En région: Philippe Meirieu : Vers un Service public régional de formation  

Par François Jarraud



Après une longue carrière d'éducateur, Philippe Meirieu est "parti en politique". Depuis le printemps dernier il est vice-président de la région Rhône-Alpes délégué à la formation tout au long de la vie. Il confie au Café ses ambitions et ses projets. Le voilà maintenant au pied du mur…


Après une longue période où vous avez eu une influence sur l'École à travers vos écrits et vos formations, vous êtes passé dans le domaine plus concret de l'action politique sur le terrain régional. Cette confrontation avec la réalité donne-t-elle un sentiment de plus grande efficacité ?


Le travail que j’ai effectué dans l’institution scolaire et universitaire a été aussi, et souvent, une dure confrontation avec « la réalité ». J’ai pu expérimenter là, au quotidien, l’écart considérable qui sépare « le dire » et « le faire ». L’École, comme la plupart des institutions, est un lieu où les déclarations d’intention, générales et généreuses, cachent mal la reproduction des pratiques les plus médiocres et le fonctionnement à l’économie de moyens et d’imagination. C’est aussi un lieu où l’on renvoie volontiers les « utopistes » à leurs chères études quand ils deviennent des empêcheurs d’enseigner en rond : on préfère qu’ils débattent dans des colloques plutôt que de parasiter le quotidien avec leur question obsédante : « Mais pourquoi ne faites-vous donc pas ce que vous annoncez… sur l’autonomie des élèves, l’acquisition de l’esprit critique, la transmission de la culture, la personnalisation des parcours, la formation du citoyen, et quelques autres bricoles avec lesquelles vous nous rebattez les oreilles ? ».


Et puis, dès mes débuts dans l’enseignement, j’avais découvert la « résistance » des êtres aux meilleures intentions du monde : il ne suffit pas de vouloir le bien des autres, il faut qu’ils le veuillent aussi, ce dont nous ne sommes jamais assurés. Mes combats institutionnels m’avaient appris, eux, qu’une argumentation logique est généralement bien dérisoire face aux pesanteurs des sédimentations chronologiques. Même dans la recherche de haut niveau, j’avais constaté que les valeurs les plus essentielles se heurtaient souvent aux susceptibilités individuelles et collectives quand elles n’étaient pas complètement évacuées au profit des querelles de territoires et de pouvoir.


Pour autant, je ne crois pas que la vie sociale puisse être miraculeusement débarrassée de ces « scories » et relever d’un dialogue transparent entre des êtres de pure raison ! Certes, je reste consubstantiellement optimiste et délibérément volontariste : je ne pense pas qu’il puisse y avoir d’autre horizon possible pour la démocratie que celui de « l’interargumentation rationnelle » dans une « agora » où soient suspendus, autant que faire se peut, les rapports de force. Mais cet horizon est une perspective et ne relève pas d’un décret, a fortiori de la décision de quelques élus qui se prendraient pour Saint-Just… ou pour Savonarole ! La démocratie est une démarche obstinée. C’est un combat où l’on prend des coups, où l’on perd des batailles, où l’on subit même des humiliations. Mais c’est le meilleur combat, je crois, auquel on puisse se consacrer. Où que l’on soit ! J’ai tenté de le mener dans l’École. Je tente aujourd’hui, avec d’autres, de le mener dans la Région Rhône-Alpes… et, à cet égard, le « choc de la réalité » est tout à fait de même nature.


Cela vous amène-t-il à cependant revoir certaines de vos idées ?


Les convictions qui m’animent restent inchangées. Je crois en l’éducabilité de chacune et de chacun. Je crois que la valeur d’une société se révèle à sa capacité de ne laisser personne au bord du chemin. Je crois que la véritable culture permet de relier les êtres en respectant leurs différences. Je crois que la solidarité est le seul vrai moteur du progrès de l’humanité. Je crois qu’après avoir exploité le monde comme si ses richesses étaient infinies, en assignant les êtres à résidence sociale, il nous faut maintenant vivre harmonieusement dans un monde que nous savons fini, mais en misant sur l’infinie richesse des hommes et des femmes, dès lors que l’éducation et la formation permettent de la révéler… Comme je l’écrivais dans mon dernier ouvrage, juste avant de « partir en politique », deux questions me taraudent : « Quel monde allons nous laisser à nos enfants ? Quels enfants allons nous laisser au monde ? » (Lettre aux grandes personnes sur les enfants d’aujourd’hui).


Mais, bien sûr, le cadre institutionnel dans lequel ces idées s’incarnent aujourd’hui est différent. Je suis vice-président délégué à la formation tout au long de la vie d’une grande région. J’ai en charge la formation continue, en particulier, pour les personnes les plus en difficulté (les jeunes sans qualification et les chômeurs en fin de droits) ; je couvre tout le secteur de l’apprentissage ; je m’occupe de dossiers très techniques comme le « plan régional des formations » et très politiques, comme la mise en place d’un « service public régional de la formation ». Je regarde donc les choses d’un autre œil… Les personnes que nous voulons aider sont, pour beaucoup, celles qui ont échoué dans la « forme scolaire » traditionnelle, et les formations que nous mettons en place sont, pour l’essentiel, des formations par alternance.


Cela ne m’amène pas à remettre en question « l’École », comme idéal d’une société où le partage des savoirs prenne le dessus sur le commerce des marchandises, mais cela m’amène à relativiser plus que jamais la « forme scolaire » traditionnelle (segmentation des savoirs et des temps d’apprentissage, évaluation quantitative systématique, organisation des cursus selon le principe de la distillation fractionnée). Je perçois, de plus en plus, à quel point il est urgent de distinguer l’excellence de l’élitisme : toutes les formations doivent viser à l’excellence et c’est même à cette seule condition qu’elles peuvent se prétendre des formations. Je suis de plus en plus sensible à la nécessité d’articuler rigoureusement des temps de travail différenciés : en situation de projet et en situation de formalisation, individuels et collectifs, etc.). Je suis maintenant complètement convaincu qu’il faut sortir du débat « évaluation par examen / contrôle continu » pour se diriger résolument vers un système d’unités capitalisables.


Le plus grand défi éducatif en France c'est les sorties sans qualification. Trouvez vous que l'éducation nationale se soucie assez de ces jeunes ? Que peut faire une région pour tenter d'enrayer ce phénomène ?


Effectivement, les sorties sans qualification et toutes les formes de décrochage scolaire sont une calamité. L’Éducation nationale a travaillé à les limiter, mais ses dispositifs sont aujourd’hui complètement grippés : nous ne recrutons plus que cinquante conseillers d’orientation par an, alors que, dans le même temps, trois cent partent en retraite, les Missions générales d’insertion ont de moins en moins de moyens, les classes et les ateliers-relais ont vu, ici, leur budget diminuer fortement, les RASED ont été décapités, les ZEP nécessiteraient, pour le moins, un toilettage, les lycées professionnels restent les parents pauvres du système… et que dire de la nouvelle « formation » des enseignants qui ne leur permet pas de travailler en amont sur une véritable prévention de l’échec et du décrochage ?


Certes, il n’est pas dans la vocation des régions de se substituer à l’Éducation nationale : elles n’en ont pas les moyens… et, de plus, elles ne doivent pas exonérer l’État de ses missions. La Région Rhône-Alpes a, néanmoins, mis en place, depuis deux ans, un plan de lutte contre le décrochage scolaire en aidant les lycées professionnels qui proposaient des projets dans ce sens. Nous sommes en train d’analyser les résultats. Nous voyons déjà que des processus d’accompagnement individuels et collectifs peuvent être très efficaces… Mais, je voudrais aller plus loin et, en même temps, nous recentrer sur nos compétences spécifiques en proposant plutôt un plan pour le « raccrochage » : en effet, la région est très impliquée dans les Centres de Formation d’Apprentis (CFA), elle subventionne des « Ecoles de la deuxième chance, des « écoles de production », des « actions d’orientation-formation », des « mini-stages », des « parcours longs » associant remise à niveau et qualification, des chantiers d’insertion, etc. Je voudrais que toutes ces actions soient clairement identifiées, qu’on sache à quels besoins elles répondent et pour quels publics, quelles sont leurs spécificités et les engagements qu’elles requièrent, etc. Il faut absolument que tout cela soit présenté de manière claire et démocratique, en complémentarité avec les offres de l’Éducation nationale (en particulier l’ « éducation récurrente » à laquelle je crois beaucoup et qui est bien trop peu utilisée par les établissements). Nous devons travailler sur l’espace-temps qui sépare la sortie du système scolaire et l’entrée en formation car c’est, pour beaucoup de jeunes, l’espace-temps de tous les dangers. Nous devons le faire en mobilisant tous les réseaux avec lesquels nous sommes en contact, Pôle Emploi, les Missions locales, les Centres d’information Jeunesse, les CIO, etc. En effet, ces réseaux fonctionnent trop aujourd’hui comme des tubes juxtaposés dans un imbroglio parfois illisible. La Région veut passer de ce qui est souvent perçu comme une « usine à gaz » à un ensemble cohérent. C’est, entre autres, le projet de notre « Service public régional de la formation ». Plus globalement, l’objectif que nous portons à la Région, c’est : « Plus un seul jeune de 16 à 25 ans sans une formation, un emploi ou un stage. » Je reconnais que c’est ambitieux, mais c’est notre horizon et je ferai tout pour y parvenir.


Comment impulser de vrais retours vers la formation ?


C’est une question très importante. D’autant plus qu’en France nous savons bien que ce sont ceux qui ont le plus bénéficié de la formation initiale qui bénéficient le plus de la formation continue. Je crois que, nationalement, il nous faut enfin mettre en place un vrai « crédit formation », avec la possibilité d’une « formation initiale différée » pour ceux qui ont été en échec à l’école. Je sais bien qu’une telle mesure inspire des craintes à ceux qui y voient la possibilité, pour l’Éducation nationale, de se débarrasser prématurément des élèves au prétexte qu’on pourra les rattraper plus tard. J’ai suffisamment milité pour que « l’École soit à elle-même son propre recours » pour ne pas être sensible à cette préoccupation. Mais il ne faut pas considérer que la responsabilité de l’École varie en sens inverse de celle de la formation continue et de l’investissement des Régions. C’est bien d’une mobilisation commune pour faire de la « formation tout au long de la vie » une réalité quotidienne dont nous avons besoin. Avec un vrai travail de partenariat entre l’Éducation nationale et les collectivités territoriales. Aujourd’hui, il faut bien l’avouer, ces relations sont souvent placées sous le signe de la méfiance réciproque. Pourtant on pourrait avancer : en mutualisant plus systématiquement les équipements entre la formation initiale et continue, en travaillant sur des dispositifs d’accompagnement coordonnés sur les territoires, en décloisonnant aussi les métiers : je rêve qu’on prenne enfin au sérieux l’injonction de Condorcet et que les enseignants  puissent partager leur temps entre la formation des jeunes et celle des adultes, que les établissements deviennent des vrais « maisons des savoirs et de la formation » ouverts à tous les publics. J’espère bien que cela sera une des grandes priorités de la gauche quand elle reviendra aux affaires en 2012.


Mais, dans l’immédiat, impulser des retours vers la formation reste une exigence forte : il faut, pour la mettre en œuvre, mobiliser tous les réseaux de l’orientation et du conseil ; il faut que les entreprises jouent le jeu et encouragent leurs salariés à s’engager dans la « promotion sociale et professionnelle » ; il faut que, dans les bassins d’emploi, on identifie les secteurs innovants et porteurs, valorisants pour les jeunes, en particulier dans le cadre de la reconversion écologique de l’économie. Il faut, enfin, qu’on aide ces jeunes à élargir leur palette de représentations professionnelles. Beaucoup d’entre eux, en effet, sont découragés simplement parce qu’ils n’ont pas vraiment identifié des formations capables de les mobiliser. Certes, les salons et les brochures peuvent être utiles, mais c’est terriblement insuffisant. Il faut proposer des dispositifs d’exploration professionnelle : tout est à faire dans ce secteur, en utilisant intelligemment Internet, en s’appuyant sur l’enseignement de la technologie au collège, en encourageant les relations entre les adolescents et les seniors, en organisant des modules de découverte professionnelle pour tous les élèves… C’est un chantier immense. Et j’espère que le « Service public de l’orientation » va s’y atteler avec nous.


Vous êtes vice président en charge de la formation tout au long de la vie. Il y a aussi une vice-présidente en charge des lycées. Comment se répartissent les rôles entre vous ? Vous vous occupez de la formation professionnelle, votre collègue du scolaire ?


Nous travaillons ensemble et, bien évidemment, il y a des domaines où chacun a ses responsabilités propres, comme la gestion du bâti des lycées pour ma collègue ou les CFA pour moi. Mais il y a un véritable enjeu à faire exister de la transversalité. J’ai souhaité que ma délégation s’intitule « formation tout au long de la vie » pour bien marquer notre volonté de ne plus segmenter les choses. Nous devons être capables de penser les problèmes en articulant nos interventions, en les mettant en cohérence. D’autant plus que, si nous y parvenons, la globalité de nos interventions sera beaucoup plus porteuse de transformations que la juxtaposition de nos actions réciproques. Et ce qui est vrai pour le rapport entre les lycées et les dispositifs de « formation continue » est vrai aussi pour le rapport entre la formation continue et l’emploi, la formation continue et la politique de la ville, l’aménagement du territoire ou la vie associative. Je suis un obstiné de la transversalité des approches, mais je sais que c’est loin d’être un combat gagné.


On va vers des tensions de plus en plus fortes sur la carte des formations scolaires et professionnelles. Qu'en est-il en Rhône-Alpes ?


La Région travaille avec ses partenaires sur l’élaboration d’une planification commune, en particulier pour ce qui concerne la coordination de la formation initiale par voie scolaire et de la formation initiale par apprentissage. Notre objectif, comme celui de l’Éducation nationale, est de proposer une offre cohérente, en évitant les doublons, en cherchant les complémentarités. Ce n’est pas toujours facile, mais je crois que nous sommes condamnés à réussir dans ce domaine. La population ne comprendrait pas que ce travail d’harmonisation ne se fasse pas !


En ce qui concerne la formation continue, les choses sont plus tendues. En effet, nous sommes contraints, aujourd’hui, de passer presque toutes nos formations en « marchés publics », alors que, jusqu’à présent, nous fonctionnions par subventions à des organismes de formation, aussi bien pour des petites associations que pour des grands organismes comme l’AFPA. Ce passage de la formation aux marchés, imposé par l’Europe et le droit français, ne doit pas nous faire perdre de vue que « la formation n’est pas une marchandise », mais un « droit des personnes », un droit essentiel et inaliénable. C’est aussi pourquoi je travaille à la mise en place de notre « Service public régional de formation » (SPRF). Il ne s’agit pas de faire une sorte d’ « Éducation nationale bis » pour la formation, dans laquelle la Région deviendrait l’employeur et piloterait à elle seule tous les dispositifs. Nous n’en avons pas les moyens et, si nous tentions de le faire, on nous ferait justement remarquer qu’on verrouille un système qui a besoin de souplesse et  ne peut se passer d’un partenariat avec les entreprises et d’un travail en réseau avec une multitude d’acteurs sociaux. En revanche, notre SPRF doit garantir les trois conditions sans lesquelles il n’y a pas de « service public » : un accès égalitaire et gratuit, un refus du court-termisme qui inféode la formation aux demandes immédiates sans perspective à long terme pour l’économie et les personnes, et, enfin, la garantie de la qualité, incompatible avec la règle du moins-disant et qui suppose des véhicules administratifs et financiers adaptés. C’est pourquoi nous allons expérimenter la formule du « mandatement avec octroi de droits spéciaux » qui s’inscrit dans le cadre européen des Services d’Intérêt économique général. Je crois qu’il y a là, un moyen très intéressant de garantir les conditions du « service public ».


Dans de nombreux pays les compétences ont été clairement séparées entre l'Etat (par exemple qui fixe des programmes) et les collectivités locales qui gèrent le système éducatif. En France c'est beaucoup moins clair. Pensez-vous qu'une clarification soit nécessaire ?


Je reste très attaché à la gestion par l’État de l’Éducation nationale. Je voudrais même que l’État soit plus directif dans cette gestion. Moins tatillon et technocratique sur les modalités, mais plus ferme sur les finalités. Aujourd’hui, dès lors qu’un établissement scolaire respecte les critères bureaucratiques de ce qu’on nomme la « bonne gestion », tout va bien pour lui, surtout s’il affiche de bons résultats aux examens. Mais, à côté de ce « pilotage », les établissements peuvent faire à peu près ce qu’ils veulent en matière de politique de recrutement, de relations avec les parents, de suivi des élèves, de formation des délégués, de politique culturelle ou documentaire. J’ai toujours prôné plus de directivité sur le cahier des charges que l’État impose à tous ses établissements pour réaliser les objectifs citoyens qu’il fixe à son école… et plus d’autonomie véritable pour les acteurs sur les moyens qu’ils peuvent mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs.


Sur la formation professionnelle, l’État doit garder un rôle dans la reconnaissance des diplômes et des titres : aujourd’hui, il y en a trop, à mon avis, et il conviendrait de faire un peu le ménage pour y voir plus clair dans la multitude des référentiels. L’État doit aussi garder une mission d’impulsion et de régulation sur des principes et des projets décisifs, comme la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) qui est un formidable levier de changement, de valorisation des personnes, de reprise d’études et de mobilité sociale. L’État doit, encore, garantir l’équité territoriale en matière d’orientation, d’accompagnement et de formation. Il doit, enfin, donner aux organismes de formation qui relèvent de sa compétence (les universités, les GRETA, le CNAM…) les moyens d’une véritable recherche au long cours, en matière de prospective, d’ingénierie et d’évaluation de la formation continue. Si l’État fait cela, alors les Régions pourront pleinement jouer leur rôle.


Il y a, sans doute, quelques projets particuliers qui vous tiennent à cœur pour votre mandature et dont nous n’avons pas parlé…


Certes… et d’autres vont émerger au fur et à mesure que nous travaillerons au quotidien avec les acteurs. D’ores et déjà nous avons voté le principe de la mise en place d’une « conférence régionale permanente de l’éducation non-formelle ». Cette conférence réunira les institutions, associations, ONG volontaires qui développent ou soutiennent des pratiques de transmission de savoirs et de savoir-faire en dehors des institutions de formation labellisées. Il y a là une immense richesse : ces pratiques mettent, en effet, en relation des générations, des personnes et des groupes qui partagent et échangent des savoirs. Elles favorisent l’appropriation de ces savoirs dans des relations bénévoles entre experts et novices. On fait circuler, ainsi, aussi bien les savoirs traditionnels que les savoirs technologiques, les savoirs savants que les savoirs empiriques. Ces pratiques de transmission contribuent à tisser du lien social, à activer des solidarités, à permettre la mutualisation des compétences, à favoriser l’entrée dans des structures d’éducation formelle. Elles contribuent à l’insertion dans des dispositifs structurés et je crois qu’il nous faut absolument leur donner les moyens de potentialiser leur action… Nous allons aussi lancer une réflexion sur les « stages » : il existe déjà des textes et des conventions qui régissent ces derniers, mais les pratiques sont encore trop diverses et, parfois, malheureusement, on ne garantit pas au stagiaire que son stage sera véritablement formatif pour lui. Il faut qu’un stage soit systématiquement encadré, qu’on identifie et repère les acquisitions qu’il permet, qu’on mette en place des outils de liaison, etc.


Et puis, sans prétendre être exhaustif, je terminerai par un point qui peut paraître anecdotique, mais qui est essentiel pour moi : dans les formations longues de 16 mois, que nous allons lancer, à destination des publics les plus éloignés de l’emploi, j’ai demandé que, quel que soit le métier préparé, on inscrive dans le cahier des charges un « atelier philo » et un partenariat culturel. C’est un signe fort pour moi : le signe que la culture n’est pas l’apanage des formations qu’on appelle d’ « élite », qu’elle n’est pas réservée à ceux et celles qui ont trouvé leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau. Où qu’on soit et même modestement, on peut faire gagner la solidarité contre tous les fatalismes. C’est la vraie noblesse du combat politique.


Philippe Meirieu

Vice-président de la Région Rhône-Alpes

délégué à la formation tout au long de la vie

Europe Écologie


Entretien : François Jarraud



Sur le site du Café

Par fjarraud , le vendredi 17 septembre 2010.

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