Décryptage : Une réforme modeste, positive mais réalisable ? 

Un projet centré, sans le dire, sur l'élève mais qui oublie une chose : l'autonomie se conquiert, elle ne se décrète pas.


Reconnaissons au projet de réforme du lycée qu'il s'attaque à plusieurs de ses points faibles et que, sans prétendre mettre l'élève au centre, il entend se préoccuper de son travail et de sa réussite. On appréciera qu'il veuille développer l'autonomie et la citoyenneté active des élèves. On goûtera également qu'il  donne plus de place à l'aide à l'orientation, au soutien scolaire, à la vie lycéenne (même si sur ce dernier point on sait qu'il y a loin des intentions aux actes…). Plus généralement on soutiendra le projet de donner plus de responsabilité et d'autonomie aux jeunes comme aux adultes.


Il n'en demeure pas moins que ce projet pose de véritables défis au système éducatif. Le premier est justement celui de l'autonomie. Les nouvelles responsabilités accordées aux équipes pédagogiques suffiront-elles à les faire exister ? Il conviendrait aussi de leur donner les moyens de fonctionner, ce que le ministère a visiblement "oublié". Il n'a d'ailleurs pas davantage pensé à faire exister le professeur principal. Faute de moyens et d'animateur, l'équipe pédagogique pourrait bien réduire son projet à sa plus simple expression ou, pire, encore se noyer dans les conflits personnels dans le partage des heures.


La possibilité offerte de réorientation est intéressante mais à double tranchant. Elle peut aussi bien conduire à une sélection accrue dans les filières nobles qu'à une sous-estimation de leurs capacités par les élèves. Seul un tutorat réellement institutionnalisé pourrait permettre aux élèves d'exercer pleinement leurs droits.


Comment mettre en place un accompagnement personnalisé sans former les enseignants ? Le ministère annonce bien un effort de formation dès 2010, mais jusqu'à maintenant on sait que c'est sur cette ligne de crédit qu'il puise quand il a des besoins…


La tentative de rééquilibrer les séries en créant de nouveaux enseignements de spécialité est-elle à même de créer une véritable propédeutique des études supérieures, moyen véritable de sortir de la hiérarchie lycéenne ? Peut-on lutter contre la hiérarchisation en  ne l'attaquant que du coté du lycée, comme si elle n'était pas liée à la sélection du supérieur ?


Quel est l'avenir de la voie technologique ? Le document ne dit rien de l'enseignement professionnel et très peu de choses de la voie technologique. Partagera-t-elle le tronc commun avec les séries de voie générale ? Dans ce cas des questions pédagogiques sérieuses vont se poser. On a vu lors du bac 2009 que, si le "récalibrage"  du bac STG se fait sans grand accroc, en série ST2S c'est beaucoup plus difficile. Devant un accompagnement scolaire non préparé, des équipes et des autonomies à construire, se profile le risque d'oublier les élèves en difficultés, ceux des milieux défavorisés. Il ne faudrait pas que cette réforme, encore une fois, se fasse contre eux.


François Jarraud



Sur le site du Café


Par fjarraud , le dimanche 15 novembre 2009.

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