Formation des enseignants : Une réforme dangereuse 

Par François Jarraud 



Refusée par la communauté éducative, la réforme de la formation des enseignants est mise en place par Luc Chatel avec précipitation. Elle enverra dès septembre 2010 des enseignants sans formation professionnelle face aux élèves des quartiers populaires.


Des textes refusés par le CNESER

Réuni le 21 décembre le CNESER a voté contre le projet gouvernemental de formation des enseignants par 35 voix contre et 3 pour (Medef et Uni).


Une motion déposée par la Fsu, le Se-Unsa, la CGT, le Sgen, les autonomes, et l'Unef  a recueilli 27 voix. Elle dénonce "l’entêtement gouvernemental consistant à entraver les capacités de l’université à développer des formations de haut niveau intégrant disciplines universitaires et savoirs professionnels en lien avec la recherche, alliant les potentiels avérés des UFR et des IUFM -dont le maillage territorial est un atout-, et s’appuyant sur des concours nationaux. Il est inacceptable de réduire la formation professionnelle à quelques modules complémentaires ou à de très courts stages et de bouleverser l’ensemble de l’offre de master existante au détriment de la recherche. Par ailleurs, l’absence d’aides financières conséquentes pour les étudiants dont la durée d’études s’allongera, risque de faire régresser un peu plus la diversité sociale et décourager les jeunes issus des milieux populaires de choisir le métier d’enseignement".


Le texte de la circulaire fixe les principes généraux d'organisation des cursus en termes assez vagues. La formation proclame qu'il ne "saurait y avoir de master sans un adossement à une équipe de recherche" mais affirme aussi que les masters "intégreront une forte composante de formation professionnelle". Celle-ci prévoit des stages d'observation et de pratique accompagnée puis des stages en responsabilité. L'étudiant doit à la fois acquérir une culture scientifique, disciplinaire ou pluridisciplinaire et professionnelle, le tout en deux ans, ce qui semble une gageure. Comme l'affirme Jean-Louis Auduc dans son analyse, " indiquer, notamment pour les admissibles des concours du second degré, qu’ils pourront dans le court laps de temps imparti « se préparer aux épreuves d’admission, grâce à des enseignements spécifiques et aux stages en responsabilité, parallèlement  aux épreuves et travaux permettant l’obtention du master. », c’est les placer devant un choix impossible qui ne peut qu’entraîner des conflits et des différenciations entre les universités".  Encore les étudiants sont-ils susceptibles d'effectuer aussi un stage en entreprise… Dans cette situation, c'est bien la formation professionnelle qui risque de souffrir.

Motion Cneser

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3282

La circulaire officielle

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoi[...]

Le dossier Formation des enseignants

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFo[...]



Les épreuves des futurs concours

Le Journal officiel du 6 janvier publie une série d'arrêtés définissant les concours du premier et du second degré (P.E., agrégation, capes, capet, PLP, CPE).  Pour le ministère, ces concours, passés en cours de seconde année de master, sanctionnent une formation professionnelle. "Les étudiants préparant le concours enseignant sont sensibilisés progressivement aux métiers de l’enseignement", dit-on rue de Grenelle. Dès qu'ils ont réussi leur concours et validé leur année de M1 (ou de M2 à partir de 2011), les lauréats sont affectés dans un établissement. Mais l'analyse des épreuves montre qu'elles ne portent pas sur des savoirs professionnels.


Ainsi le Capes d'histoire-géo comportera comme épreuves d'admissibilité une composition d'histoire et une de géographie. Elles sont suivies d'épreuves d'admission composées d'une leçon et d'une étude de dossier. La seule épreuve non disciplinaire est "l'étude d'un document portant sur la compétence « Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable »". Elle dure 10 minutes et on ne saurait dire qu'elle remplace un mémoire professionnel ou une épreuve de sciences de l'éducation.


Pour les professeurs des écoles, l'admissibilité "comporte deux groupes d'épreuves de quatre heures chacun, en français et histoire géographie et instruction civique et morale, d'une part, et en mathématiques et sciences expérimentales et technologie, d'autre part". L'épreuve de français " vise à évaluer la maîtrise des savoirs disciplinaires nécessaires à l'enseignement dans ces domaines, en référence aux programmes de l'école primaire;  la connaissance et la maîtrise de la langue française, en particulier la grammaire, l'orthographe et le vocabulaire ; la capacité à comprendre et exploiter des textes ou des documents". Les épreuves d'admission consistent en une "présentation de la préparation d'une séquence d'enseignement en mathématiques et interrogation, au choix du candidat, sur les arts visuels, la musique ou l'éducation physique et sportive".


Rappelons que les candidats aux concours internes 2010 recrutés avant le 30 juillet 2009 pourront se présenter s’ils remplissent les anciennes conditions de diplôme (généralement la licence) et d’ancienneté de services. Ceux recrutés après le 30 juillet 2009 devront remplir les conditions de diplôme requises des candidats aux concours externes (en principe le M1) et d’ancienneté de services. Les conditions d’inscription pour le troisième concours ne changent pas avec cette réforme. Les modalités spécifiques d’accès au concours (mère ou père de trois enfants, troisième concours, discipline professionnelle des concours professionnels, etc.) sont maintenues.

Concours CPE

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORF[...]

Agrégation

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTE[...]

Capes

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORF[...]

Capet

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORF[...]

Caplp

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JOR[...]

Capeps

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JO[...]

P.E.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JOR[...]

Pour le MEN

http://www.education.gouv.fr/cid25081/les-nouvelles-cond[...]

Dossier Formation des enseignants

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Reforme[...]


Concours : On s'éloigne des besoins, estime J.-L. Auduc

Qu'est ce qui a changé dans les nouveaux concours d'enseignement dévoilés hier au J.O. ? Pas grand-chose si ce n'est qu'alors que se généralisent les TICE on n'y parle plus de C2i, qu'alors qu'on introduit les cahiers de compétences les mots "socle commun" n'apparaissent nulle part…


Pour Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d'IUFM, "le nouveau modèle proposé… s’éloigne de la professionnalisation nécessaire des  futurs enseignants. La suppression de l’année de formation professionnelle après la réussite au concours apparaît donc d’autant plus inconcevable. Est-il normal que l’entrée dans le métier enseignant se caractérise par un changement radical de  posture entre ce qu’ont été les études universitaires, la préparation au concours et la réalité du travail à exercer, de la mise en apprentissage des élèves ?"

Lire la tribune de JL Auduc

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/A[...]



La circulaire de cadrage des masters

Au lendemain de la publication au Journal Officiel des épreuves des futurs concours, le ministère publie au Bulletin officiel la circulaire de mise en place des masters. Elle avait été repoussée par le Cneser le 21 décembre à une quasi unanimité (3 voix pour Medef et Uni).


Le texte de la circulaire fixe les principes généraux d'organisation des cursus en termes assez vagues. La formation proclame qu'il ne "saurait y avoir de master sans un adossement à une équipe de recherche" mais affirme aussi que les masters "intégreront une forte composante de formation professionnelle". Celle-ci prévoit des stages d'observation et de pratique accompagnée puis des stages en responsabilité. L'étudiant doit à la fois acquérir une culture scientifique, disciplinaire ou pluridisciplinaire et professionnelle, le tout en deux ans, ce qui semble une gageure. Comme l'affirme Jean-Louis Auduc dans son analyse, " indiquer, notamment pour les admissibles des concours du second degré, qu’ils pourront dans le court laps de temps imparti « se préparer aux épreuves d’admission, grâce à des enseignements spécifiques et aux stages en responsabilité, parallèlement  aux épreuves et travaux permettant l’obtention du master », c’est les placer devant un choix impossible qui ne peut qu’entraîner des conflits et des différenciations entre les universités".  Encore les étudiants sont-ils susceptibles d'effectuer aussi un stage en entreprise… Dans cette situation, c'est bien la formation professionnelle qui risque de souffrir.

La circulaire

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid20536/ru[...]


J.-L. Auduc : Un texte rempli de contradictions et de riques

La circulaire sur la mise en place des masters met-elle un terme au conflit sur la formation des enseignants ? Directeur-adjoint d'IUFM, Jean-Louis Auduc commente pour le Café la réforme depuis ses débuts. Pour lui ce dernier texte est ambigu, contradictoire et installe de flagrantes inégalités entre les candidats. Il met en péril la formation professionnelle au profit du bachotage disciplinaire. Un texte à remettre sur le métier ?

Lisez l'analyse de JL Auduc

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/12/J-L[...]


Réactions : FCPE et Jacques Nimier

"Enseigner est un métier qui s’apprend ! La FCPE ne se satisfera pas d’enseignants qui n’ont qu’une vague idée de ce qu’est un élève". La FCPE manifeste clairement sa désapprobation du texte gouvernemental sur la formation des enseignants. " Cette circulaire ne cadre en rien la formation des enseignants en ce qui concerne son aspect professionnel (pédagogie, psychologie de l’enfant et de l’adolescent, conduite de classe, connaissance du système éducatif)", estime l'association de parents d'élèves dans un communiqué publié le 24 décembre. "Aucun horaire, aucun contenu ne sont imposés aux universités… La ministre de l’enseignement supérieur continue par ailleurs à faire l’impasse sur la question des bourses accordées aux étudiants pour supporter l’année supplémentaire d’études non rémunérée qui s’imposera désormais à ceux qui choisiront la carrière d’enseignant".


Dans un éditorial, le psychopédagogue Jacques Nimier s'interroge également. "Je ne vois pas comment des étudiants "normaux" vont pouvoir, en 2 ème année de master, passer un concours, préparer l'oral, suivre des modules disciplinaires et des modules professionnalisant, faire un stage en responsabilité, se former à la recherche, préparer un mémoire et le soutenir ! ! ! Ce n'est plus une formation qui doit respecter le temps d'évolution des personnes, mais un gavage et une course à l'échalote !" Il relève aussi que "la circulaire évite soigneusement tout terme psychologique (pourquoi? !). On ne parle donc pas de connaissance de la psychologie de l'enfant ou de l'adolescent, ni de la psychosociologie des groupes… On voit le peu d'intérêt porté à ceux qui sont pourtant le but de tout ce système !"

Sur le site de J Nimier

http://www.pedagopsy.eu/


Goigoux : Il faut faire place aux résultats des recherches

"Quelles sont les formes pédagogiques les plus appropriées à la formation d’adultes déjà longuement scolarisés et formés à l’université ?" Pour Roland Goigoux, professeur à l'université Blaise Pascal, il est "paradoxal de constater que les débats conduits à l’université sur l’avenir de la formation des enseignants ne font pas état des recherches universitaires réalisées sur ce sujet".


Dans cette tribune offerte au Café pédagogique, il fait le point sur ce qu'on sait de la façon dont les futurs enseignants envisagent leur formation et acquièrent des savoirs professionnels. " Les stagiaires demandent qu’on les aide à réussir leurs premiers pas dans le métier et, sur ce point, les recherches semblent indiquer qu’ils ont raison : la réussite initiale apparaît comme un facteur de motivation et de progrès, démultipliée lorsqu’elle est accompagnée d’une théorisation de l’action réussie. La pertinence d’une formation en alternance semble donc résider dans l’association progressive de trois composantes : l’action professionnelle (c’est pourquoi les stages sont indispensables très tôt dans le parcours de formation), la réussite de l’action (c’est pourquoi ces stages doivent être fortement encadrés par des tuteurs), la compréhension de l’action et des conditions de sa réussite (c’est pourquoi l’institut de formation doit donner aux stagiaires les moyens de redécrire leurs expériences hors de l’urgence de l’action quotidienne)".  Mais comment équilibrer ces trois exigences ?


D'où l'importance de l'alternance et de l'accompagnement sur le terrain. Or c'est justement cet aspect de la formation qui est remis en cause par la réforme.

La tribune de Roland Goigoux

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/G[...]

Le dossier Formation des enseignants

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Ref[...]

Les profs apprennent des profs 

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/[...]


Les stagiaires en classe à temps plein à la rentrée 2010 ?

Selon le Sgen Cfdt, les premières réunions des CTP académiques pour préparer la rentrée 2010 font émerger " une hypothèse très inquiétante quant aux conditions de travail des collègues débutants : ceux-ci devraient  exercer à temps plein dès la rentrée". 


La décharge de service équivalent à un tiers-temps pour permettre leur accompagnement serait regroupée " au milieu de l'année scolaire à un moment vraisemblablement déterminé par l'entrée en stage d'enseignement des étudiants en master deuxième année". Ces derniers iraient les remplacer en classe.


"Enseigner ne s'improvise pas et devoir assumer un service complet dès l'entrée en fonction est la pire des manières de débuter", estime le Sgen. " Dans ce dossier il faut que le ministère cesse de choisir systématiquement la pire des solutions : le tiers temps de formation doit être  attribué de manière hebdomadaire pour permettre un accompagnement efficace des  collègues débutants", demande le syndicat. Il a une chance d'être entendu : quel parents souhaiterait que son enfant partage ce bricolage administratif ?

http://www.cfdt.fr/rewrite/article/23875/actualites/[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le vendredi 15 janvier 2010.

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