L'Ecole menacée par la campagne xénophobe 

Par François Jarraud



La campagne lancée récemment par le président de la République ne pose pas qu'un défi éthique à l'Ecole. Elle affecte aussi son fonctionnement et doit l'amener à améliorer son efficacité.


Les récents propos du président de la République sur l'immigration, les retraits de nationalité et les Roms; ceux ensuite du député UMP Ciotti demandant des sanctions contre les parents des délinquants, la multiplication des incidents (notamment la dernière tragique association entre police, jeune maghrébin et noyade), tout cela a déjà créé dans le pays une atmosphère dégradante et menaçante qui pèsera sur la rentrée.


Des enseignants ont été parmi les premiers à réagir. Ainsi la tribune de S. Kahn dans Le Monde, estimant que " le pouvoir exécutif est tombé sur la tête " ou celle d'Esther Benbassa. Ce n'est pas par hasard que les enseignants d'histoire se manifestent. Les menaces de retrait de la nationalité rappellent évidemment les décrets de Vichy; les propos sur les Roms, les décrets Daladier. Ensemble ils offrent l'occasion d'une belle leçon d'histoire pour expliquer comment la IIIème République en décomposition a donné naissance à Vichy. Plusieurs leaders syndicaux enseignants soutiennent la pétition de la Ligue des droits de l'homme qui rappelle que " le nécessaire respect de l’ordre public n’a pas à être utilisé pour créer des distinctions entre les habitants de ce pays et désigner des boucs émissaires... La Constitution de la France, République laïque, démocratique et sociale, assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Nul, pas plus les élus de la nation que quiconque, n’a le droit de fouler au pied la Constitution et les principes les plus fondamentaux de la République". Elle appelle à manifester à la rentrée, le 4 septembre, pour le 140ème anniversaire de la République.


Obéir ou désobéir ? Inutile de démontrer que les propos présidentiels s'opposent à l'éthique professionnelle des enseignants. Immédiatement les enseignants opposants à Base élèves ont rendu publiques des instructions maladroites diffusées dans l'Ain sur le suivi des enfants du voyage. Les déclarations présidentielles entretiennent ainsi le doute et la méfiance entre un nombre sensible d'enseignants et l'Etat. Luc Chatel avait su œuvrer à la réduction de la fracture héritée de Darcos et Robien. Nul doute que N Sarkozy et E Ciotti lui rendent les choses plus difficiles.


L'Ecole mise au défi. Mais la xénophobie ambiante vient aussi heurter de plein fouet l'Ecole parce qu'elle-même connaît la ségrégation. Si l'OCDE peut démontrer que les élèves immigrés ne "font pas obligatoirement baisser le niveau", elle met en évidence qu'en France les résultats scolaires ne sont pas les mêmes entre élèves autochtones et issus de l'immigration. L'école française n'échappe pas non plus aux préjugés sur les gens du voyage. Le sociologue G Felouzis a pu mettre en évidence, avant même "l'assouplissement de la carte scolaire", les mécanismes ségrégatifs à l'intérieur de l'éducation nationale. S'ils ne sont pas le résultat d'un racisme propre au système, ils pèsent déjà lourdement sur le climat de nombreux établissements. La redéfinition sécuritaire de l'enseignement prioritaire amorcée par L Chatel, qui correspond si bien au nouveau climat voulu par N Sarkozy, donnera-t-elle à l'Ecole de la République une chance de faire valoir l'Ecole face à la guerre civile ?

Pétition LDH

http://www.ldh-france.org/APPEL-CITOYEN-Face-a-la-xenophobie  

Tribune S Kahn

http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/30/ce-pouv[...]

Etude OCDE

http://www.oecd.org/dataoecd/51/21/36707768.pdf

La ségrégation dans l'éducation nationale

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/[...]

Document Ain

http://retraitbaseeleves.wordpress.com



Le traitement des Roms élève l'Europe, l'Onu et des enseignants contre le gouvernement

"Ces dernières semaines, les mesures visant à évacuer des camps puis à expulser du territoire national les familles Roms ont créé une atmosphère d'exclusion et de rejet bien éloigné de la fraternité, un des piliers de notre pays attaché aux droits de l'Homme. Je tiens à exprimer ici notre émotion face à cette situation et notre opposition à ces mesures". Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, a envoyé le 24 août une lettre ouverte au ministre de l'éducation nationale. Il rappelle que "pour les enfants de ces populations, comme pour tous les autres enfants, la scolarisation est un droit, comme le précise la Convention Internationale des Droits des Enfants. Alors que 10% seulement des enfants Roms sont scolarisés, il est à craindre que cette situation ne produise une grande méfiance des familles vis à vis de l'école. De fait, je vous demande, Monsieur le Ministre, de rappeler le droit à l’éducation pour tous les enfants et de donner des garanties que les familles Roms ne seront pas menacées par le fait d’emmener leurs enfants à l’école".


Ces démarches sont appuyées par une déclaration de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe. Elle se dit "profondément préoccupée par le traitement dont font actuellement l’objet les Roms migrants en France… Ces dernières semaines, des déclarations politiques de responsables de haut rang ainsi que des actions menées par le Gouvernement ont stigmatisé les Roms migrants. Ceux-ci sont présentés collectivement comme auteurs d’infractions pénales et sont en particulier caractérisés comme seuls responsables d’abus de la réglementation européenne en matière de liberté de circulation. L’ECRI ne peut qu’exprimer sa déception face à cette évolution particulièrement négative. La commission " tient à souligner que les ressortissants de l’Union européenne ont le droit de séjourner pendant un certain temps sur le territoire français et d’y retourner. Dans ces circonstances, la France devrait chercher des solutions durables, en coopération avec des Etats et institutions partenaires".


Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l'ONU a également remis son rapport le 27 août. Il rappelle à l'État partie "ses déclarations et lui recommande de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention, d’éviter en particulier les rapatriements collectifs et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’homme… Le Comité invite instamment l’Etat partie à assurer aux « gens du voyage » l'égalité de traitement en matière de droit de vote et d'accès à l'éducation".

Le rapport du Comité ONU

http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/co/[...]

L'Ecole menacée par la campagne xénophobe ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010[...]

Les Roms en Slovaquie

http://www.cafepedagogique.net/communautes/Unseulmon[...]


La France en infraction européenne

"La discrimination basée sur l'origine ethnique ou la race, n'a pas de place en Europe. Elle est incompatible avec les valeurs sur lesquelles l'Union européenne est fondée." La commissaire européenne en charge de la justice,Viviane Reding, a annoncé le 14 septembre son intention de lancer une double procédure d'infraction contre la politique française relative aux Roms pour irrespect des garanties légales et pour discrimination. D'après Le Monde, V Reding a particulièrement apprécie la dissimulation de la circulaire du ministère de l'intérieur du 5 août qui invite les préfets à cibler les Roms. "Je trouve choquant qu'une partie du gouvernement français vienne m'expliquer quelque chose à Bruxelles et que l'autre partie fasse le contraire à Paris" explique-t-elle… Attaquée par le Parlement européen, maintenant par la Commission européenne, condamnée par l'ONU, la France est devenue en quelques semaines un repoussoir.

Le discours de V Reding

http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/reding/index_fr.htm


Après l'Europe, Washington met en garde Paris

"A l'évidence les droits des Roms sont importants pour nous et nous invitons la France et d'autres pays à les respecter". Selon Le Figaro, c'est diplomatiquement que Washington s'est manifesté par cette déclaration non officielle mais venue " d'une source très haut placée dans la diplomatie américaine". De son coté l'influente ONG Human Rights Watch lance une campagne internationale demandant à la France de changer de politique envers les Roms.

Article du Figaro

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/09/15/97001-20[...]

Human Rights Watch

http://www.hrw.org/en/news/2010/09/14/eu-key-intervention-roma-expulsions

 

"Touche pas à ma nation !" une pétition contre la xénophobie d'Etat.

"Parce qu’il est inadmissible que le Chef de l’Etat fasse l’amalgame entre délinquance et immigration ; Parce que nous ne pouvons accepter que l’on distingue des « Français de souche » et des « Français de papiers » ; Parce que les étrangers doivent cesser de servir de boucs émissaires aux maux de la société. Il est urgent de prononcer un triple « NON » face au projet de loi d’Eric Besson". SOS racisme lance une pétition nationale pour mettre fin aux propos xénophobes à la tête d el'Etat et lutter contre la loi Besson. Tout cela au moment où la preuve vient d'être faite que le ministre d el'intérieur a lancé une circulaire invitant les préfets à traquer les membres d'un groupe ethnique. Il est urgent que les citoyens réagissent.

Signez la pétition

http://www.touchepasamanation.com



Sur le site du Café

Par fjarraud , le vendredi 17 septembre 2010.

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