Syndicats : Deux stratégies face à Chatel 

Par François Jarraud 



Hasard du calendrier ? Peut-être pas. Mercredi 13 janvier, les principaux syndicats d'enseignants, Snes Fsu et Snep Fsu d'un coté, Sgen Cfdt et Unsa Education de l'autre,  tenaient des conférences de presse pour présenter leurs actions du mois de janvier et particulièrement la journée du 21 janvier 2010. Ensemble ? Non, séparément. Géographiquement d'abord. Mais surtout intellectuellement. Une fracture sépare deux univers parallèles : l'un chargé d'inquiétudes, l'autre d'objectifs d'avenir.



Le Snes et le Snep : Un mois d'enfer pour Luc Chatel ?

Pour Frédérique Rolet, Daniel Robin, Roland Hubert, secrétaires généraux du Snes et Martine Le Ferrand, pour le Snep, les réformes gouvernementales doivent être rejetées en bloc. Ils organisent le 14 janvier une "journée d'actions" nationale qui sera ponctuée d'heures d'information syndicale dans les établissements, de distributions de tracts, et même, à Lille, d'un appel à participer à une manifestation lycéenne. Pendant tout le mois, les syndicats entendent faire monter la pression avec deux points d'orgue : le 21 janvier la participation à la grève de la Fonction publique et samedi 30 janvier la manifestation nationale des enseignants. Dans ces rendez-vous, le Snes et le Snep pourront compter sur l'appui de la CGT, de Sud, de Solidaires et du Snalc.


Les deux syndicats FSU estiment que la réforme du lycée porte atteinte aux disciplines, aggrave les conditions de travail du fait du tronc commun de première, et affaiblit le conseil d'administration (CA) des établissements au bénéfice du Conseil pédagogique (CP) présenté comme "le conseil du chef d'établissement".


Pour eux, la réforme du lycée a pour seul objectif de récupérer des postes.  Ainsi le tronc commun de première permettrait de mettre ensemble plusieurs classes. L'autonomie accordée aux établissements n'est qu'un "levier pour gérer la pénurie". Elle ne serait acceptable que pour gérer des suppléments de moyens.


La réforme de la formation des enseignants va permettre de récupérer des postes. A la rentrée 2010, la quasi suppression des stages des nouveaux reçus aux concours permettra de récupérer 5 200 emplois. Les stagiaires seront illico envoyés dans les classes et ne bénéficieront que de 11 semaines de formation. La Fsu pense que ces 11 semaines seront prises dans plusieurs académies (Créteil, Versailles, Orléans, Montpellier, Nice) en un ou deux blocs durant lesquels les profs stagiaires seront remplacés par des étudiants. Voilà quelque chose qui devrait plaire aux parents !


Sgen Cfdt et Unsa Education : Se réapproprier le débat sur l'Ecole


Ambiance bien différente dans les locaux du Sgen Cfdt qui recevait l'Unsa Education. Thierry Cadart et Patrick Gonthier parlent débat et reconstruction. "Doit-on refuser toute réforme sous prétexte qu'elle peut être utilisée pour des réductions de postes ?" demande T Cadart. "De toutes façons c'est la loi de finances qui supprime les postes, ce n'est pas  une réforme".


Pour les deux syndicats, le refus systématique du changement a abouti au fait que, malgré l'impopularité de la politique scolaire du gouvernement, les enseignants sont écartés du débat. Il s'agit donc pour eux de le relancer avec des propositions. "Il faut que les personnels se resaisissent du débat éducatif" lance T Cadart. Pour les deux syndicats, c'est comme cela qu'ils peuvent influer sur l'avenir de l'Ecole. "On est pas là que pour les moyens mais aussi pour transformer le système" lance P Gonthier. Ils se refusent à "agiter des peurs" mais veulent changer le système pour "redonner un sens à l'activité professionnelle des enseignants". Ils se veulent constructifs et agissent ensemble pour peser dans les négociations, par exemple pour la réforme du lycée.


Pour autant ils appellent à manifester le 21 janvier pour plusieurs raisons : les suppressions de postes (16 000) "remettent en question la capacité de l'Ecole à se transformer". La réforme du lycée "a besoin de moyens". Ils refusent la réforme de la formation des maitres jugée "calamiteuse" et "idéologique". Le gouvernement "aveuglé par ses choix idéologiques", a  bâclé les textes. Il va devoir revoir un des très récents décrets sur la formation des enseignants tellement il est mal ficelé.


L'autonomie accrue des établissements risque-t-elle de creuser les écarts ? Sgen et Unsa soulignent que de très fortes inégalités existent déjà entre établissements. Il ne faut pas une autonomie totale : toutes les études montrent que quand on supprime les règles on aboutit à l'accroissement des inégalités. Les systèmes les plus égalitaires sont ceux qui cumulent autonomie locale et cadrage national. L'établissement est le bon endroit pour prendre certaines décisions, par exemple affecter une partie de la dotation horaire, à condition que celles-ci soient cadrées par l'Etat.


L'autorité du chef d'établissement risque-t-elle d'être trop grande ? Ils ont pris soin, par exemple, de renforcer les droits de contrôle du CA sur le conseil pédagogique lors du vote de la dotation horaire.


Drôle de cortèges donc le 21 janvier. Défilent deux visions assez irréductibles de l'Ecole. Voilà qui va remettre du débat dans l'Ecole…

L'appel du Snes

http://www.snes.edu/spip.php?page=imprimer&id_article=18287

Pour l'Unsa Education

http://www.unsa-education.org/

Edito de T Cadart

http://www.cfdt.fr/rewrite/article/22911/nos-publications/l[...]



L'autonomie des établissements au cœur de la division syndicale

Point fort de la réforme des lycées, l'autonomie accrue des établissements est-elle souhaitable ? Permettra-t-elle d'améliorer les résultats et de réduire les inégalités ? Si la question des moyens, des horaires est souvent mise en avant par les détracteurs de la réforme du lycée, c'est bien celle de l'autonomie des établissements et donc de leur gouvernance qui est en réalité au coeur de la division syndicale. Rappelons que globalement, l'enveloppe horaire de chaque classe est très peu différente de l'enveloppe antérieure.  Mais la répartition de cette enveloppe va quitter l'uniformité pour varier selon les établissements dans des proportions sensibles puisque environ un tiers de l'horaire sera décidé dans l'établissement par le chef d'établissement, appuyé sur le Conseil pédagogique et sous le contrôle renforcé du Conseil d'administration.


Pourquoi ce recours à l'autonomie ? Comme le rappelait Nathalie Mons dans un entretien accordé au Café en 2008, ce mouvement résulte de plusieurs facteurs. "Le développement des recherches sur l’école efficace et l’effet-établissement a mis en lumière l’importance d’un leadership fort dans des écoles dotées d’une certaine marge d’autonomie", notait N Mons. "L’analyse des résultats des enquêtes internationales sur les acquisitions des élèves, conduites par l’IEA  puis par l’OCDE, a mis en avant l’influence sur les performances scolaires de certaines formes d’autonomie scolaire, même si les résultats ne sont pas toujours convergents. Plus globalement, au-delà des frontières du monde scolaire, le développement du courant du Nouveau Management Public concourt également à légitimer l’idée de l’efficacité des décisions de proximité".


Pourtant le mouvement n'est pas uniforme. Si certains pays, telle la France, très centralisateurs, évoluent vers l'autonomie, des pays à tradition autonome font le chemin inverse. Ainsi l'Angleterre a finalement imposé un "national curriculum", la Belgique a adopté un "socle de compétences". Cela montre un tâtonnement dans la recherche des formules les plus efficaces.


Est-ce efficace ? Pour N Mons, fine connaisseuse des systèmes éducatifs, "mes recherches ont montré que l’autonomie scolaire en matière de pédagogie et dans certaines conditions de ressources humaines est associée à un meilleur niveau d’efficacité que l’autonomie budgétaire. En gros il faut rendre les acteurs de terrain compétents dans les domaines qui sont en lien avec les apprentissages". Mais à condition d'avoir un cadrage national sur les programmes comme c'est le cas en France. Pour N Mons, "c'est la meilleure solution contre un accroissement des inégalités scolaires".


Peut-on décréter l'autonomie ? Le problème c'est que l'autonomie ne se décrète pas et que, si la réforme prévoit les outils de consultation qui permettraient à l'établissement de penser son autonomie, il ne l'organise pas davantage. Comment dans ce cas aller contre la tradition élitiste ? Comment empêcher que les disciplines les plus "nobles" ou les filières "d'élite" utilisent cette marge de manoeuvre pour renforcer leur position ? Si les inégalités entre établissements sont déjà énormes, ne risquent-elles pas de s'accentuer ?


Ce sont ces questions qui doivent alimenter les débats des deux demi-journées qui seront accordées aux lycées pour mettre en place la réforme. Comme les projets de dotation horaire doivent bientôt remonter vers les rectorats, il y a peut-être lieu de lancer ces débats sans attendre. Autant ces consultations d'établissement peuvent donner un second souffle et des objectifs communs aux communautés éducatives. Autant leur escamotage signifierait le maintien des inégalités ou leur aggravation.

Gouvernance des établissements

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Gouv[...]

Quelle autonomie pour les établissements ? Il y a peu d'espoir, conclut le Colloque IREA

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/11/a[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le vendredi 15 janvier 2010.

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