Hélène FONE, une carrière d’expatriée, au service de l’enseignement du Français Langue Etrangère (FLE) 

Par Rémi Boyer, de l'association Aidoprofs



Quel a été votre parcours de carrière ?


Après une maîtrise de Français Langue Etrangère (FLE) en 1995, Hélène devient professeur en Allemagne par contrat direct avec le Ministère de l’éducation du Land de Saxe (après la chute du mur de Berlin, les régions de l’est de l’Allemagne recherchaient beaucoup de professeurs, notamment de français). Elle enseigne alors dans une école secondaire.


De retour en France, Hélène poursuit ses études avec un DESS de FLE en formation de formateurs, avant de partir l’année suivante comme animatrice pédagogique et culturelle  à l’Alliance Française de Torun en Pologne.


En 1998, elle décroche son Capes de Documentation dans l’objectif de poursuivre sa carrière de FLE comme détachée et d’obtenir un poste à responsabilité au sein du réseau culturel français à l’étranger. Après l’année de stage et une année en collège en Seine Saint-Denis, elle postule auprès du Ministère des Affaires Etrangères (MAE) en 2001 et est affectée en Australie, à l’Alliance Française de Melbourne, sur un poste de directrice adjointe, pour une durée de deux fois deux ans.


Ses activités y sont diversifiées : recrutement, formation et gestion d’une équipe d’une vingtaine de professeurs de FLE vacataires et d’une équipe de quatre réceptionnistes ; management d’une école de langues accueillant près de 3000 apprenants par an (adultes, adolescents et enfants) impliquant conception de cours, tests de placement, suivi ; édition et marketing  (site Internet, publicité, matériels de promotion) ; gestion de la passation des diplômes du DELF et du DALF.


En 2005, c’est le retour en France, comme professeur-documentaliste dans un collège de l’académie de Créteil, où Hélène exerce toujours.


Hélène montre ainsi que l’on peut évoluer sur différents postes au sein de l’Education nationale, tant en métropole qu’à l’étranger, et que chaque expérience est synonyme de nouvelles compétences. Enseignante de FLE à l’origine, Hélène considère sa fonction de professeur documentaliste comme sa seconde carrière.

Pour un enseignant, un changement de discipline d’enseignement peut être vecteur de remotivation, d’une nouvelle énergie, permettant d’oublier la routine, et ce processus de reclassement est bien pratiqué dans la majorité des académies, même si ce n’est pas encore une mobilité « hors de la classe ».


Quelles compétences a-t-elle réutilisées sur ses différents postes ?


« Mes savoir-faire en documentation, en formation en FLE. J’ai aussi une meilleure vision de l’établissement, une vision globale, qui a intéressé mon chef d’établissement actuel, en m’intégrant dans les différents projets pédagogiques de l’établissement ».

Cette remarque nous semble importante, car il est rare qu’après une mobilité professionnelle, que ce soit en détachement, en mise à disposition ou sur un poste d’enseignant spécifique en France ou à l’étranger, les nouvelles compétences du professeur soient sollicitées.


Quelles compétences Hélène a-t-elle acquises ?


« Une bonne capacité d’adaptation : j’ai désormais de la distance par rapport à ce que je fais, je m’adapte rapidement à une nouvelle équipe. La formation en FLE m’a apporté un regard plus particulier sur les difficultés des élèves, non francophones ou pas. En effet, l’abord de l’écrit ou de l’oral s’effectue par une mise en confiance de l’apprenant, afin de favoriser sa prise de parole, en multipliant les occasions de travailler en groupe. » Grâce à son expérience de direction en Australie, Hélène maîtrise le mode de fonctionnement d’une institution, et peut servir de personne ressource à ce niveau, en comprenant les intérêts de chacune des parties agissant au sein d’un établissement. Habituée au travail en équipe, son métier de documentaliste la place au carrefour de l’activité des équipes pédagogiques tout au long de l’année scolaire.


Comment ont réagi ses anciens collègues quand elle a choisi l’expatriation ?


« Ils étaient intéressés, et la collègue documentaliste avec qui je travaillais en binôme m’a soutenue dans ma démarche. Mais cela a été plus difficile pour les autres, car j’ai senti que ce type d’expérience les mettait mal à l’aise, les gênait. Je n’avais pas un parcours courant ». En effet, comme le souligne le magazine BREF n° 246, l’expatriation est sous-employée en matière de mobilité professionnelle par les professeurs. Nous y voyons là une peur de perdre son poste fixe une fois que le professeur – souvent affecté sur des postes instables et pénibles en remplacement dans ses débuts de carrière – a accédé à cette chance. Si la mutation ne réservait pas de telles mauvaises surprises, si les barèmes de mutation étaient revus de manière plus valorisante pour ceux qui osent franchir le pas pour diversifier leurs compétences par un parcours de carrière varié, sur différents postes, nul doute que ce type de mobilité serait plus courant, générant une plus grande motivation tout au long de la carrière.

Actuellement, tous les retours de détachement et d’expatriation s’effectuent sous forme de parachutage au sein d’une académie puis d’un département, alors qu’un vœu « groupe de communes » valorisé en terme de barème serait plus adapté.


Pourquoi Hélène a-t-elle choisi de revenir en France ?


« Pour des raisons personnelles. Professionnellement cela a été très riche pendant quatre ans, mais cela a généré beaucoup d’activités, de travail, de stress aussi, et je n’avais ni  l’envie, ni la force  de postuler sur un nouveau poste. En effet, ce type de poste est très enrichissant mais c’est un gros travail à réaliser,  cela exige beaucoup d’énergie de s’adapter à un nouvel environnement et de bâtir un réseau professionnel et personnel ».


Quels conseils Hélène donne-t-elle à un professeur qui souhaite l’imiter ?


« Il est plus facile de partir au début de sa carrière, quand on n’a pas encore d’attaches, que lorsque que l’on est célibataire, sans enfants, sans enracinement géographique ». Il faut aussi toujours garder à l’esprit que l’expatriation ne dure que quelques années et qu’il faudra, sauf exception, revenir en France. Mieux vaut donc préparer son retour pour le vivre sereinement et tenter de mettre à profit dans son nouveau poste les compétences acquises à l’étranger.


Avec le Ministère des Affaires Etrangères (MAE)  précise-t-elle, « on part quelques années, sur contrat de trois ans renouvelables. On participe ensuite, au retour, au mouvement inter-académique puis intra-académique, avec la certitude de retrouver un poste : c’est rassurant, c’est une énorme sécurité ».


Quelles qualités faut-il posséder pour réussir sur un poste à l’étranger ?


« Incontestablement, une grande capacité d’adaptation est nécessaire. Car il s’agit d’un environnement totalement nouveau (nouveau pays, nouvelle langue parfois, nouveau travail). Le fait d’abandonner ses repères, ses habitudes, de devoir s’ouvrir à une culture et des coutumes nouvelles, demande d’être très indépendant et de faire preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit pour se construire un réseau d’amis et réussir dans son travail. Il faut enfin savoir vivre seul, supporter une grande solitude sur certaines affectations ». C’était aussi l’avis de Jean-Claude Baise lorsqu’il avait été affecté à plus de 1000 km de Tahiti.


Quel est maintenant le projet d’évolution professionnelle d’Hélène, qui a contacté récemment l’association Aidoprofs ?


« Je vis mon retour en France comme une pause (le rythme de travail est beaucoup moins soutenu qu’en Australie et j’ai beaucoup plus de temps libre) mais aussi comme une nouvelle étape dans mon parcours de carrière. J’apprécie beaucoup mon poste de professeur-documentaliste mais ne souhaite pas exercer cette profession des années. Après avoir hésité sur la suite à donner, je sais maintenant après ces trois ans passés dans un  collège que je veux poursuivre au sein de l’Education nationale. Je voudrais m’investir dans ce domaine qui est véritablement passionnant mais différemment, en mettant à profit toutes les compétences que j’ai pu acquérir au cours de mes différentes expériences ».


Pourquoi Hélène avait-elle, comme 750 professeurs depuis l’origine de la création de l’association, contacté Aidoprofs ?


« J’avais besoin de faire le point sur mon parcours professionnel, de connaître les différentes possibilités qui s’offrent à moi, en fonction de mes compétences, de mon expérience, pour savoir comment m’investir autrement. J’ai toujours regardé attentivement les postes qui paraissent sur le Bulletin Officiel de l’Education Nationale (BOEN), comme ceux du CIEP, de la Cité des Sciences et de l’Industrie, du SCEREN, etc.

Pour Hélène, « cette association est bienvenue, et j’en parle de plus en plus autour de moi, car on se sent démuni dans l’Education nationale, on ne se sent pas tellement aidé, épaulé, notamment quand on éprouve l’idée de faire autre chose. Je trouve que c’est une association intéressante. »


Qu’a pensé Hélène de son pré-bilan, cet outil conçu par l’association pour aider ponctuellement le professeur à mieux identifier ses compétences et décider ou non de s’engager dans une mobilité, avec ou sans l’accompagnement des bénévoles de l’association ?


« Le pré-bilan a été pour moi un très bon travail d’auto-analyse, de réflexion. J’ai mis du temps à la faire. Les questions posées m’ont permis de réfléchir, d’affiner mes choix, et je pense pouvoir confirmer maintenant une ou deux idées que j’avais déjà, grâce aux réponses et aux suggestions qui m’ont été apportées ».



Sur le site du Café
Par rboyer , le dimanche 15 juin 2008.

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