Par François Jarraud
Mardi 14 septembre 2010, Luc Chatel a ouvert la consultation nationale sur les rythmes scolaires devant le comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Il a fixé le calendrier de la réforme : propositions à la mi-janvier 2011 et remise d'un rapport d'orientation en mai 2011. Un délai qui permettrait des changements à la rentrée 2012, après les présidentielles.
Attention ! Le sujet est brûlant ! La question de la réforme des rythmes scolaires est susceptible de faire descendre le monde de l'école dans la rue et de balayer un ministre. Pourtant Luc Chatel semble vouloir conduire la consultation à bout. Comment s'y prendre pour avancer sur un sujet aussi sensible ? Qu'est ce qui peut motiver une telle prise de risque ?
Quels enjeux ? "Au 19ème siècle, l'école s'est adaptée à la société. Aujourd'hui c'est l'inverse. C'est l'Ecole qui fixe le temps de la société. Il est temps de réfléchir à son optimisation". Devant le Comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, encadré par ses deux présidents, Christian Forestier, administrateur général du Cnam, et Odile Quintin, ancien directeur général de l'éducation à la commission européenne, a rappelé les enjeux de la réforme. Il s'agit de "trouver une nouvelle organisation du temps scolaire pour obtenir un meilleur rendement et une meilleure ambiance pour les équipes éducatives". Sur ce sujet,le ministre promet d'avancer "sans tabou" et avec audace. Il entend que le débat porte aussi bien sur les emplois du temps hebdomadaires des élèves que sur le calendrier annuel. La question des vacances d'été est donc posée.
Une consultation à trois niveaux. Luc Chatel promet que le comité avancera dans une totale transparence en recevant "tous les acteurs de l'Ecole qui ont un mot à dire" sur ce sujet. Trois formes de consultation sont prévues dans le projet ministériel. Il y a d'abord les consultations menées par le Comité de pilotage. Celui-ci compte 16 membres : des experts (Eric Debarbieux, Georges Fotinos, Bernard Hugonnier, François Testu, Yvan Touitou), des cadres de l'Education nationale (Patrick Gérard, Roger Bambuck, Monique Sassier), des représentants de l'industrie du tourisme ou du sport ou encore d'organisations proches du pouvoir (Institut Montaigne). S'y ajoutent 9 élus, majoritairement des députés et sénateurs, les collectivités territoriales (pourtant premières concernées !) n'ont que 3 sièges. C'est d'ailleurs la signature de ce Comité : les premiers intéressés n'y sont pas. Il n'y a ni syndicat d'enseignants, ni organisation lycéenne, ni association de parents. Cela cadre aussi le rôle du comité qui ne pourra pas imposer une réforme de compromis. Le comité recevra jusqu'en décembre, tous les mercredis, des acteurs de l'Ecole en commençant par les représentants des parents et des personnels enseignants.
Le débat dans les établissements ? Une seconde forme de consultation sera locale. Les recteurs organiseront des tables rondes dans les académies. Les synthèses des débats seront remontées. "Le débat devra prendre vie dans chaque établissement du second degré", assure le ministère, qui en attend l'expression des lycéens. Sans nul doute l'application de cette décision sera délicate alors que les organisations lycéennes ont déjà manifesté l'an dernier pour le maintien des vacances d'été…
Une plate-forme ouverte à tous. Le ministère ouvre une plate-forme qui propose des ressources d'informations, des exemples d'expérimentations et qui recueillera les contributions des internautes.
Quelles motivations ? Le sujet est tellement brûlant que l'on doit s'interroger sur ce qui pousse Luc Chatel à avancer sur cette réforme. La première hypothèse c'est que Luc CHatel entend améliorer une situation pénalisante pour les enfants. La mise en place de la semaine de 4 jours au primaire sous Darcos a alourdi d'autant les journées de classe des écoliers. Luc CHatel a rappelé que la France est le pays ayant le plus grand nombre d'heures de cours et le plus petit nombre de jours de classe (144 au primaire et 178 au secondaire). L'Académie de médecine a sévèrement critiqué les rythmes scolaires parlant du "rôle néfaste… de la semaine dite de 4 jours sur la vigilance et les performances des enfants les deux premiers jours de la semaine liées à une désynchronisation liée au week-end prolongé". L'Académie a invité l'Etat à revenir à la semaine de 4 jours et demi ou 5 jours. Elle souhaite une année scolaire de 180 à 200 jours. Au collège elle a dénoncé le fait que les rythmes sont identiques de la 6ème à la 3ème.
La seconde hypothèse est budgétaire. Luc Chatel doit dégager des postes. Augmenter le nombre de semaines de cours permettrait aussi de baisser le volume horaire hebdomadaire et par suite de dégager, au moins dans le secondaire des milliers de postes. Après tout, Xavier Darcos avait modifié la semaine scolaire en primaire pour pouvoir faire passer une réforme qui permettait de supprimer 6 000 postes des Rased… La troisième hypothèse peut être de lever la question pour mieux l'enterrer à l'aide d'une commission comme a su si bien faire l'Education nationale à d'autres occasions… Après tout , la rentrée 2012 c'est après les présidentielles…
Le Comité pourra s'appuyer sur des exemples locaux. Il y a les collèges où Luc Chatel expérimente le sport l'après-midi. Il y a les quelques municipalités qui ont pu rétablir la semaine de 4 jours et demi , comme certaines écoles d'Angers. Ces expériences locales montrent que toucher au temps scolaire impacte la société dans son ensemble et génère des tensions qui vont au-delà des enseignants. Grand décentralisateur, on aurait pu penser que Luc Chatel laisserait les choses évoluer au niveau local qui semble le seul à pouvoir équilibrer les forces en présence. Le niveau national semble bien plus dangereux. On souhaite bonne chance au Comité…
François Jarraud
Dossier de presse ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid53154/rythmes-scolaire[...]
Le site de la consultation sur les rythmes scolaires
http://www.rythmes-scolaires.fr/
Comment rétablir la semaine de 9 demi-journées ?
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Page[...]
Chatel recadre le temps scolaire
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/re[...]
Expérimentation Angers
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/09/01[...]
Angers expérimente le retour à la semaine de 4 jours et demi
A la rentrée, la ville d'Angers expérimente une nouvelle organisation du temps scolaire à l'école de l'Isoret. Dès 2009 la ville s'était inquiétée des effets de la réforme Darcos réduisant la semaine à 4 jours. Une consultation menée en 2009 à l'initiative de la municipalité montrait que 53% des écoles manifestaient le regret de la suppression du samedi matin, 57% jugeaient la journée de 6h trop longue, mais seulement 37% demandaient la semaine de 9 demi-journées incluant le mercredi matin.
Au final un groupe scolaire, celui de l'Isoret, expérimente à partir de la rentrée 2010, la semaine de 9 demi-journées avec un aménagement spécial des journées, conforme aux souhaits des chronobiologistes. Dominique Bruneau, directeur de l'Isoret, présente ainsi le nouvel emploi du temps. " Parce que les enseignants savent que les temps d’enseignement du matin sont plus favorables aux apprentissages, il a été choisi de raccourcir le temps de scolarité de l’après-midi et de mettre une matinée supplémentaire le mercredi matin. Dès lors les matières fondamentales : maths et français seront placées le matin prioritairement. Il s’agit aussi sur les temps périscolaires d’amener un plus culturel, éducatif, sportif aux enfants notamment sur le temps de CEL. À nous de rendre les activités suffisamment attractives et d’inscrire un maximum d’enfants, ce afin d’éviter le phénomène des orphelins de 16h. Il a été choisi sur les temps périscolaires de privilégier les partenaires du quartier pour les associer à notre projet : clubs sportifs, centre de loisirs, maisons de quartier, associations locales et oeuvres complémentaires de l’école, conservatoire régional de musique". Pour la ville d'Angers, le nouvel emploi du temps implique la prise en charge du temps périscolaire de 15h30 à 18h30 4 jours par semaine, de 11h30 à 12h30 le mercredi. Cette initiative pourrait intéresser la commission qui travaille sur la réforme du temps scolaire.
Dossier de presse Angers
http://www.angers.fr/fileadmin/plugin/tx_dcddown[...]
Quel rythme de vie pour les élèves ?
Alors que le ministre a réuni un comité chargé de travailler à la refonte des rythmes scolaires, la Ligue de l'enseignement consacre à ce sujet un copieux dossier où se mêlent enjeux et contributions. Bruno Suchaut, François Testu, Anne-Sophie Benoit, Thierry Cadart, Gwenaëlle Hamon éclairent sous des angles différents cette question. Car le propre de cette question c'est d'engager toute la société, les rythmes scolaires rythmant la vie nationale.
Le dossier
http://www.laligue.org/quel-rythme-de-vie-pour-les-eleves
Quels objectifs pour l'expérimentation "Cours le matin, sport l'après-midi" ?
Le B.O. du 2 septembre 2010 publie une note qui définit l'appel d 'offre des établissements de l'expérimentation. Elle pose la question de sa finalité.
Selon la note de service, " cet appel d'offre vise à encourager l'expérimentation de nouveaux aménagements du temps scolaire, en privilégiant la pratique d'activités sportives l'après-midi... Nombre de familles, d'enfants et d'adolescents sont demandeurs d'une offre plus large d'activités physiques et sportives à l'École. Une meilleure prise en compte de la pratique sportive dans les rythmes scolaires peut permettre aux élèves de mieux vivre leur scolarité, d'accroître leur motivation et leur épanouissement et contribuer ainsi à leur réussite scolaire. Elle permet d'améliorer le climat des établissements et d'endiguer les phénomènes de violence à l'école". On trouve ainsi mêlées des attentes bien différentes, à la limite parfois du sérieux. Ainsi le sport est appelé à fonder l'ordre scolaire , le sport étant considéré comme épuisant les agressivités.
Les conditions de l'expérimentation restent ouvertes. La note précise que les établissements doivent être volontaires mais impose un chiffre de 3 établissements par académie. L'expérimentation nécessite la collaboration des collectivités locales et des clubs existants, le sprofs d'EPS restant "concepteurs et responsables de l'organisation". Cet appel d'offre vise à encourager l'expérimentation de nouveaux aménagements du temps scolaire, en privilégiant la pratique d'activités sportives l'après-midi. Ces organisations nouvelles pourront optimiser et compléter harmonieusement des dispositifs existants (volet sportif de l'accompagnement éducatif, sections sportives scolaires, options facultatives d'EPS, enseignements d'exploration au lycée).
Note de service
http://www.education.gouv.fr/cid52972/mene1000792n.html
L'Expresso du 23 aout
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/08/230[...]