 M par an et de 50 ETP" souligne la Cour. A ces organes s'ajoute le Clemi qui lui aussi a une grande autonomie alors que l'éducation aux médias est intégrée par la loi d'orientation dans les programmes. "Rien ne justifie le maintien d'une telel organsiation" affirme la Cour.


La Cour des comptes appelle à une reconstruction du réseau Scéren et de son indépendance. Il faut "unifier le réseau au sein d'un seul établissement public" et "définir une offre éditoriale selon les besoins des enseignants" et non les lubies de l'Inspection. Il faut aussi "réduire le nombre des implantations".


La réponse de V Peillon


Pour le ministre, le rapport "ne prend pas en compte la transformation en cours" qui a été impulsée par le plan Scéren 2017 lancé en 2013 et par la nouvelle appellation "Réseau Canopé" depuis février 2014. Le ministère fait confiance au réseau pour accompagner la politique numérique du ministère. Il salue la mise en place de M@gistère ; le service de formation à distance des enseignants du primaire. "Le ministère ouvrira la question de l'évolutions statutaire. Un changement de modèle économique est nécessaire. Une simplifications des structures doit s'engager". Mais, V Peillon estime que "le maillage territorial est incontournable".


Canopé, planche de salut du CNDP


"Le constat a été fait", nous explique Jean-Marc Merriaux, directeur général du CNDP, interrogé par le Café début février. "Notre offre éditoriale n'est pas adaptée aux attentes des enseignants et aux besoins ministériels. Il faut effectuer notre mutation tout en accompagnant le personnel et en le respectant".  Canopé veut passer de l'édition papier, dominante au CNDP, à "des ressources multiformats adaptées à chacun des canaux de diffusion disponibles (print, web, mobile, TV)". De 52 collections différentes, toute l'offre sera restructurée autour de 3 univers éditoriaux : "éclairer", "des contenus mieux adaptés aux enseignants", nous confie JM Merriaux, "maitriser" "des dossiers complets", et "agir" : "des ouvrages pratiques et des séquences didactiques".


L'offre numérique sera revue. On passera de 350 sites web, dont 106 pour le seul CNDP, environ à un seul. Cela donnera au réseau une meilleure maitrise de ses contenus et aussi davantage de lisibilité sur l'offre. La restructuration devrait être terminée en avril 2014. Elle implique une requalification du personnel et un plan de formation a été lancé par le CNDP (118 formations pour 2014).


Le réseau de médiathèques et librairies également. JM Merriaux veut "mieux gérer l'offre de proximité" et faire évoluer les espaces vers des espaces de créations et d'accompagnement pédagogiques. Les nouveaux ateliers Canopé offriront un lieu de prêt de ressources, un lieu événementiel,  un lieu de formation et un lieu d'expérimentations recherche. Pour JM Merriaux il devrait en exister un à terme dans chaque département. Cet alignement vers la formation et l'animation pédagogiques implique une refonte du réseau en lien avec les Espé et les collectivités locales.


La réforme la plus lourde concerne le réseau. La direction du Cndp envisage une autre organisation. Les CRDP autonomes pourraient passer sous l'aile du réseau central. Visiblement le ministère et la direction générale y sont favorables. L'avenir du Clémi est plus sensible. " Le CLEMI doit clarifier son action et son articulation avec le CNDP. Pour cela il est proposé de réaffirmer sa place au sein du CNDP et lui faire rejoindre la dynamique de réseau installée par le projet Scérén 2017", écrit la Cndp dans la réponse à la Cour des Comptes. On lui demande d'entrer au bercail en échange d'un poste au Conseil du Cndp. Le réseau devrait renforcer son partenariat avec les collectivités locales particulièrement sur le numérique. Enfin la question des rapports avec les Espe se pose également. Les nouveaux centres de Canopé devraient participer à la formation continue et les sites de Canopé pourraient être englobés dans les Espé.


Un soutien syndical limité


"La restructuration du réseau, c'est une bonne chose", nous a dit Claudie Paillette, représentant le Sgen. "Ca sera plus cohérent et ca évitera des doublons". Même accueil au Se Unsa où Hervé Ferrière  estime que la perte d'autonomie des CRDP serait "la moins pire des solutions "dans la situation actuelle. "Le modèle de 1992 est totalement dépassé", confie-t-il. Par contre les syndicats sont plus réservés sur le réorganisation éditoriale. "Le plan de formation de la direction est ambitieux", nous dit H Ferrière. "Il faut l'accompagner et être vigilant. Mais on va jouer le jeu". Au Sgen, Claudie Paillette est plus alarmiste. "Que vont devenir les personnels des métiers du papier ? On a des inquiétudes sur la gestion des ressources humaines qui n'est pas assez transparente". Pour elle, "l'ouverture des nouveaux centres es "incohérente" alors que des centres anciens sont menacés. C'est le cas pour le CDDP 92, pour 2 antennes dans le Nord  et 4 dans le sud. Pour Hervé Ferrière, "l'équité geographique" est aussi un souci premier. La réorganisation du CNDP se fait sous surveillance. Mais les syndicats sont déjà dans l'inquiétude de la publication du rapport de la Cour des comptes.


François Jarraud


PS : Cet événement a été tweeté en direct


Le rapport sur le CNDP

http://www.ccomptes.fr/content/download/64938/1553539/version/1/f[...]

Le réseau canopé

http://reseau-canope.fr/presentation-nouvelles-offres/



Internats d'excellence : Happy End pour la Cour des Compte

"Les résultats ne sont pas si mauvais que cela". Patrick Lefas, auteur du rapport de la Cour des comptes sur les internats d'excellence relève bien des défauts dans leur déploiement. Mais , alors que le gouvernement lance un nouvel appel aux investissements d'avenir pour un nouveau plan de développement des internats, il jette un regard finalement pas si négatif que cela sur un projet où l'éducation nationale n'a pas particulièrement brillée.


"Dès l'origine ni les publics visés ni les résultats scolaires attendus n'ont été définis de façon lisible et homogène. Il n'y a pas eu d'arbitrage entre une politique destinée à modifier l'offre scolaire et un outil au service des politiques de la ville, de la jeunesse et de la lutte contre les exclusions", affirme la Cour des Comptes dans son rapport remis le 11 février 2014. Lancés en 2010, les internats d'excellence se sont fixés comme objectif la création de 20 000 places d'internat proposés au départ aux jeunes élèves méritants des quartiers qui seraient "exfiltrés" des zep vers des lieux où ils auraient d meilleures conditions d'apprentissage. Cette politique a couté 600 millions d'euros   dont 400 au titre des investissements d'avenir et 200 fournis par les collectivités locales.


Confusion sarkoziste


Mais très vite le projet sarkoziste a viré à la confusion. IL y a eu une grande hétérogénéité des publics accueillis selon les endroits. Finalement les jeunes des quartiers populaires se sont retrouvé minoritaires. On a assisté aussi à une grande diversité des formes d'établissements. A coté de lieux isolés regroupant les élèves internes, comme Sourdun, on a vu apparaitre des places labellisées dans des internats ordinaires. La carte d'implantation n'a pas collé aux besoins mais aux aléas des opportunités. Le coût de chaque place a varié de 1 à 100 : 1582 à Ambérieu mais 152 000 à Douai.


Où est passée la Depp ?


Tout cela aurait du amener l'education nationale a suivre de près les implantations et à évaluer leur efficacité. Or la cour relève "l'étonnante carence de l'éducation nationale". Il n'y a eu  aucune évaluation de sa part. "Où était la Depp", nous a confié P Lefas. Sourdun a été évalué par l'école économique de Paris pour une somme très lourde (700 000 euros). L'évaluation estime que "il est possible d'accroitre significativement les compétences et l'ambition scolaires d'élèves d'origine modeste" dans des structures comme Sourdun. Mais à quel prix !


Mais plus globalement, "la vigueur de la programmation immobilière par l'Etat n'a pas été accompagnée d'un effort équivalent de cadrage des moyens de fonctionnement des établissements notamment pédagogiques", souligne le rapport. "La fragilité des modes de financement de l'accompagnement pédagogique pose le problème de la crédibilité même de la politique conduite".


Des éléments positifs


La Cour des comptes relève des "acquis positifs à préserver" comme "l'appréciation positive des élèves, la modernisation des internats, l'enrichissement des pratiques pédagogiques". Alors que 8000 places restent à ouvrir la poursuite de la revitalisation de l'offre d'internats publics a été confirmée par la loi de finances pour 2014 (150 millions pour 6 000 places). Les collectivités territoriales y ajouteront 550 millions pour des constructions permettant un accompagnement éducatif des élèves.


La Cour demande surtout de transformer les statuts de Sourdun et Montpellier et d'impliquer davantage l'éducation nationale. "La réorientation de la politique ministérielle a été faite", nous a dit Patrick Lefas. "On avait des internats vieillissants dans des endroits où les besoins étaient rares sans encadrement pédagogique. Les internats de la réussite  apportent des réponses à ces difficultés".


François Jarraud


PS : Cet événement a été tweeté en direct


Le rapport

http://www.ccomptes.fr/content/download/64920/1553326/version/1/f[...]



Pour la Cour des Comptes, le déficit public risque de déraper

"Les évolutions peuvent déranger des habitudes, remettre en cause des rentes de situation ou priver d'aides publiques certains qui ne devaient pas en bénéficier". La Cour des Comptes, qui a rendu le 11 février son rapport annuel n'en reste pas moins convaincue d'oeuvrer dans l'intérêt général et celui de la croissance. Mais la Cour dresse un tableau inquiétant de la situation budgétaire et de l'endettement.


"Quelques années de déficit pour un pays peu endetté ne posent pas difficulté. En revanche, près de quarante années de déficits publics ne sont pas sans conséquence : ils ont entraîné toujours plus avant la France dans une zone dangereuse, en raison du poids croissant de sa dette dans le PIB. Ce poids a doublé en vingt ans, passant de 46 % du PIB en 1993 à 93,4 % aujourd’hui", explique Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes. Elle atteindra 2000 milliards fin 2014 soit 30 000 euros par Français. La charge des intérêts annuels représente déjà 52 milliards soit la totalité de la dépense de l'Etat pour l'enseignement scolaire (premier et second degré). Une hausse de 1% des taux représenterait en plus le budget du ministère de la Justice...


Pour la Cour, stabiliser la dette puis réduire son poids c'est retrouver du financement et de la croissance. Cet objectif, inscrit dans la loi, doit être poursuivi. Or, selon D Migaud, "en 2013, malgré un effort considérable, concentré essentiellement sur des recettes nouvelles, la réduction du déficit public sera limitée. Il existe un risque réel que le déficit public excède la dernière prévision du Gouvernement, de 4,1 % du PIB" car les recettes pourraient être plus faibles que prévues. " Au total, compte tenu des nombreuses incertitudes et des risques significatifs que la Cour a relevés, l’atteinte de l’objectif de déficit public en 2014, de 3,6 %, n’est pas assurée à ce stade", note-il. "L'effort demandé ne vise donc pas réduire la dépense publique mais à en limiter la progression à hauteur de 2% par an", note D Migaud. "Il est prévu que la dépense publique s'accroisse de 70 milliards sur les trois années 2015 à 2017 au lieu de 120 milliards". C'est 17 milliards par an économisés sur un budget de 1150 milliards.


Pour D Migaud, pour atteindre les  objectifs fixés par la loi, "il faut changer de méthode pour obtenir les économies programmées. Plutôt que de ponctionner tous les services, il apparaît nécessaire d’engager les réformes de fond, permettant la modernisation des administrations publiques, pour qu’elles puissent atteindre avec une plus grande efficacité et au moindre coût les objectifs fixés par les pouvoirs publics". 


La Cour veut "que l'effort soit mieux partagé particulièrement par ceux qui ont peu contribué jusqu'ici". Cela vise particulièrement les communes pour qui un précédent rapport a mis en évidence des marges. Et tout le secteur de la protection sociale qui " devrait davantage contribuer aux économies, compte tenu de son poids dans les dépenses des administrations publiques et, surtout, de l’existence d’une dette sociale croissante qui est une profonde anomalie".


La Cour a épluché les comptes de nombreux organismes publics. Parmi eux la SNCF est particulièrement ciblée pour sa politique de rabais au bénéfice des membres des familles des cheminots. Plus d'un million de personnes bénéficieraient d ela gratuité des trajets en train ou de réduction de 90% dont 85% de non cheminots. Le coût total serait de l'ordre de 100 millions.


Ainsi, pour la Cour il faut aller plus loin vers la modernisation des administrations et "s'intéresser bien davantage aux résultats des politiques publiques". Un souci qui pourrait bien recroiser un jour la route de l'Education nationale.


François Jarraud


Le rapport de la Cour des Comptes

http://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Le-rapport-public-annuel-2014



Sur le site du Café


Par fjarraud , le mercredi 19 février 2014.

Partenaires

Nos annonces