L'insécurité : entre pédagogie, pilotage et basse politique… 

Par François Jarraud



Attention pièges ! S'il est une question sur laquelle une certaine unanimité cache mal l'échec et l'immobilité c'est bien la violence scolaire. Tout le monde veut réduire la violence scolaire. Des pistes sérieuses existent. Les problèmes demeurent…


Pourquoi tourne-t-on en rond ?

Les incidents survenus dans l'académie de Créteil, les mouvements qui les accompagnent ont remis au premier plan la question de la violence scolaire. Le sujet revient d'ailleurs régulièrement à chaque incident.


Il est donc d'autant plus troublant de voir les médias et les acteurs répéter les mêmes gestes et les mêmes opinions. A chaque fois revient par exemple la stigmatisation des familles, les stéréotypes éculés, les propositions foireuses. Un exemple abouti en est fourni par l'éditorial de R. Solé dans Le Monde qui additionne les clichés, présentant une prof menacée de violences et de viol par des jeunes apportant des armes durant son cours. Il conclue en dénonçant le déficit d'autorité parentale.


A nouveau, on assiste à une erreur de diagnostic. Si toutes les formes de violence scolaire sont à combattre, le ministre, et les médias aussi, privilégient toujours les formes les plus spectaculaires de la violence, celles qui font des victimes. Or la violence scolaire c'est à 80% le harcèlement (le bullying) exercé par des élèves sur d'autres élèves. Cette forme là, qui n'est pas spectaculaire, et qui s'exerce entre jeunes, a autant d'effets négatifs sur les élèves qu'elle suscite peu d'intérêt chez les politiques.


Si les liens entre établissement et police ne sont pas inutiles il faut ajouter qu'aucune mesure policière n'empêchera les coups de folie qui peuvent se terminer en bain de sang. Aucun policier n'aidera un jeune à apprendre à contenir sa colère.


Pourtant des solutions existent. Eric Debarbieux, qui mène en ce moment avec la mairie de Paris une expérience originale, estime qu'il y a des facteurs propres aux établissements dans leur organisation matérielle. La baisse du nombre de surveillants, des recoins mal contrôlés sont par exemple des facteurs de violence. Il y a surtout des causes à chercher au cœur même du fonctionnement de nos établissements. C'est la solitude des enseignants et l'anonymat des élèves qui favorisent le harcèlement. C'est la maigreur de la formation à la gestion du stress et des groupes qui fragilise des enseignants. La violence scolaire explose à la rencontre entre l'état de notre école et celui de notre société.


Luc Chatel annonce des Etats généraux de la sécurité à l'école

Le ministre de l'éducation nationale a annoncé le 16 février son intention de réunir des Etats généraux de la sécurité à l'école en avril. Cette décision fait suite à plusieurs incidents survenus dans des établissements de l'académie de Créteil, notamment à Vitry. Elle survient alors que le mouvement de protestation dans l'académie prend de l'ampleur : mardi 16 février un millier d'enseignants a manifesté à Paris et une centaine d'établissements, en premier lieu des collèges, étaient touchés. Le rectorat a compté 10% de grévistes dans le 93,  24% dans les collèges.

Les Etats généraux

http://fr.news.yahoo.com/4/20100216/tts-france-educ[...]


Les syndicats accueillent avec prudence cette annonce.

"Le SE-UNSA rappelle qu’avec les suppressions massives d’emplois, les établissements, et notamment les plus sensibles, ont perdu des adultes – en particulier dans les équipes de vie scolaire - qui jouaient un rôle majeur dans la prévention quotidienne des actes de violence. Cette question des moyens ne pourra pas être évacuée".


Pour le Sgen, "s'il s'agit de criminaliser et judiciariser davantage la jeunesse, s'il s'agit de renforcer les mesures coercitives à l'École, le Sgen-CFDT n'apportera pas sa caution. S'il s'agit de redonner des moyens à la politique de la ville, aux associations de quartier qui tissent patiemment mais durablement le lien social et intergénérationnel, s'il s'agit de renforcer les effectifs de travailleurs sociaux dans les banlieues, s'il s'agit de créer des emplois de CPE, d'assistants sociaux, de professionnels formés, de remettre des adultes en nombre suffisant dans les établissements, s'il s'agit de permettre des partenariats entre tous, avec l'objectif de redonner du sens à l'École pour les jeunes, alors le Sgen-CFDT sera prêt à porter ses propositions".


Du coté du Snes, on estime que "les contrôles à l'entrée des établissements scolaires… ne règlent en rien l'immense majorité des actes de violences". Le syndicat pense que "pour que ces Etats généraux ne soient pas un simple instrument de communication ministérielle, ils devraient impérativement associer les personnels, prendre en compte toutes les dimensions – scolaires, sociales et matérielles – de la violence, intégrer la dimension éducative dans la lutte contre cette violence". Cela implique évidemment une autre politique dans l'éducation nationale " et de mener une lutte résolue contre la difficulté scolaire". Le Snes doute de la volonté ministérielle d'aller sur ces voies.

Communiqué Se Unsa

http://www.se-unsa.org/spip.php?article2005

Communiqué snes

http://www.snes.edu/Etats-generaux-de-la-securite-pour.html


Les collectivités locales dénoncent les manquements de l'Etat

Le président du conseil régional et l'adjointe au maire de Paris  en charge de l'éducation estiment que l'Etat ne remplit pas ses obligations envers l'Ecole.


" Pour répondre à la montée de la violence, les lycées franciliens ont besoin de surveillants et de personnels d'encadrement en nombre", déclare Jean-Paul Huchon,  président du conseil régional d'ile-de-France dans une lettre ouverte au ministre. "Pour que les lycées soient réellement protégés, il ne suffit pas de construire des murs et d'installer des caméras de vidéosurveillance…. Il faut créer des postes de surveillants à temps plein dans les établissements. Il faut stopper les suppressions d'emplois" .


A Paris, Colombe Brossel dénonce à son tour la suppression de 89 emplois dans le primaire. Mais elle soulève aussi la question de la carte scolaire. "L'assouplissement de la carte scolaire et la politique de dérogations massives conduisent à des effets pervers pour les établissements… C'est la fin de la mixité sociale dans les collèges ".

Communiqué Paris

http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?portal_co[...]


La loi Estrosi punit l'intrusion dans un établissement scolaire

Adoptée jeudi 11 février, la loi Estrosi veut dissuader les bandes de jeunes. Ce faisant elle crée des crée de nouvelles peines qui pourront être utilisées cotre des grévistes. La loi tente de protéger les enseignants en instaurant une circonstance aggravante lorsque des atteintes aux personnes sont commises ' en raison de leurs fonctions ' sur les enseignants ou les personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire.


Mais c'est l'article 7 qui pose le plus de problèmes. Il prévoit que " le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement, est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende". Ces peines sont aggravées lorsque le délit est commis en réunion (3 ans de prison et 45 000 euros d'amende), par une personne porteuse d'une arme (5 ans de prison et 75 000 euros d'amende) et ou par plusieurs personnes dont l'une au moins est porteuse d'une arme (7 ans de prison et 100 000 euros d'amende). Pour Mme Éliane Assassi, sénatrice communiste du 93, "tels que sont rédigés certains articles, ils pourront être utilisés contre les syndicalistes…. Au prétexte de « sanctuariser » les établissements scolaires contre les intrusions, elle sanctionne d'un an d'emprisonnement « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire ». Qui est visé, sinon les manifestants qui occupent leur établissement ?"


Pour le socialiste Jacques Sueur, "l'article premier, en instituant une peine unique sans distinguer les faits selon la gravité des violences ou des dégradations projetées, viole le principe de proportionnalité de la peine au délit…  Cet article est également contraire au principe de légalité et à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le Conseil constitutionnel a déduit que le législateur devait définir les infractions en termes clairs et précis". En instituant une pénalité collective, la loi violerait aussi les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen  selon lesquels nul n'est punissable que de son propre fait. Adoptée par les parlementaires UMP et nouveau centre, la loi devrait faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.

La loi

http://www.senat.fr/dossierleg/ppl08-506.html



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 février 2010.

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